Berry Wood, un fabricant de parquets, a fait réaliser des mesures d’exposition de ses salariés aux poussières de bois afin de répondre à la réglementation et réduire l’exposition de ses salariés.
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L’entreprise mène une réflexion permanente pour réduire toujours plus l’exposition de ses salariés. © Patrick Delapierre pour l’INRS |
À la suite de l’arrêté de 2009, nous avons mis en place une démarche pour mesurer et réduire la quantité de poussières de bois. » Jean-Marc Legrand est directeur du site de Berry Wood, une entreprise de fabrication de parquet situé à Meaulne, dans l’Allier. Il se souvient des débuts de la démarche, toujours en cours en mai 2014. « Dans un premier temps, nous avons fait appel à un organisme qui faisait des mesures, poursuit-il. Mais il a réalisé ses mesures et nous a fourni les résultats sans préconisations. Nous ne savions pas comment nous améliorer. Nous avons donc fait appel à un autre organisme qui a refait des mesures, mais nous a aussi conseillés pour nous améliorer. » Le site, où travaillent 118 personnes, produit du parquet contrecollé : du bois massif, appelé parement, est collé sur un panneau de HDF (panneaux de fibres à haute densité).
Les premières mesures ont été réalisées fin 2013 pour les cinq groupes d’exposition homogènes (GEH) – ensemble de postes pour lesquels le risque est similaire – qui ont été définis. Sur les cinq, deux GEH sont exposés à des valeurs supérieures à la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 1 mg/m3. Des points d’amélioration ont été identifiés et des actions mises en place. Une nouvelle série de prélèvements est prévue prochainement pour évaluer l’efficacité des nouvelles dispositions et, au besoin, trouver de nouvelles pistes d’amélioration.
La première partie du processus de fabrication est constituée de deux lignes. Sur la ligne fine, le bois est coupé en petites lamelles qui vont être assemblées pour constituer des planches. Sur cette ligne, aucun poste n’est exposé à un taux d’empoussièrement supérieur à la VLEP.
Sur la deuxième ligne, la ligne lames larges, le bois arrive sous forme d’avivés, d’épaisses planches de bois brut tout droit sorties de la scierie. Au poste de dépilage, le bois, qui a été stocké sur palettes pour le séchage, passe à travers une machine qui sépare les avivés. À ce poste, les mesures font apparaître des résultats supérieurs à la VLEP. L’opératrice récupère les planches pour les insérer sur le tapis qui les convoie vers la machine de découpe. « Lorsque le bois a été coupé en scierie, il était vert. La poussière est restée sur les planches. Chez nous, l’opération de dépilage se fait après séchage et, lorsque nous séparons les planches, la poussière vole », constate David Couty, responsable maintenance et travaux neufs.
MESURES DE POUSSIERE DE BOIS
Au niveau européen, la valeur limite d’exposition professionnelle est de 5 mg/m3 d’air. En France, depuis le 1er juillet 2005, elle est fixée à 1 mg/m3 d’air (moyenne pondérée sur 8 h de travail, article R. 4412-149 du Code du travail. L’arrêté du 15 décembre 2009 définit la méthode de mesures. Trois mesures, à trois moments différents, doivent être réalisées au cours d’une année pour trois personnes d’un même groupe d’exposition homogène et être toutes les trois inférieures à la VLEP. Si la première série de mesures est inférieure à un dixième de la VLEP, l’entreprise est exemptée des deux autres.
REPERES
Berry Wood, fondée en 1995, appartient au groupe Beaulieu International Group, qui fabrique des revêtements de sol (moquettes, tapis, PVC, …).
