Spécialisée dans la fabrication d’habitats en ossature bois, l’entreprise Ossabois a été rachetée par Bouygues Immobilier il y a quelques années. Ce rachat s’est accompagné d’un nouveau positionnement sur ce marché, d’un aménagement du process, mais également d’une meilleure prise en compte des risques professionnels.
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La découpe et l’assemblage de bois ou encore l’arasage de la colle sont les principales opérations émettant des poussières. © Guillaume J. Plisson pour l’INRS |
Des maisons qui se montent en quelques jours, tel est le credo d’Ossabois, une entreprise spécialisée dans la construction en ossature bois de logements collectifs ou étudiants. Depuis un peu plus d’un an, la prévention des risques professionnels a pris une place importante dans le process de fabrication. Installé sur près de 9 000 m2 dans la Loire, à Saint-Julien-la-Vêtre, à la limite du Puy-de-Dôme, Ossabois a été créée il y a plus de trente ans. Son concept d’alors : la fabrication de maisons individuelles en ossature bois. Du sur-mesure, qui s’appuie sur un savoir-faire et un travail particulièrement manuel.
En 2010, elle ouvre son capital à Bouygues Immobilier qui devient majoritaire en 2013. « Lors de ce rachat, Bouygues a souhaité aller sur des marchés plus porteurs, comme l’habitat collectif ou estudiantin, explique Éric Dalcant, directeur industriel d’Ossabois. Les process de fabrication ont été modifiés, davantage standardisés. » Et les commandes arrivent. Nombreuses. Rien que pour l’année 2014, le site ligérien doit livrer des cottages pour Center Parc, des logements pour l’astreinte des salariés d’EDF et des blocs appartements d’étudiants empilables comme des Lego®, dénommés en interne les « modules 3D ».
LES SITES D’OSSABOIS
Ossabois comprend deux grandes activités qui sont complémentaires : la fabrication de logements en ossature bois et la fabrication de salles de bain en modules. Ces deux activités sont implantées dans deux régions : l’une dans le centre de la France (Loire et Puy-de-Dôme où les activités salle de bain et ossature bois sont distantes de quelques kilomètres), et l’autre dans les Vosges (les deux activités sont réunies sur le même site). Au total, 300 personnes travaillent dans cette filiale de Bouygues Immobilier, dont une cinquantaine à Saint-Julien-la-Vêtre où la capacité de production est de 120 000 m2 de murs par an.
Bouygues est également arrivé avec sa politique de prévention des risques professionnels. « Avant le rapprochement, on avait monté pas mal de projets, souligne Frédéric Monjoffre, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Certains avaient abouti, mais pas tous. Depuis 2010, voire 2013, on observe une inflexion forte du côté de la sécurité. » « La sécurité a toujours été un sujet d’actualité au sein de l’entreprise, précise Hugues Bisiaux, agent d’ordonnancement et secrétaire du CHSCT d’Ossabois. Mais il fallait la faire à moindre coût, avec les moyens du bord. Avec la reprise par Bouygues, on a davantage de moyens financiers. »
Les habitats ossature bois sont réalisés à partir de panneaux de types MFP ou OSB ( Panneau multifonction et Oriented Strand Board). Certains, comme les modules 3D destinés à loger les étudiants, peuvent être empilés pour atteindre jusqu’à trois étages. Ce qui nécessite l’utilisation de panneaux de MFP, un matériau de meilleure qualité et plus résistant que l’OSB. Les murs « classiques » sont réalisés à partir de panneaux 9 x 3 mètres, soit environ, en tout, une tonne à manipuler. Pour ce faire, de très nombreuses aides à la manutentions ont été installées : palans, ponts roulants, rails, palonniers à ventouses, tables munies de rouleaux métalliques, pousseur tracteur.
« Certaines aides, comme les tables, ont été réalisées en interne : leur aménagement découle d’ailleurs de suggestions liées à la méthode 5S », souligne le directeur industriel. Côté bruit, la tâche s’avère plus délicate : les agrafeuses et les cloueuses sont très bruyantes. « Du fait de la grande mobilité des salariés lors de ces opérations, les seules solutions possibles sont des bouchons moulés ou des casques antibruit qui ont été fournis au personnel… et qui sont bien portés », estime le contrôleur de sécurité. Des écrans pour éviter la réverbération du bruit ont aussi été installés.
