Les Ateliers du bocage gèrent de nombreux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE). L’entreprise solidaire des Deux-Sèvres a lancé différents projets d’amélioration des conditions de travail, notamment en faisant la part belle à l’ergonomie. Une ventilation adaptée à l’activité de tri des cartouches laser a aussi pu être installée, grâce à l’aide technique de la Carsat Centre-Ouest et du Centre interrégional de mesures physiques de Limoges.
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L'atelier de tri et de réparation des téléphones mobiles traite près de 300 000 appareils chaque année tout en restant à échelle humaine. © Philippe Castano pour l'INRS |
AVEC MOINS de 3 % de déchets ultimes produits, les Ateliers du bocage font figure de bons élèves de l’économie circulaire. Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) arrivent pourtant en quantité impressionnante dans cette entreprise des Deux-Sèvres, membre de la branche économie solidaire et insertion d’Emmaüs : cartouches d’encre pour imprimantes, téléphones mobiles, tablettes, ordinateurs … « Environ 1 000 tonnes de DEEE arrivent chaque année sur nos quatre sites », précise Claire Maetz, animatrice QSE des Ateliers du bocage. La gestion de ces déchets constitue la principale activité des quatre sites et des 160 salariés de l’entreprise.
« Notre mission est de donner une seconde vie à ce que beaucoup considèrent comme des déchets, tout en préservant nos salariés des risques professionnels associés à leurs activités : troubles musculosquelettiques (TMS) principalement, mais aussi risque chimique à certains postes spécifiques », résume-t-elle. Dès 2017, l’entreprise solidaire s’est lancée dans différents chantiers d’amélioration des conditions de travail. « En deux ans, nous avons réduit de 50 % nos accidents du travail », apprécie Claire Maetz.
Sur le site de la Boujalière, le plus grand des quatre sites, 17 opérateurs assurent le tri de trois types de cartouches : jet d’encre, laser et bidons (des photocopieurs). Les deux derniers contiennent des poudres très volatiles, « dont la composition, variable, n’est pas toujours connue », regrette Claire Maetz. Certaines particules fines contenues dans ces poudres présentent un risque pour la santé des salariés qui les manipulent : irritations des yeux, de la peau et des voies aériennes supérieures. L’entreprise souhaitait installer une ventilation afin de limiter l’exposition aux particules fines.
L’occasion se présente, en 2018, lors du regroupement de l’ensemble des postes liés à cette activité dans un atelier unique, sur le site de La Boujalière. L’entreprise fait donc appel à la Carsat Centre-Ouest. « Nous avons recommandé aux Ateliers du bocage l’installation de tables de travail aspirantes, afin de capter les poussières au niveau du poste de travail », explique Guillaume Garbay, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre-Ouest. « L’objectif était d’atteindre une vitesse de captage de 0,5 m/s au niveau de chaque table, quand toutes les quatre sont en fonctionnement », précise Fabien Moreau, contrôleur de sécurité au Centre interrégional de mesures physiques (Cimp) de Limoges, venu vérifier l’efficacité du système installé. Les pièces manipulées et le poste de travail peuvent être nettoyés grâce à une brosse aspirante reliée au même réseau d’aspiration.
Entre réparation et recyclage
En parallèle, une réflexion ergonomique a été engagée. « Nous avons demandé aux opérateurs ce qu’était pour eux le poste de travail idéal, indique Claire Maetz. Ils ont fait ressortir l’importance d’être à la bonne hauteur par rapport à la tâche à effectuer nous avons donc orienté notre choix vers des tables sur mesure, réglables en hauteur. Les opérateurs ont au préalable testé plusieurs prototypes en carton, avant de déterminer le poste de travail le plus adapté à leur activité. »
À l’atelier téléphonie, le travail des 25 salariés est différent : si tout débute ici aussi par un tri, des réparations peuvent être effectuées sur place. 20 % des appareils reçus seront proposés à la revente, dans les quatre boutiques des Ateliers du bocage ou en ligne. Le reste est envoyé vers des centres spécialisés dans le recyclage des matières (plastiques et métaux précieux principalement). Quelque 300 000 téléphones et tablettes sont collectés chaque année, auprès d’entreprises et de compagnies de téléphonie partenaires principalement. « Notre activité de téléphonie s’est industrialisée mais dans le bon sens du terme : nous sommes plus productifs tout en étant plus à l’aise pour travailler. Tout reste à échelle humaine », souligne Isabelle Grignon, assistante de production et membre du CHSCT.