La machine a été capotée et une rampe de soufflage, qui crée un mur d’air et renvoie les poussières vers l’aspiration et dans la direction opposée à l’opérateur, a été ajoutée. « C’est mieux pour nous, car, avant, la poussière se dispersait, ce qui n’est plus le cas, apprécie Séverine Maltet, conductrice de ligne. Mais ma crainte est que, si les avivés sont collés les uns aux autres, ils risquent d’arracher le système d’aération qui est placé au-dessus. » La nouvelle série de mesures qui sera réalisée prochainement dira si le dispositif est efficace. « Sinon, il est possible de déplacer l’aspiration. Actuellement, elle se fait vers l’arrière de la machine, alors que la poussière est émise depuis son centre. En la plaçant au plus près de l’émission, vous pourrez gagner en efficacité », suggère Stéphane Bierjon, contrôleur de sécurité à la Carsat Auvergne. Ce dispositif est provisoire car, dès novembre prochain, cette opération sera automatisée. La machine sera alors entièrement capotée. Car, actuellement, un espace est laissé au-dessus du tapis sur lequel les avivés tombent, afin que l’opératrice les récupère. Cette automatisation réduira aussi les risques de troubles musculosquelettiques en supprimant un grand nombre de manutentions.
Le bois est ensuite coupé en parallélépipèdes puis en lames. Les scies qui réalisent ces opérations sont entièrement capotées. « Sur ces machines qui sont très courantes, la problématique de poussières de bois est intégrée dès la conception et bien maîtrisée par les fournisseurs. L’aspiration est très efficace », souligne Romain Bouniol, responsable méthode. Les parallélépipèdes sont ensuite sciés en cinq lames de parquet séparées les unes des autres automatiquement. La machine qui réalise cette opération est munie de brosses qui nettoient les planches. « Nous avons prévu d’ajouter une rampe de soufflage car les brosses ne suffisent pas. Réduire les poussières à cette étape, c’est les réduire tout au long de la ligne de production », indique Romain Bouniol.
De la poussière d’échantillon
Dans la deuxième partie de l’usine, les lames sont ensuite triées en fonction de leur qualité puis collées sur un panneau de HDF. L’ensemble passe sous une presse puis est coupé dans la longueur et poncé afin que les planches aient toutes exactement la même épaisseur. Celles-ci sont ensuite vernies, poncées et séchées par UV. Certaines sont recoupées. Les machines qui réalisent ces opérations sont entièrement capotées et étanches. Le système en plastique qui permet de les emboîter les unes dans les autres au moment de la pose du parquet est ensuite inséré. Les lames de parquet sont alors vérifiées avant d’être emballées pour être expédiées.
Certaines lames sont « échantillonnées » : elles sont recoupées avec une scie circulaire afin de constituer des échantillons de présentation. Sur ce poste, la VLEP est dépassée. Le captage va être changé, le nouveau capot sera muni de déflecteurs qui le sépareront en plusieurs parties. Les poussières seront alors aspirées au plus près de leur zone d’émission. « Nous verrons avec les nouvelles mesures si ça suffit. Sinon, nous réfléchirons pour trouver d’autres solutions », indique Jean-Marc Legrand.
Enfin, « pour le nettoyage hebdomadaire, nous souhaitions supprimer la soufflette. Nous avons donc investi dans des aspirateurs adaptés. Nous avons aussi travaillé sur les EPI, en remplaçant en particulier les masques simples par des masques à cartouches que les opérateurs portent plus facilement », indique Sébastien Genest, référent sécurité et chef d’équipe. Si l’entreprise n’a pas totalement réussi à respecter la VLEP pour chacun de ses postes, elle mène une réflexion permanente pour y parvenir et pour réduire toujours plus l’exposition de ses salariés. ■
EN SAVOIR PLUS
● 98 % du bois utilisé par Berry Wood est du chêne. Il vient de France, de Roumanie et de Hongrie. Avant d’être usiné, il nécessite huit semaines de séchage et trois de stabilisation.
● 45 % du bois qui entre dans la chaîne de production est transformé en parquet. Les 55 % restants finissent en copeaux et poussières.
● 1,2 million de m2 de parquet par an sont produits dans l’usine.
Leslie Courbon