Enfin, reste le problème des poussières de bois. Les principales opérations réalisées sur ce site et émettant des poussières sont la découpe, l’assemblage de panneaux de bois, de linteaux (avec des agrafes, des clous ou de la colle), l’arasage de la colle à bois et, dans une moindre mesure, le ponçage. « Il y a très peu d’opérations de ponçage, remarque Frédéric Monjoffre, ce qui limite l’émission de poussières très fines, les particules les plus à risque pour les opérateurs. »
Des passages de conduits délicats
En 2013, la direction de l'entreprise s’attaque au problème des poussières de bois. Mais il faut faire avec le bâtiment existant. Des réflexions ont bien eu lieu sur cette problématique lors de chacun des trois agrandissements… Le passage de conduits d’aspiration en sous-sol a même été évoqué, mais il n’a jamais vu le jour, pour des raisons techniques et financières. Des mesures d’empoussièrement sont effectuées en 2012 et font apparaître des taux allant de 0,9 à 2,5 mg/m3, selon les postes, au-dessus donc de la VLEP fixée à 1 mg/m3. « Mais les opérateurs étaient alors tous équipés d'un masque », précise le secrétaire du CHSCT. Les aides à la manutention « quadrillent » très largement le plafond du vaste bâtiment. À plusieurs endroits, des machines de taille imposante sont établies et donc difficiles à déplacer…
Trois groupes d’aspiration centralisée sont finalement installés, reliés à des scies à format, à la ponceuse ou à l’outil d’arasage de la colle. Sur quelques rares postes, un manque de puissance du système d’aspiration impose encore le port du masque. Les trois systèmes d’aspiration amènent les poussières et les copeaux dans des réceptacles en plastique, disposés à l’extérieur du bâtiment et au travers desquels on voit bien leurs différentes tailles. Ils sont changés toutes les semaines. Lorsqu’il s’est avéré trop compliqué de relier les machines à l’un des systèmes d’aspiration centralisée, « un aspirateur avec filtration a été installé, notamment pour la découpe des linteaux », explique Frédéric Monjoffre… mais sans la filtration absolue. « C’est une solution que je qualifierais de moyenne, poursuit le contrôleur. Même si tout, ici, n’est pas parfait, les systèmes d’aspiration mis en place captent bien les poussières les plus fines. »
La méthode 5S est appliquée dans tout l’atelier : les outils doivent être rangés, les postes nettoyés. Tous les vendredis après-midi, une demi-heure est consacrée au nettoyage. « Nous avons réussi, non sans peine, à supprimer toutes les soufflettes de l’atelier ce qui est assez rare dans l’industrie du bois », se réjouit Hugues Bisiaux. Des aspirateurs ainsi qu’une balayeuse autoportée ont été acquis par l’entreprise.
Les nouvelles commandes, notamment les modules 3D, ont quelque peu bousculé l’organisation de l’entreprise qui vise, à terme, la fabrication de quatre modules par jour (contre trois, un mois après la sortie du premier). L'entreprise a pour l’instant été très à l’écoute de la problématique des risques professionnels. Si un référent sécurité sur chaque site existait il y a quelques années, seul un a été maintenu, dans les Vosges. Mais il n’est pas sûr qu’avec la remontée en puissance du site ligérien, un deuxième référent ne devienne pas nécessaire… ■
LES CHIFFRES DE LA SECURITÉ
« Les ratios portant sur la sécurité sont régulièrement analysés et constituent un axe de progrès, souligne Éric Dalcant, le directeur industriel d'Ossabois. Pour preuve, le taux de fréquence est actuellement de 43 sur les trois sites, contre 48 en 2013 et 60 en 2012. Quant au taux de gravité, il atteint aujourd’hui 0,77, contre 1,45 en 2013. » Depuis que Bouygues Immobilier a repris le site, entre 500 000 et 600 000 euros ont été investis dans la sécurité, en grande partie dans le système de captage des poussières et d’aide à la manutention.
Delphine Vaudoux