Il est parfois tellement transparent qu’on ne le voit plus. Pourtant, le verre est un matériau présent partout dans la vie de tous les jours et dans de nombreux secteurs industriels. Que ce soit lors de sa fabrication à chaud, de sa transformation à froid pour certains usages ou tout simplement de sa mise en œuvre, les salariés qui participent à ces opérations sont exposés à des risques professionnels spécifiques.
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Les machines utilisées dans la branche de transformation du verre plat, comme ici un robot, peuvent parfois présenter de forts risques. © Gaël Kerbaol/INRS |
FENÊTRES, PARE-BRISE, emballages alimentaires, flacons de parfum, pavés… le verre est omniprésent dans notre quotidien. En 2017, en France, le secteur verrier comptait près de 800 établissements, de la TPE au grand groupe, et employait près de 35 000 salariés. Au départ, la fabrication du verre nécessite de chauffer la matière première, un mélange de sable, de calcaire et de carbonate de sodium, à plus de 1 000 °C pour lui faire atteindre sa fusion. À haute température, la matière devient malléable et peut être travaillée manuellement, de manière semi-automatisée ou mécaniquement pour acquérir sa forme finale.
C’est à partir de là que deux procédés distincts sont utilisés en fonction du produit final souhaité. Le verre peut être « creusé » par soufflage afin de fabriquer des emballages et des contenants destinés principalement à l’agroalimentaire, la cosmétique, la parfumerie et la pharmacie. Sinon il est coulé, puis laminé ou flotté afin d’obtenir de grandes plaques de verre plat, très prisé des secteurs de l’automobile et du bâtiment, qui, refroidies, vont alors subir toutes sortes d’opérations de transformations. Ces deux types de traitement sont réalisés dans des entreprises bien différentes, confrontées à des risques professionnels spécifiques.
Sans surprise, le premier procédé, la fabrication à chaud du verre creux, expose les salariés au travail à la chaleur et au risque de brûlures alors que ce sont les risques liés aux machines ou à la chute de plaques de verre qui se rencontrent dans le secteur du traitement à froid du verre plat. Néanmoins, l’ensemble de ces entreprises sont confrontées à un risque commun, du fait du poids du verre et des nombreuses manutentions manuelles : les troubles musculosquelettiques (TMS) qui représentent 80 % des maladies professionnelles reconnues en 2017 dans l’ensemble du secteur.
Accompagnement financier
Dès 2012, les organisations professionnelles de plusieurs secteurs verriers et la Cnam ont signé des conventions nationales d’objectifs (CNO). La première CNO concernait principalement la prévention des TMS et des risques liés à l’utilisation d’agents chimiques présents notamment dans les matières premières de certains verres. Une deuxième CNO, signée en 2016, l'a renouvelée et élargie en intègrant la prise en charge de deux risques supplémentaires : le bruit et les risques liés aux machines. D’une durée de quatre ans, les CNO offrent alors la possibilité d’une aide financière aux entreprises de moins de 200 salariés du secteur, pour la mise en place de mesures de prévention des risques professionnels ciblées (contrats de prévention).
REPÈRES
Fabrication de verre plat ou technique - Fiche d'aide au repérage de produit cancérogène , FAR 5, INRS.
De son côté, la Fédération du cristal et du verre (FCV), qui représente les entreprises des secteurs du cristal, du verre et du vitrail, a mis en place en 2017 un accompagnement financier destiné à ses adhérents qui souhaitent développer des projets en santé au travail. « Cela permet de mutualiser leurs résultats et d’en faire profiter l’ensemble de la profession », explique Franck Staub, secrétaire général de la FCV. Deux projets visant à limiter le risque de TMS ont été notamment financés car certaines activités sont très physiques. C’est le cas par exemple des salariés qui prélèvent le verre chaud à la canne : ils portent une masse pouvant atteindre 40 kg.
Le premier projet concernait le développement d’un robot collaboratif d’assistance au mouvement pour les soulager sans perturber leur savoir-faire. Le second financement portait sur des analyses ergonomiques au poste de choisisseur, celui qui réalise le contrôle qualité des flacons à froid, prérequis pour trouver des solutions aux gestes répétitifs de ce métier. « Cet accompagnement financier, qui peut atteindre jusqu’à 25 % du coût de l’investissement, a été reconduit et institutionnalisé par la signature d’une charte en juin 2019 », souligne Franck Staub.
Risque machines
Autre branche spécifique du métier du verre, la miroiterie, transformation et négoce du verre présente une sinistralité importante. Constituée d’environ 400 entreprises avec près de 8 000 salariés, elle accuse un indice de fréquence des accidents du travail (nombre d'accidents pour 1 000 salariés) de 49,1 en 2017, deux fois plus élevé que dans le reste du secteur verrier. Cette forte sinistralité est notamment due aux manutentions des grands plateaux de verre, particulièrement lourds (ils peuvent atteindre plusieurs centaines de kilos), qui peuvent présenter des risques de TMS et d’accidents graves.
Dans d’autres activités du métier, ce sont les machines qui génèrent de forts risques. « L’indice de gravité des accidents de travail dans notre activité est élevé également », souligne Christian Le Dévéhat, délégué général de l’Union des transformateurs de verre plat (UDTVP). À la suite d’accidents sur des lignes de fabrication de vitrages isolants et compte tenu de la forte sinistralité du secteur, le réseau prévention a constitué un groupe de travail en 2017. Coordonné par l’UDTVP, il a impliqué l’INRS et les Carsat Centre-Ouest et Sud-Est, qui ont initié les travaux par un état des lieux dans plusieurs entreprises fabriquant du vitrage isolant. « Nous avons agi sur deux volets, explique Séverine Demasy, experte d’assistance-conseil à l’INRS. Le premier consistait à améliorer les futures machines qui seront mises sur le marché, du point de vue de la sécurité et de l’ergonomie, en réunissant des utilisateurs et les principaux fabricants. Le deuxième volet avait pour objectif d’améliorer la sécurité du parc machines existant dans les entreprises. »
Dans ce but, l’UDTVP et l’INRS ont édité, en 2018, un guide sur les bonnes pratiques de sécurisation des lignes de vitrage isolant 1. « Il concerne aussi bien les opérations de production que la maintenance de premier niveau », précise Séverine Demasy. « Il sensibilise également les entreprises sur le fait qu’une modification d’un élément d’une machine n’est pas neutre, souligne Christian Le Dévéhat. Nous organisons par ailleurs des rencontres nationales et régionales, qui sont l’occasion de diffuser des informations en santé et sécurité au travail aux adhérents. » ■
ZOOM
RISQUE CHIMIQUE DANS L’INDUSTRIE DU VERRE
La fabrication du verre expose à des substances chimiques variées. La silice cristalline (quartz), composé de base du sable utilisé pour l’élaboration du verre est, sous forme de poussières fines, un cancérogène du groupe 1 (cancérogène avéré) pour le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). La valeur limite d’exposition professionnelle pour le quartz est de 0,1 mg/m3. Certains colorants présentent également des risques pour la santé des salariés (oxydes de cadmium ou de nickel, chromate de potassium, composés du chrome VI…). Quant aux verres de cristal, ils contiennent du plomb, dont les particules diffusées dans l'atmosphère sous forme de fumées et de poussières, peut entraîner de nombreux effets néfastes sur la santé en cas d'inhalation ou d'ingestion, dont certains sont susceptibles d’être reconnus comme maladies professionnelles. La transformation du verre à froid peut également exposer les travailleurs à des substances chimiques indésirables, par exemple, les joints utilisés dans la fabrication du double vitrage.
Katia Delaval