Les Messageries lyonnaises de presse (MLP) disposent en France de trois plates-formes logistiques et distribuent de 25 à 30 % des revues de la presse spécialisée. Sur celle de Saint-Quentin-Fallavier, les manutentions manuelles sont nombreuses, mais la direction tient compte du travail réel des salariés pour les soulager.
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Devant chaque opératrice, de petits écrans indiquent le nombre de références à mettre dans les cartons. Ce poste est « testé » chaque jour pour faciliter le travail des salariées. © Gaël Kerbaol/INRS |
À Saint-Quentin-Fallavier, petite ville située en Isère à l’Est de Lyon, les entrepôts de logistique se succèdent. « Quand cette zone s’est créée, on estimait qu’elle était au centre de l’Europe du Sud », explique Éric Faitout, responsable du centre des Messageries lyonnaises de presse (MLP). L’Europe d’alors comprenait douze États… et les choses ont bien changé depuis. Il n’empêche, cette zone logistique reste l’une des plus importantes de France et c’est là qu’est installée une plate-forme des MLP, ainsi que son siège social. Éric Faitout est modeste : « Avec 20 000 m2, nous sommes petits, comparés à nos voisins. » Mais les manutentions y sont nombreuses. Et pour limiter les risques professionnels, les salariés sont associés aux choix en matière d’organisation et de matériels.
Chaque jour, trois cents palettes arrivent sur le site. « Sur une autre plate-forme, nous avons eu un accident avec un chariot sur un quai de déchargement… Ça nous a fait réfléchir et nous avons mis en place deux systèmes pour limiter les accidents », explique Éric Faitout. Tout d’abord, tout conducteur donne les clefs de son camion et le cariste doit les accrocher sur la porte du quai de déchargement. A priori, impossible pour lui de repartir sans que cette porte soit fermée, et donc sans que le cariste soit averti. « Mais nous avons déjà eu le cas d’un conducteur qui avait accroché un autre jeu de clés… », précise Paul Massot, adjoint au chef d’équipe réception.
Un deuxième système a été ajouté : une ventouse associée à la béquille mise sous le camion. Si le conducteur part sans que la béquille soit enlevée par le cariste, la ventouse tombe et une alarme retentit dans l’entrepôt. « Elle a été fabriquée en interne par le service maintenance, explique Éric Faitout. Nous en avons discuté lors d’une réunion mensuelle du Pil’es… Elle est susceptible d’intéresser un autre membre de l’association. »
Tenir compte des besoins
Une fois les camions déchargés, s’il s’agit de « papier frais », c’est-à-dire de magazines destinés à repartir dans l’un des 110 dépôts répartis sur toute la France, ils sont redispatchés soit à l’exemplaire, soit en paquet complet, ou en palette complète. Au poste dispatching à l’unité, le rack est approvisionné d’un côté. De l’autre, des opératrices remplissent des cartons avec le nombre de références indiquées sur un écran. Chaque contenu de carton est différent. Un poste sollicitant, notamment pour les membres supérieurs. Le système actuel est piloté par un logiciel qui, en fonction du volume du magazine, le positionne dans une des cases du rack.
LES MESSAGERIES LYONNAISES DE PRESSE AU PIL’ES
Les MLP font partie des membres fondateurs du Pôle d’intelligence logistique Europe du Sud (Pil’es). « Quand je suis allé aux premières réunions, je ne vous cache pas que j’ai trouvé ça mou… d’autant plus mou que l’on venait tous de la logistique où tout va très vite, s’amuse Éric Faitout. En fait, on se regardait tous, sans oser vraiment parler de nos réussites et de nos problèmes, sans entrer dans le fond. » La raison ? Un sentiment de concurrence qui n’avait pas lieu d’être. Il a fallu deux ans pour que cela se débloque. « Heureusement que la Carsat a été là pour expliquer les tenants et aboutissants et lever les freins qui pouvaient exister », poursuit-il. Aujourd’hui, le responsable du centre de MLP est convaincu de l’intérêt des réunions mensuelles, des visites de sites… pour faire avancer la prévention dans le secteur de la logistique.
« Chaque matin, nous faisons tourner la machine pendant un quart d’heure, avec les opératrices à leur poste, poursuit Éric Faitout. Puis on leur demande s’il faut effectuer des changements pour leur faciliter la tâche. » « Les salariés donnent leur avis, c’est une bonne chose, souligne Gilles Sospedra, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. De plus, chacun peut s’organiser comme il le souhaite. » Par ailleurs, « dans le secteur des paquets complets, il y a quelques années, nous avions installé une boucle de tri – une nouvelle machine qui réduisait les manutentions – mais nous l’avons démontée car les salariés préféraient le tri manuel », explique le responsable du centre.
