Engagée depuis plusieurs années, la démarche de prévention des risques professionnels du Centre intercommunal d'action sociale du Grand Dax se fonde notamment sur l’écoute des auxiliaires de vie. Le programme aidants-aidés de la Carsat Aquitaine va leur permettre d’aller vers un pilotage de la prévention davantage structuré.
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Réchauffer les plats et aider lles bénéficiaires lors des repas font partie du quotidien des auxiliaires de vie du CIAS. © Cédric Pasquini pour l'INRS/2020 |
Il est presque midi quand Xavier Zanazzi arrive en voiture devant un pavillon planté au milieu des champs de maïs, à Narrosse. Il s’agit de l’une des vingt communes des Landes bénéficiant des services d’aide à domicile du Centre intercommunal d'action sociale (CIAS) du Grand Dax destinés aux personnes âgées ou en situation de handicap physique ou psychique. L’auxiliaire de vie va passer trois quarts d’heure avec la résidente de la demeure qu’il accompagne depuis quatre ans. Il réchauffe son déjeuner, amené au préalable par le service de portage de repas du CIAS, puis l’aide à manger et, enfin, range la cuisine.
Pour le déplacement de la nonagénaire entre le salon et la cuisine adjacente, il lui suffit de pousser le fauteuil roulant, dans lequel elle a été transférée le matin par son fils. Pas de manutention compliquée lors de cette intervention. Pas non plus de problème d’encombrement des lieux gênant la mobilisation de l’habitante, ni de tapis qui pourrait exposer le travailleur à une chute. Mais ce n’est pas toujours le cas. Chaque situation de travail est unique.
« J’apprécie l’autonomie de mon métier, mais je sais qu’en cas de problème, je peux faire remonter les difficultés et obtenir de l’aide », souligne le professionnel. Le smartphone qui équipe tous les auxiliaires de vie du CIAS permet d’accéder aux informations sur les bénéficiaires en scannant un QR code collé à l’entrée de leur domicile. L’appareil permet également de consulter les plannings ou de contacter le responsable de secteur en cas de difficulté.
Nous avons mis en place une commission pour les cas complexes, afin que la prise de décision soit collégiale.
Par ailleurs, les six équipes de 20 à 25 auxiliaires de vie du centre se réunissent une fois par mois avec leur responsable de secteur. C’est l’occasion d’échanger sur les difficultés liées à certaines situations de travail : un bénéficiaire acariâtre, une famille qui ne comprend pas la nécessité d’aménager le domicile afin de sécuriser les interventions… Il est parfois nécessaire de réfléchir ensemble pour débloquer les situations les plus complexes. Des groupes de parole avec la psychologue du CIAS ont également lieu régulièrement.
Structurer pour pérenniser
« Développer l’écoute de nos agents a été notre priorité », explique Vincent Benoît, le directeur du CIAS depuis quatre ans. « Nous avons mis en place des groupes de travail en 2017, où chacun peut participer sur la base du volontariat », complète Anne Dupuy, la directrice adjointe. Le premier concernait justement ces situations difficiles au cours desquelles les aides à domicile se sentent démunis. Il a abouti à l’élaboration d’une fiche de signalement. « Elle permet de tracer, quantifier et présenter la situation de manière factuelle. Cela m’aide lors de mes discussions avec les familles, par exemple sur la nécessité de procéder à des aménagements du domicile », apprécie Aurélie Bouteille, la référente sociale au CIAS.
« En parallèle, nous avons mis en place une commission pour les cas complexes, afin que la prise de décision soit collégiale », précise Anne Dupuy. « Nous sommes bien écoutés, témoigne Caroline Ventura, aide à domicile au CIAS. Il y a eu beaucoup d’améliorations, notamment sur les conditions de travail. »
CHAQUE SITUATION DE TRAVAIL EST UNIQUE
Toilette, habillage, prise de repas… les tâches effectuées par les aides à domicile du CIAS du Grand Dax sont très variées. Certains gestes peuvent être très techniques, comme les mobilisations des bénéficiaires. Chaque situation est unique. « C’est ce que j’aime dans ce travail », témoigne l’auxiliaire de vie Caroline Ventura. C’est ce qui fait la richesse du métier mais aussi sa complexité. « L’environnement de travail des auxiliaires de vie diffère à chaque prestation, plusieurs fois par jour. Les aides à domiciles doivent se repérer et s’adapter à chaque fois », souligne Aurélie Bouteille, la référente sociale au CIAS. Mais c’est surtout l’approche humaine qui singularise le travail des aides à domicile - chaque bénéficiaire a son histoire, son vécu et son tempérament. « La grande majorité des bénéficiaires sont sympas et reconnaissants de notre travail », apprécie l’auxiliaire de vie Xavier Zanazzi.
