Risque biologique, chimique, TMS, RPS… L’activité d’une clinique vétérinaire expose à des risques professionnels multiples. Reportage dans un établissement qui a fait l’objet d’une rénovation totale, visant à faciliter toutes les tâches quotidiennes du personnel, et notamment à réduire les contraintes liées au port de charges.
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La salle de chirurgie comporte deux tables élévatrices. Les salles de consultations sont aussi équipées de tables élévatrices avec balance de pesée intégrée. © Gael Kerbaol/l’INRS/2019 |
QUAND ON ENTRE dans la clinique vétérinaire de Varois et Chaignot, en Côte-d’Or, la grande salle d’attente divisée en deux espaces, l’un pour les chiens et l’autre pour les chats, oriente les maîtres. Spacieuse, cette disposition témoigne d’un réaménagement de fond réalisé en 2017 à l’initiative de Cécile Spinette et Amélie Azimon, docteurs vétérinaires et gérantes de la clinique.
Initialement, le cabinet d’une centaine de mètres carrés accueillait l’activité de trois vétérinaires et deux auxiliaires spécialisées vétérinaires (ASV). « C’était très exigu à l’époque, l’organisation était compliquée, on courait partout, se souvient Coralie Gilquin, ASV ici depuis cinq ans. On n’avait pas de poste attitré, le plus compliqué était de savoir quoi faire, de hiérarchiser les tâches. »
La mise en vente de la maison mitoyenne au cabinet a été l’occasion d’envisager un projet à plus grande échelle. En triplant la superficie, cela a donné l’opportunité d’aménager l’espace et de l’adapter à l’activité en résolvant divers problèmes rencontrés au quotidien. Au-delà de l’organisation de l’activité de consultations et de soins proprement dite, toutes les activités annexes nettoyage des chenils et des locaux, gestion des stocks d’aliments et de médicaments ont fait l’objet de réflexions poussées. « Vous avez ici le résultat de dix années de frustrations professionnelles », résume Cécile Spinette, dont la clinique compte aujourd’hui deux vétérinaires associées, une vétérinaire salariée et quatre auxiliaires.
Au final, ce qui nous convient n'irait pas forcément à d’autres.
C’est avec l’aide d’un client architecte que le projet s’est lancé. « Il nous a fait un chiffrage, des plans, mais ces derniers ne nous convenaient pas. On s’y est donc mises nous-mêmes. » Une étude ergonomique préalable du service de santé au travail (lire l’encadré ci-dessous) avait analysé l’activité et pointé les améliorations possibles. Réorganisation des flux, meilleur agencement des espaces de travail, achat de nouveaux équipements pour faciliter certaines tâches au quotidien... Tout a été pris en compte pour arriver à un résultat qui apporte satisfaction, dans la limite d’un budget de 200 000 €.
Un projet « fait maison »
« Quand on n’a pas de biscoteaux, il faut un cerveau, s’amuse encore le docteur vétérinaire. On a tout pensé nous-mêmes, les deux cogérantes et les ASV, à partir de nos envies, des contraintes que l’on rencontrait, et des préconisations ergonomiques de l’étude. Personne d’autre que nous ne pouvait faire ces plans. Au final, ce qui nous convient n'irait pas forcément à d’autres. » Et d’impliquer leurs familles respectives dans cette aventure. Les deux cogérantes ont ainsi mis à contribution leurs maris pour limiter les frais en fabriquant du sur-mesure.
Parmi les réalisations faites maison, citons le monte-charge qui véhicule les sacs d’aliments et les cartons de médicaments ou les cadavres d’animaux euthanasiés entre le sous-sol et l’étage. Il a été vérifié par un organisme de contrôle avant sa mise en service et fait l’objet de contrôles périodiques. Tout dans la clinique a été réfléchi pour être le plus fonctionnel possible. « Il y a un total de 122 tiroirs, décrit la vétérinaire. On en a passé des soirées à faire des ateliers de loisirs créatifs… » Les salles de consultation ont été équipées de tables réglables en hauteur pour que les chiens les plus lourds puissent y monter seuls. Toutes possèdent une balance de pesée intégrée.