À l’autre bout de la plate-forme, sont gérés les invendus qui doivent être triés pour être retournés aux éditeurs ou stockés sur site à leur demande. Ils arrivent dans des boxes, de volumineux cartons qui pèsent en moyenne 350 kg. Celles-ci sont remplies – et plus ou moins bien rangées – de magazines souvent accompagnés de goodies, DVD ou autre gadgets. Il s’agit pour les opératrices de les trier. « C’est un travail manuel mais également de mémorisation. Car l’emplacement de chaque revue est identifié selon un code qu’il faut retenir… et les codes changent avec chaque boxe », remarque le contrôleur de sécurité. Ici, pas de table élévatrice : les boxes sont posées sur des palettes, empilées en fonction des souhaits de chacun.
« Cela peut paraître surprenant : nous avions installé des tables élévatrices, mais les opératrices les ont refusées. Les postes de travail ont été reconfigurés, en U, avec des boxes reposant sur des palettes… et au fur et à mesure que les boxes se vident, les opératrices les découpent pour faciliter leur travail », précise le responsable du centre. « Je n’aimais pas travailler avec une table élévatrice, confirme l’une d’elle. Là, j’ai mon propre espace de travail et ça me va. Je fais partie de celles qui découpent l’avant du carton, car sinon, c’est très difficile d’accéder au fond et ça fait mal au dos et aux bras. » Pas de cadence imposée non plus. Néanmoins, le responsable du site estime qu’une opératrice doit vider environ une boxe et demie par heure.
L'éclairage en question
La plate-forme compte 90 permanents, auxquels il faut ajouter entre 15 et 20 intérimaires. « On a très peu de prévisions de notre activité, reconnaît Éric Faitout. Si les envois de papier frais doivent répondre à des délais impératifs, la gestion des invendus est plus souple. On a donc mis en place une polyvalence des agents, pour faire face aux variations d’activités et pour limiter les risques d’apparition de TMS. » Ainsi, une fois par an, chacun doit participer à une « semaine découverte » d’un autre métier. À l’issue de cette semaine, un échange s’instaure et la personne indique si ce poste peut l’intéresser dans le cadre de la polyvalence. Les compétences de chacun sont réévaluées chaque année en fonction du temps passé sur chaque poste.
L’ORGANISATION ET LES CHIFFRES
Presstalis et les MLP se partagent le marché de la distribution de la presse en France, à hauteur respectivement de 65 à 70 % de part de marché pour le premier et de 30 à 35 % pour le second. MLP est une coopérative d’éditeurs qui possèdent trois plates-formes : à Angers, en région parisienne et à Saint-Quentin-Fallavier. De ces plates-formes partent des palettes à destination de 110 dépôts qui eux-mêmes redispatcheront les revues (et autres gadgets, goodies, DVD associés) aux 28 000 points de vente alimentés chaque jour.
Les MLP, au total, regroupent :
● 620 éditeurs ;
● 880 titres distribués ;
● 1,3 million d’exemplaires acheminés chaque jour ;
● 30 000 km parcourus chaque jour ;
● CA métropole + export : 600 millions d’euros.
La plate-forme iséroise, c’est :
● réception de 100 boxes et 300 palettes par jour sur 260 jours ;
● 90 salariés ;
● un fonctionnement 24 h sur 24, 5 jours sur 7.
Lorsque de nouvelles compétences sont identifiées, un agent de production peut progresser de niveau 1 à niveau 2. « Cette semaine découverte a un coût pour l’entreprise, mais ne peut être que bénéfique pour les salariés, explique Gilles Sospedra. Pour que cela se passe bien, il faut que l’entreprise ait une vision des ressources humaines à moyen terme… et ça n’est pas donné à tout le monde. » Chaque jour, aux alentours de 11 h 15, Éric Faitout connaît le volume des revues qu’il devra traiter le lendemain. Grâce aux compétences de chacun et au suivi de la polyvalence individuelle, les chefs d’équipe pourront affecter les personnes à un poste.
La plate-forme actuelle date de vingt ans. Les allées de circulation des piétons sont bien identifiées, de même que les zones de travail. L’éclairage semble être une préoccupation. Les dômes d’origine devenaient cassants. Il a donc été décidé de les remplacer par des dômes laissant entrer la lumière naturelle et bloquant les UV. Des mesures ont été effectuées avec les nouveaux dômes, mettant en évidence, selon les zones, un apport de lumière de 100 à 1000 lux.
« Une réflexion globale est en cours sur l’éclairage, qui n'est toujours pas satisfaisant : il va falloir éteindre des néons, mais probablement aussi tout revoir », souligne le contrôleur de sécurité. « Les choses avancent bien, en matière de sécurité, reconnaît Véronique Robert, opératrice et membre du CHSCT. Quand on a des préoccupations, on les fait remonter, elles sont toujours entendues et généralement vite prises en compte. Par ailleurs, des groupes 5S ont été instaurés, auxquels certains membres du CHSCT participent. Des propositions sont très régulièrement faites et aucune ne reste sans réponse… » ■
Delphine Vaudoux