Implantée à Cornebarrieu, en Haute-Garonne, sur une zone d’activités dédiée à l’aéronautique, l’entreprise Prodem, spécialisée dans le traitement de surface et la peinture, place la prévention des risques liés aux atmosphères explosives au cœur de sa politique de développement.
Les pièces qui défilent dans l’atelier sont hautement techniques : carters de moteurs, éléments de trains d’atterrissage d’avions civils ou militaires… Sur le site occupé par Prodem à Cornebarrieu, en Haute-Garonne, plus de 95 % de l’activité sont dédiés à l’aéronautique. Les principaux clients sont Airbus et Safran. Environ 180 salariés sont répartis sur trois grands domaines d’activité : le contrôle non destructif (contrôle de l’état de la matière) ; le traitement de surface par voie chimique (200 000 litres de bains) et l’application de peinture ; et enfin le formage du titane à chaud.
« Notre établissement est classé Seveso “seuil bas”, principalement à cause de nos activités de traitement de surface et l’utilisation de produits chimiques qui en découle, souligne Fabien Kaufholz, le responsable HSE de l’entreprise. Mais nous sommes également confrontés au risque lié à la formation d’atmosphères explosives (Atex), notamment pour l’activité peinture par pulvérisation. Un risque invisible au quotidien sur lequel nous avons souhaité monter en compétences en suivant la formation Formatex proposée par la Carsat Midi-Pyrénées (NDLR : lire l’encadré « Formatex »). » « Le risque Atex est un sujet technique. Il faut montrer aux entreprises qu’il est à leur portée », affirme Laurent Hardy, contrôleur de sécurité au Centre de mesures physiques de la Carsat Midi-Pyrénées. En 2013, Fabien Kaufholz suit Formatex accompagné de Nicolas Baron, le responsable des moyens industriels. « Il est important que le responsable HSE et le responsable maintenance ou la personne chargée des moyens généraux aient le même niveau de connaissances, insiste Laurent Hardy. L’un va travailler sur l’évaluation du risque, l’autre sur des aspects opérationnels comme le changement et la maintenance du matériel Atex. »
À la suite de la formation, le zonage Atex est mis à jour. Les travaux les plus chronophages, tels que le travail sur l’adéquation du matériel avec la zone dans laquelle il est installé, sont confiés à un sous-traitant. L’entreprise se penche par ailleurs sur la formation du personnel de maintenance, afin que les interventions sur le matériel Atex n’en altèrent pas les spécificités. « La prévention du risque Atex, comme celle du risque chimique, est intégrée dans nos choix d’évolution, des produits comme des procédés », affirme Thierry Cotelle, directeur général de Prodem.
Un travail de fond côté peinture
Sur ce plan, une donnée majeure doit être soulignée : les produits utilisés pour les traitements sont choisis et imposés par les donneurs d’ordres. « À notre niveau, il faut être en mesure de les orienter », explique le responsable HSE. Par exemple, lors du remplacement du révélateur utilisé dans un procédé de contrôle non destructif, opération consistant à mettre en suspension une poudre à l’intérieur d’une cuve, l’entreprise s’est orientée vers un produit composé d’oxyde d’aluminium (non combustible) pour limiter la présence d’un autre produit présentant des risques d’explosion.
UN SITE, DES METIERS
Trois activités coexistent sur le site. Le contrôle non destructif est assuré par ressuage (immersion ou électrostatique) et par magnétoscopie. Le traitementde surface regroupe quatre chaînes de traitement : des aluminiums, des inox, des aciers et du titane. Enfin, l’activité peinture nécessite six postes d’application et des locaux annexes (préparation, nettoyage, stockage).
Autre exemple, côté peinture. Depuis 2012, Prodem opère une transition progressive vers les produits hydrodiluables : moins de solvants et d’émanations de vapeurs explosives. Un travail de fond a par ailleurs été mené, avec le Centre de mesures physiques de la Carsat, sur les cabines de peinture et les locaux de stockage, de préparation et de nettoyage du matériel. Dans le local de stockage, une ventilation permanente, en basse vitesse, est assurée, avec un passage en grande vitesse dès que l’opérateur est présent, pour assurer un renouvellement d’air de plus de 50 fois le volume par heure.