En zone de soins, les chenils accueillant les chiens et chats ont été installés dans deux salles distinctes, alors qu’auparavant ils se retrouvaient dans une seule et même salle. « Ça joue sur la nervosité des animaux, leur possible agressivité, donc sur le confort de nos interventions ensuite », commente Coralie Gilquin. L’ancien chenil a été attribué aux chats. Le nouveau, qui accueille les chiens, a été aménagé avec des rigoles pour faciliter l’évacuation des eaux souillées lors du nettoyage au jet d’eau. Chaque box est doté d’un caillebotis, pour faciliter également le nettoyage. Une baignoire à porte, réglable en hauteur, supprime les manutentions des chiens les plus lourds.
Maintenir la propreté
Dans la salle voisine, un chariot à plateau élévateur sert au transfert des animaux anesthésiés vers les tables du bloc chirurgical. Il y a deux salles, une de « chirurgie sale », pour les abcès, les détartrages, et une salle de « chirurgie propre » pour les interventions plus conséquentes. Cette dernière comporte deux tables élévatrices. La salle dédiée aux échographies abdominales et cardiologiques est également équipée d’une table réglable en hauteur. La table en salle de radio contient un compartiment permettant de faire coulisser la plaque radiologique pour bien la positionner par rapport à l’animal. Ainsi, plus besoin de replacer l’animal sur la table par rapport au dispositif d’imagerie.
ÉTUDE ERGONOMIQUE PRÉALABLE
Avant le réaménagement de la clinique vétérinaire, l’étude ergonomique réalisée à la demande de l’Association interprofessionnelle de santé au travailde Côte-d’Or a mis en évidence plusieurs situations de travail exposant à des risques de troubles musculosquelettiques dans l’activité. Le port et la manipulation d’animaux, la manutention de sacs d’aliments et de caisses de médicaments, enfin l’activité de nettoyage avaient été identifiées comme les plus sollicitantes physiquement. Des solutions ont été préconisées dans le cadre de ce diagnostic pour limiter ou supprimer certaines des contraintes. La plupart d’entre elles ont été suivies lors du réaménagement. Les plannings ont par ailleurs été organisés selon
un rythme hebdomadaire sur un cycle de quatre semaines, pour faciliter les rotations entre les quatre ASV et accorder à chacune à tour de rôle plusieurs jours consécutifs de repos.
Sur le plan de l’hygiène des locaux, tout a été également pensé pour simplifier l’entretien des sols et des équipements. Une autolaveuse lave et sèche le sol en même temps. La salle de stérilisation des instruments a été insonorisée et l’ancienne machine à ultrasons a été remplacée par un lave-vaisselle. Au niveau de la banque d’accueil, les plinthes sont en carrelage, et non plus en bois comme dans le précédent cabinet. « C’était un impératif pour maintenir la propreté et faciliter le nettoyage de la zone d’accueil », insiste la gérante, ayant connu par le passé des conditions de nettoyage beaucoup plus contraignantes. « De l’accueil à la sortie de l’animal, en passant par la salle d’attente et les consultations, la circulation est organisée selon le principe de la marche en avant, remarque Maryline Vannier, contrôleur de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. Et à l’entrée, la banque d’accueil a été conçue pour faciliter le contact visuel et le dialogue avec les clients. »
Parallèlement, l’étage a également été aménagé en complément. Un bureau est dédié aux activités administratives. Une cuisine est installée pour les pauses déjeuners. Une chambre et une salle de bains sont également à disposition, lorsque des surveillances d’animaux sont nécessaires. Tous ces aménagements sur mesure apportent aujourd’hui satisfaction à toute l’équipe en mettant à disposition un outil de travail parfaitement adapté aux contraintes physiques quotidiennes. ■
LE RISQUE BIOLOGIQUE
« On a toutes été griffées, ou mordues, à un moment ou un autre dans nos carrières respectives », observe Coralie Gilquin. Afin de limiter le risque de zoonose (transmission de maladie de l’animal à l’homme) par morsure, certaines techniques de manipulation des animaux sont systématisées à la clinique de Varois et Chaignot. Tout animal est doté d’un collier et d’une laisse à son arrivée, pour faciliter sa prise en charge. « Ça nous évite beaucoup de problèmes », explique la vétérinaire. Un chenil pour animaux contagieux a été aménagé à part. Et le fait de travailler en équipe apporte un confort indéniable par rapport à de petits cabinets où le vétérinaire est seul : manipuler un animal à deux facilite sa prise en charge. Outre les chiens et les chats, animaux domestiques les plus répandus, la clinique vétérinaire de Varois et Chaignot reçoit des NAC (hamsters, cochon d’Inde, tortues…), des chèvres, des canards…
Céline Ravallec