À leur arrivée, les téléphones sont enregistrés dans la base informatique qui répertorie plus de 3 000 modèles. Les opérateurs évaluent les différentes fonctions. « Jusqu’à 26 tests peuvent être effectués sur un même appareil et les résultats sont entrés dans la base », détaille Isabelle Grignon. Puis, les données personnelles sont effacées. Six techniciens effectuent alors les réparations nécessaires. « Ils interviennent sur toutes les pièces à l’exception de la carte-mère », poursuit-elle. La plupart des réparations concernent les écrans. La séparation des différentes couches qui les composent est effectuée dans une salle propre, afin d’éviter que des poussières ne s’y insèrent. Chaque portable qui arrive ici est différent. « Les modèles de téléphone changent constamment et nos techniciens s’adaptent en trouvant des solutions de réparation », explique Claire Maetz.
Les derniers aménagements ergonomiques en date, réalisés en début d’année, concernent les postes de prétri, où les « déchets » non récupérables (kits mains libres, boîtes abîmées, etc.) qui seront orientés vers des filières spécifiques pour un recyclage matière sont séparés des téléphones et chargeurs, potentiellement commercialisables. Les bacs à roulettes recevant ces déchets étaient positionnés derrière l’opérateur. « Des trous, donnant directement sur des bacs à roulettes, ont été créées dans les plans de travail afin que les opérateurs n’aient ainsi plus à se tourner », précise Claire Maetz.
Un autre poste fait l’objet de réflexion d’amélioration : le poste de démontage des pièces détachées pour les téléphones qui ne sont pas réparables. « Nous réfléchissons actuellement à des adaptations d’outillages et à un plan de travail qui pourrait monter et descendre, afin que des opérateurs présentant différents handicaps puissent y travailler », indique l’animatrice QSE. ■
En deux ans, nous avons réduit de 50 % nos accidents du travail
UNE ENTREPRISE ADAPTÉE ET D’INSERTION
Créés il y a 27 ans, les Ateliers du bocage débutent la collecte et le tri des cartouches en 1997 et l’activité de téléphonie et informatique en 2003. L’entreprise solidaire propose également la fabrication de palettes, des services d’entretien d’espaces verts... En 2014, elle devient une Société coopérative d’intérêt collectif (Scic). À ce titre, elle associe à son projet ses salariés, des membres du mouvement Emmaüs, des bénévoles, des entreprises et des collectivités. C’est également une entreprise adaptée 9 salariés reconnus travailleurs handicapés y sont en CDI et une entreprise d’insertion : 27 ETP sont en insertion. Les salariés en insertion peuvent rester un maximum de deux ans dans l’entreprise. Les contrats d’insertion des Ateliers du bocage donnent lieu à environ 70 % de sorties dynamiques au bout d’un an, c’est-à-dire débouchant sur un contrat de travail dans une autre entreprise ou sur un contrat de formation.
LE TRI DES CARTOUCHES, UNE ACTIVITÉ EN CROISSANCE
Aux Ateliers du bocage, cartouches d’imprimantes et de photocopieurs arrivent dans des cartons, regroupés sur des palettes. Les 17 opérateurs les déconditionnent puis les trient selon leur état et par référence il en existe près de 9 000. La moitié d’entre elles, en bon état, seront alors revendues à d’autres entreprises afin d’être remplies et remises sur le marché. Les autres seront réorientées vers des entreprises de recyclage de matières. En 2017, l’entreprise a trié 1,6 million de cartouches et cette activité connaît une forte croissance. « Cela va probablement continuer car depuis six mois les cartouches d’encre et les toners sont désormais considérés comme des DEEE », souligne Claire Maetz. Leurs collectes, réemploi, recyclage et dépollution deviennent donc obligatoires. L’entreprise est prête puisque les aménagements réalisés ont permis d’augmenter les capacités de production de 24 %.
Katia Delaval