DOSSIER

L’entreprise Boutté, dans la Somme, est spécialisée dans le décolletage. Conscients des risques liés au port de charge, la direction et le CSSCT ont œuvré de concert pour les réduire. En misant sur l’installation de convoyeurs et l’acquisition d’engins d’aide à la manutention, ils ont transformé le quotidien des salariés.

Dans l’entrepôt de vrac, des tables élévatrices, sortes de mini-gerbeurs, permettent de déplacer les caisses sans effort et sans effets délétères sur le corps.

Dans l’entrepôt de vrac, des tables élévatrices, sortes de mini-gerbeurs, permettent de déplacer les caisses sans effort et sans effets délétères sur le corps.

À l’arrivée à Friville-Escarbotin, dans la Somme, les mouettes saluent le visiteur de leur cri reconnaissable entre mille. À vol d’oiseau, la petite commune est à moins d’une dizaine de kilomètres des côtes de la Manche. C’est ici qu’est née l’entreprise Boutté en 1867. Alors que c’était à l’origine une fonderie, plus de 150 ans plus tard l’établissement consacre ses deux sites, séparés de quelques centaines de mètres, au décolletage. Ou, plus prosaïquement, à la fabrication de raccords pour robinetteries à partir de barres de métal.

C’est le laiton qui est la matière première exclusive de l’activité sanitaire-plomberie et arrosage, installée dans la première usine. En revanche, les pièces pour les clients industriels (médical, transport, robinetterie…), réparties entre les ateliers des deux sites, sont réalisées soit en laiton, soit en inox, en acier ou encore en aluminium. « Nous proposons 10 000 références, précise Claire Cardon, la chargée de communication. Nous expédions 650 tonnes de produits par an dans les magasins de bricolage et de jardinage, et 250 tonnes supplémentaires sont destinées à nos partenaires industriels. » De quoi mettre à rude épreuve les organismes des manutentionnaires.

Surtout que ces dernières années, l’évolution des pratiques de la grande distribution qui réduit ses stocks au minimum fait logiquement augmenter l’activité logistique du décolleteur. « Quand nous avons décidé de revoir notre organisation il y a dix ans, notre taux d’accidents du travail ne dépassait pas la norme. Nous avions conscience que les charges portées étaient conséquentes, affirme Patrick Merchez, le directeur de production industriel. Aussi, la direction et les représentants du personnel chargés des questions de santé et sécurité au travail ont travaillé main dans la main pour mettre en place des solutions de manutention qui améliorent les conditions de travail des équipes. »

Colis convoyés, dos protégés

Sur le site historique, dans les ateliers de production des pièces décolletées, un convoyeur conduit les paniers de pièces depuis la sortie de la machine de dégraissage, étape qui suit l’usinage, jusqu’à un opérateur. Par le biais d’un mécanisme actionné à l’aide d’une pédale, celui-ci les fait basculer dans des bacs à bec. Ces contenants sont ensuite manipulés à l’aide d’une potence équipée d’un préhenseur qui a été modifié et adapté à leur forme particulière. « Vu que je connaissais bien le poste, j’ai participé à la mise au point du basculeur et du préhenseur, explique Thierry Kokaya, un opérateur sur machine automatique. Avant, je devais tout faire à la force des bras et du dos : vider les paniers dans les bacs que je transvasais dans la machine à ensacher ou que j’empilais sur une palette destinée aux stocks de vrac. C’était dur ! »

Dans l’entrepôt de vrac justement, la précédente organisation voyait s’élever des piles de 1,80 m de bacs à bec. Ces contenants particuliers possèdent quatre petits pieds permettant de les empiler sans risque de dégringolade... Mais en empêchant tout glis­sement, ils compliquent les manutentions. Aujourd’hui, des piles réduites de trois bacs à bec sont posées sur les rayonnages d’étagères. Pour déplacer les caisses, des tables élévatrices, sortes de mini-gerbeurs, sont à la disposition des opérateurs. « Elles sont vraiment maniables, s’enthousiasme Mickaël Holleville, un régleur, tout en guidant le dispositif entre les étagères. Avant, nous devions attraper les bacs par le bec et la poignée qu’ils possèdent à l’arrière pour les soulever tout en les maintenant bien à l’horizontale. C’était contraignant et on avait mal aux épaules et au dos en fin de journée. »