Dans le local de préparation, des tables aspirantes ont été installées avec une vitesse d’air au point d’émission du polluant de 0,5 m/s, générant un flux d’air neuf avec l’entrée diamétralement opposée aux tables et permettant un balayage entier du volume. Les armoires coupe-feu de stockage, le poste de pesée et les poubelles sont ventilés. Un système permet de couper la ventilation en cas d’incendie. Évidemment, le matériel est en adéquation avec la zone Atex définie. Un local équipé de machines fermées et ventilées est dédié au nettoyage du matériel de peinture.
UN « PLAN » ATEX
À la suite de la formation réalisée avec la Carsat Midi-Pyrénées (Formatex),
de la réalisation du zonage et d’une étude sur l’adéquation zonage-matériel, plusieurs travaux ont été engagés : réaménagement de la zone de stockage des chariots automoteurs, achat d’un aspirateur Atex pour le nettoyage des cabines assuré par un prestataire… Prodem implique également ses sous-traitants dans la démarche et forme le personnel de maintenance. Par ailleurs, la problématique de prévention est abordée le plus en amont possible lors de la définition des besoins : en ventilation-aspiration, détection, mais aussi à l’occasion du travail sur la substitution de produits ou de l’achat de nouveaux équipements…
À l’origine, le volet Atex était totalement confié à une entreprise extérieure. Prodem a souhaité s’approprier la démarche de prévention pour l’intégrer dans ses développements et ainsi mieux comprendre et anticiper les problématiques.
Du côté des cabines de peinture, les anciennes ont été rénovées et une nouvelle installée en 2016 : éclairage Atex, mise à la terre des caillebottis, détection incendie avec asservissement de la ventilation, asservissement du pistolet à la ventilation, mise à la terre des barres supportant les pièces… « On peut déplorer que tous les vendeurs de cabines ne les livrent pas complètement équipées pour la protection contre l’incendie et l’explosion. Les box de préparations sont quant à eux très souvent négligés, souligne Laurent Hardy. Sur l’installation, l’entreprise a réalisé un cahier des charges complet intégrant les risques. »
Une remise en question permanente que l’on retrouve sur l’un des volets du traitement de surface : l’usinage chimique du titane. Peu après avoir suivi Formatex, Prodem a connu sur cette activité un départ de feu, heureusement maîtrisé, à l’intérieur d’une cabine de pulvérisation. L’analyse de l’accident a débouché sur plusieurs actions correctives : une mise à la terre supplémentaire du pistolet et du chariot transportant les pièces et la mise en place d’un bracelet de décharge pour l’opérateur.
« Depuis la création du service HSE, en 2006, les changements sont visibles, atteste Norédine Ajouay, un membre du CHSCT. Nous travaillons sur les situations à risques : dès qu’elles sont détectées, on réalise un arbre des causes, on met en route un plan d’action… » Des remontées du terrain essentielles, juge le responsable HSE : « Les opérateurs sont dans le flux de la production. Il faut se tenir à l’écoute de leurs observations. » ■
FORMATEX
Depuis 2012, la Carsat Midi-Pyrénées propose, comme d’autres Carsat, deux journées de « formation-action » sur l’Atex. Une première journée est consacrée aux bases et à la démarche de prévention de l’Atex puis à la réalisation d’exercices pratiques. Les entreprises ont ensuite trois semaines pour mettre en application cet enseignement sur leur propre site. Une deuxième journée est alors consacrée à leur travail : zonage, plan d’action, retour sur leur état des lieux et les doutes rencontrés... La formation a pour vocation de les aider dans la réalisation du DRCPE. Deux sessions sont proposées chaque année aux entreprises (10 à 12 participants) et une aux IPRP. Cette année, des étudiants de l’IUT de Blagnac (Génie industriel et maintenance) ont travaillé sur une maquette de démonstration de l’explosion de poussières, utilisée depuis en formation pour sensibiliser au risque. De plus, depuis 2014, un petit logiciel aidant à démarrer son analyse Atex est disponible pour structurer le travail des entreprises.
Grégory Brasseur