Fin 2019, le CIAS décide d’aller plus loin dans sa démarche de prévention en participant au programme « Aidants-aidés, une qualité de vie à préserver » de la Carsat Aquitaine, dont le directeur entend parler par le Conseil départemental des Landes. « Nous y avons vu une opportunité de structurer notre démarche de prévention afin de la pérenniser », explique-t-il. L’entrée dans le dispositif s’accompagne de la signature d’un contrat de prévention avec la Caisse, un appui technique et financier pour mener à bien la démarche en deux ans. Il permet notamment au CIAS de bénéficier d’un accompagnement par un cabinet de consultants.
Le diagnostic initial a mis en évidence des besoins en formation des responsables, des référents et des salariés, afin de développer la culture de prévention au sein de la structure. Par exemple, sur le repérage des risques à domicile ou sur l’utilisation des aides techniques. « Comme nous sommes un service public, nous dépendons d’un organisme de formation différent du privé (NDLR : parmi les 150 agents du CIAS, la moitié sont des agents de la fonction publique et l’autre moitié au régime général de la Sécurité sociale) », précise Anne Dupuy. Il a fallu rechercher, et parfois mettre en place, des équivalences de formation afin qu’elles soient en adéquation avec les attentes du référentiel national du réseau prévention.
Une auxiliaire de vie du CIAS va être également formée à l’animation de la démarche. La future animatrice de prévention a déjà suivi la formation Prap 2S et la formation de formateurs « premiers secours ». Il est prévu qu’elle déploie la formation aux « gestes qui sauvent » à l’ensemble des intervenants à domicile du CIAS, sur une durée de trois ans. « Le choix d’une formation en interne, par une personne qui connaît le métier, nous a semblé plus pertinent, explique Anne Dupuy. Et cela contribue à créer une dynamique en santé et sécurité au travail dans le service. »
Tester avant de déployer
Avec les deux assistantes de prévention que compte le CIAS, cela constituera une petite équipe pour diffuser la prévention des risques professionnels au sein de la structure. « Pour que la démarche soit pérenne, il est essentiel d’avoir au sein de la structure des personnes relais pour l’animer », insiste Laurent Brauner, contrôleur de sécurité à la Carsat Aquitaine.
Autres objectifs visés par le programme : faire tester la première année des aides techniques par les intervenants à domicile, afin de limiter les TMS, et déployer celles jugées utiles l’année suivante. Un accompagnement collectif est prévu avec les autres structures d’aide à domicile du département qui suivent le programme, soit 13 établissements publics et 15 ADMR… afin d’échanger sur des solutions testées face à des problèmes bien souvent partagés au sein du secteur. ■
DIAGNOSTIC DE SITUATIONS COMPLEXES
Le programme « Aidants-aidés, une qualité de vie à préserver » de la Carsat Aquitaine a permis de financer l’accompagnement du CIAS par un ergonome pour une situation complexe, et d'identifier les besoins en aides techniques. Par exemple, une famille était réticente à remplacer le lit conjugal par un lit électrique, qui devenait nécessaire du fait de la détérioration de l’état de santé de la bénéficiaire : les auxiliaires de vie avaient du mal à la lever pour faire sa toilette le matin. « L’arrivée du médical dans le foyer est parfois difficile à accepter par les proches », souligne Aurélie Bouteille, la référente sociale au CIAS. L’analyse de la situation au domicile par une personne neutre et extérieure a permis de convaincre la famille, alors même que la situation était bloquée depuis plusieurs mois.
Katia Delaval