DOSSIER

© Grégoire Maisonneuve pour l’INRS

Une étude récente montre que les tatoueurs sont principalement exposés aux troubles musculosquelettiques (TMS). Pour Laurent Kerangueven, expert d’assistance-conseil en prévention des TMS à l’INRS, il existe des pistes de prévention pour les limiter.

Postures inconfortables, gestes répétitifs, appareils vibrants… Les conditions de travail des tatoueurs cumulent souvent beaucoup de facteurs propices à l’apparition de troubles musculosquelettiques.

Postures inconfortables, gestes répétitifs, appareils vibrants… Les conditions de travail des tatoueurs cumulent souvent beaucoup de facteurs propices à l’apparition de troubles musculosquelettiques.

Travail & Sécurité. Une étude récente montre que les TMS sont fréquents chez les tatoueurs. De quels types de TMS souffrent ces professionnels ?
Laurent Kerangueven.
Jusqu’à récemment, il n’existait pas de données sur l’état de santé des tatoueurs en France, que l’on estime entre 4 000 et 5 000 individus. Ces professionnels exercent leur activité en position assise, souvent pendant de longues périodes. Ils font des gestes précis, minutieux, adoptent des postures souvent contraignantes, penchés au-dessus des clients. Ils utilisent des petits outils vibrants. Les problématiques rencontrées sont assez similaires à celles des dentistes. On s’attend donc à des TMS au niveau du cou, du dos et des membres supérieurs. Une étude publiée en 2017 dans une revue internationale (NDLR : lire l’encadré ci-dessous) a permis d’avoir une idée plus précise de la situation dans ce métier en France. Les résultats ont largement confirmé les suppositions liées aux conditions de travail que je décrivais à l’instant : une forte prévalence de troubles musculosquelettiques.

Quelles pistes d’action adopter pour limiter les postures inconfortables ?
L. K.
Des équipements de travail réglables peuvent contribuer, dans une large mesure, à l’adoption de postures confortables et appropriées. Par exemple, des sièges réglables, pour le client comme pour le professionnel, permettent de s’adapter aux caractéristiques morphologiques de chacun mais aussi aux exigences liées à l’activité, comme la zone corporelle sur laquelle est réalisé le tatouage. Pour le client, un siège équivalent à ceux utilisés dans les cabinets dentaires est probablement adapté. Quant à celui du tatoueur, les différents réglages proposés doivent lui permettre de bénéficier d’une assise dynamique qui accompagne les mouvements du corps tout en lui assurant un bon maintien du dos. L’éclairage peut aussi avoir un impact sur les postures adoptées par le professionnel : il peut être utile d’installer un éclairage d’appoint réglable en intensité et orientable, pour des tâches qui nécessitent une perception fine de détails. Afin de limiter les sollicitations au niveau des membres supérieurs, il pourrait être utile d’utiliser un appui-bras, s’il ne contraint pas les mouvements du professionnel. Plus généralement, l’aménagement du poste de travail doit permettre de limiter les mouvements du tronc, les flexions ou les torsions par exemple. Le matériel nécessaire au tatouage doit pour cela être rangé dans des zones accessibles aisément. Enfin, des temps de pause réguliers pendant la séance de tatouage seront bénéfiques aussi bien pour le professionnel que pour le client ! Les autres tâches propres au métier de tatoueur (dessin, tâches administratives, stérilisation des instruments, etc.) peuvent lui permettre également de bénéficier de temps de récupération physique dans la mesure où elles sollicitent d’autres  groupes musculaires.

Et comment limiter les vibrations ?
L. K.
Il s’agit en premier lieu de réduire le niveau de vibrations en choisissant les outils les moins vibrants possibles. L’entretien régulier de ces équipements permet également de limiter les vibrations. Et là encore, les périodes de récupération et de repos seront bénéfiques.

UN MÉTIER QUI GAGNE À ETRE CONNU

La santé des professionnnels du tatouage n’avait jamais fait l’objet d’études publiées avant 2017. L’an dernier, une revue internationale a publié les résultats d’une enquête réalisée auprès de 1 000 tatoueurs français membres du Syndicat national des artistes tatoueurs (Snat) sollicités par mail. 448 questionnaires renvoyés ont été exploitables. L’étude révèle qu’une majorité de tatoueurs souffrent de troubles musculosquelettiques : 65 % d’entre eux se plaignent de douleurs dorsales et 41 % de douleurs dans les doigts. Par ailleurs, 20 % déclarent des troubles caractéristiques du syndrome du canal carpien. Ces douleurs apparaissent le plus souvent à l’occasion de la pratique du tatouage. Selon l’enquête, ces maux étaient dus aux mouvements répétés et favorisés par la flexion prolongée des doigts et des poignets et par les vibrations liées aux outils de tatouage.

1. National survey of health in the tattoo industry: Observational study of 448 French tattooists. Kluger N. Int J Occup Med Environ Health. 2017.

Propos recueillis par K. D.

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