Du côté de la préparation des commandes, les solutions techniques adoptées sont issues d’une réflexion globale sur l’organisation du travail. Un convoyeur, installé en 2008, démarre depuis une mezzanine où sont stockées une partie des pièces avant de passer par d’autres postes de préparation juste en dessous. Les opérateurs, qui font le picking à l’aide d’un chariot, n’ont qu’à pousser les colis sur le tapis. Quand des références sont momentanément indisponibles, les cartons dans lesquels elles manquent font un détour par un espace tampon. Il s’agit de dérivations du convoyeur reliées entre elles par des tables mobiles qui permettent de renvoyer les colis dans le circuit sans avoir à effectuer de manutention. Puis un opérateur oriente les paquets complets vers un second espace tampon matérialisé par une armoire de stockage verticale informatisée.

D’une capacité de 450 colis, ce dispositif conserve les colis des commandes qui en comprennent plusieurs, le temps que tous soient confectionnés. Ils sont ensuite libérés afin d’arriver groupés à l’expédition. « Avant, les colis en attente étaient simplement posés au sol, se remémore Sabine Blangez, une magasinière. Il fallait retrouver les cartons d’une même commande en les déplaçant, en les escaladant… Cela faisait un sacré nombre de manipulations et dans des positions parfois acrobatiques. Nous avons vraiment gagné au change ! »

Les ateliers de production industrielle, situés sur le second site, ont également bénéficié de la mise en place d’un convoyeur pour la préparation des commandes. À chaque extrémité du tapis, un bras préhenseur, adapté pour les paniers du côté chargement et pour les cartons en sortie de ligne, vient soulager les salariés. Ce type d’aide à la manutention a d’ailleurs été déployé sur différents postes dans toute l’entreprise. « Dans la précédente organisation, nous étions tout le temps en train de porter des charges, raconte Rodrigue Sannier, le responsable du magasin de pièces industrielles. Aujourd’hui, le poids des contenants varie de 8 à 20 kilos. Mais de toute façon, nous n’avons plus à les manipuler ! » En effet, l’entreposage se fait comme dans l’autre bâtiment, à l’aide de plates-formes de stockage.

« Le soutien financier de la Carsat Nord-Picardie, par le biais d’un contrat de prévention, a été précieux pour acquérir une partie du matériel et nous a permis de faire notre révolution en matière de port de charge, signale Patrick Merchez. Et la démarche est un succès puisque les chiffres de sinistralité de l’entreprise sont à la baisse depuis quelques années. » 

DES BRAS POUR UN COUP DE MAIN

En plus des bras préhenseurs qui équipent le convoyeur des postes de préparation de commandes des pièces industrielles, d’autres équipements du même type améliorent les conditions de travail dans l’entreprise.
L’un d’entre eux a été installé à côté du stock de vrac pour manutentionner les bacs de pièces qui partent et reviennent de chez les prestataires réalisant le traitement de surface. Aux postes d’expédition, un préhenseur à ventouse vient soulager les opérateurs en fin de convoyeur. Enfin, du côté de la production de ces mêmes pièces, pour charger et décharger les paniers dans la machine de dégraissage, là encore des appareillages similaires préviennent les risques liés au port de charge. « Sur notre second site, une réflexion est en cours pour acquérir une nouvelle machine de dégraissage et lui allouer à elle aussi des outils d’aide à la manutention », ajoute Brian Rimbaut, apprenti en gestion de production.

Le soutien financier de la Carsat a été précieux pour acquérir une partie du matériel.

DES CHARGES À HAUTEUR

« Au-delà des convoyeurs et des aides à la manutention, ce qui m’a frappé aussi chez Boutté, c’est la réflexion menée pour positionner les charges à hauteur, souligne Cyril De Laage, contrôleur de sécurité à la Carsat Nord-Picardie. L’entreprise a mis à la disposition de ses équipes des lève-palettes et des tables réglables en hauteur un peu partout dans les ateliers. Et cela a porté ses fruits puisque le taux de cotisation a été divisé par deux en seulement cinq ans. » « Pour protéger le dos des collègues, il est important de respecter la règle qui veut que l’on n’ait pas à se baisser pour soulever une charge, explique Raphaël Frère, le directeur logistique de Boutté. Bien entendu, notre démarche de prévention continue implique tout l’effectif en s’intéressant aux autres risques du métier. Nous avons notamment mis en place des systèmes de captage des brouillards d’huile et substitué le solvant dans nos machines de dégraissage par un produit à base d’alcool. »

Damien Larroque

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