L’engagement historique des Transports Pejy pour la sécurité, sur la route ou à l’arrêt, a conduit la PME stéphanoise à signer en 2020 un contrat de prévention avec la Carsat Rhône-Alpes. Dans une démarche de prévention pérenne initiée avec la Fédération nationale des transports routiers de la Loire, l’entreprise associe montée en compétences des équipes et mise en œuvre d’un plan d’actions opérationnel.
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Le contrat de prévention signé avec la Carsat a permis d’accompagner le financement de dispositifs améliorant le confort ou réduisant le risque routier. © Guillaume J. Plisson pour l’INRS/2021 |
L’ENTRETIEN est impeccable, conformément à ce qui est exigé pour l’ensemble des véhicules et matériels utilisés par les Transports Pejy, équipements de sécurité dernier cri intégrés… Le camion qui s’engage à l’entrée du site a l’air flambant neuf. Au déclenchement du clignotant, un avertisseur sonore signale aux piétons et cyclistes que le véhicule s’apprête à tourner. Des détecteurs latéraux informent le conducteur de la présence éventuelle de deux-roues.
À l’arrière, un kit tiroir à sortie pneumatique facilite et sécurise le déchargement du chariot embarqué, utilisé lors des livraisons. Les marches et points d’appui que Pierre Bourgogne, le conducteur, utilise en sortant de la cabine sont recouverts d’un jaune réfléchissant. « Pour mes premiers pas dans le métier, j’arrive dans une entreprise où la sécurité passe avant tout », s’exclame-t-il.
Dès 2001, la PME familiale, fondée en 1975 et installée à La Talaudière, en banlieue de Saint-Étienne, signait une charte sécurité avec la préfecture de la Loire. Un engagement renouvelé par la suite pour s’inscrire dans une démarche de progrès continu. Des contrats de prévention, en lien avec les conventions nationales d’objectifs négociées avec la profession, établis avec la Carsat Rhône-Alpes, témoignent également du souci d’optimiser la sécurité des véhicules et de développer les compétences des conducteurs.
Employant une cinquantaine de salariés, les Transports Pejy ont pour activité la location de véhicules industriels avec conducteur pour le transport et la livraison de matières dangereuses – notamment des gaz industriels et médicaux – ainsi que le levage et la manutention jusqu’à 15 tonnes au chargement et déchargement (avec grues de levage, chariots élévateurs embarqués, hayons). « On ne travaille pas avec des matériaux sensibles en négligeant la sécurité », insiste Yvan Pupier, le dirigeant. Il en va de la qualité même des prestations proposées aux clients. « Dans les effectifs, nous avons aujourd’hui deux conseillers sécurité, deux IPRP et deux AP-TR (NDLR : intervenant en prévention des risques professionnels et animateur prévention du transport routier) », ajoute Patrick Maufroy, responsable administratif et financier.
Installer une culture prévention
« La dernière convention a été signée avec l’entreprise dans le cadre d’un programme régional pour 2019-2022, explique Bérengère Touzain, contrôleuse de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Nous avons pour cela sollicité la FNTR 42 (Fédération nationale des transports routiers de la Loire), très active en matière de prévention des risques professionnels, pour accompagner collectivement les entreprises de la cible de notre programme régional. » La fédération professionnelle a organisé leur montée en compétences dans ses locaux en proposant des formations, puis les entreprises ont bénéficié de contrats de prévention.
César Namysl, secrétaire général de la FNTR 42
« Dès 2002, la FNTR 42 a signé une convention avec la préfecture de la Loire sur la sécurité routière, aboutissant à la création du premier club réunissant les entreprises
de transport routier de marchandises et de transport routier de voyageurs, avec l’idée que l’on avance mieux ensemble. Puis des conventions ont été signées avec l’Anact, la Carsat, et la Direccte. Dans le cadre du club, un forum de la santé a vu le jour pour les salariés des entreprises de transport, conducteurs ou sédentaires. Il leur permet de rencontrer notamment des diététiciens, coachs sportifs, kinésithérapeutes pour faire un bilan de santé. Nous l’organisons tous les deux ans. Depuis cinq ans, nous mettons également en place des journées de partage de la route pour sensibiliser le grand public aux contraintes du conducteur, en faisant monter les visiteurs dans un poids lourd. Via le club, nous encourageons le partage d’expériences en vue de créer et de redynamiser un collectif de préventeurs, de mutualiser les outils et méthodes employés. »
Première étape du dispositif : la formation des dirigeants sur deux demi-journées. « Ils sont la clé de la mise en œuvre de la stratégie d’entreprise, précise César Namysl, secrétaire général de la FNTR 42. La convention prévoit ensuite la formation d’AP-TR, chargés de créer un plan d’actions avec l’aide possible d’un consultant à l’issue d’un diagnostic initial utilisant la grille de positionnement en santé et sécurité au travail (GPSST) pour cibler et hiérarchiser les actions en place. Puis l’entreprise désigne des APS (acteur prévention secours), c’est-à-dire des salariés formés pour devenir acteurs de la prévention des risques liés à leur métier, en remontant les données de terrain, et pouvant intervenir comme sauveteurs secouristes du travail. » « Leur choix est déterminant car ils participent activement au repérage et à la maîtrise des risques », explique Matthieu Rolly, alternant à l’exploitation dans l’entreprise Pejy, à l’École supérieure des transports de Paris. Avec Patrick Maufroy, il est l’un des deux AP-TR de l’établissement. Son lien direct avec l’exploitation est essentiel. « Il faut que le dialogue fonctionne. Cette sensibilisation à tous les niveaux permet d’installer une véritable culture et de faire circuler l’information, soutient-il. Elle est un vecteur de motivation et renforce l’attractivité du métier. »
L’innovation et l’humain
À l’issue du plan d’actions élaboré, le contrat de prévention a permis d’accompagner le financement de mesures techniques visant à limiter les risques de chutes et les manutentions manuelles ainsi que l’acquisition de dispositifs améliorant le confort ou réduisant le risque routier. Les transports Pejy ont investi dans un pont deux colonnes pour les véhicules légers d’une capacité de 4,2 tonnes, la réfection d’une aire de stationnement pour les remorques (avec béquillage) ou encore dans une grue de chargement équipée d’une radiocommande, qui permet à l’opérateur de se maintenir à distance.
FÉDÉRER LES TROUPES
Pour faire réagir ses conducteurs, l’entreprise communique sur les aspects pratiques, répondant à leurs problématiques quotidiennes. Les modules de formation abordant les bonnes pratiques de lancer de sangle, par exemple, participent à l’éveil sur la question des TMS. Lors d’un programme de perfectionnement des connaissances avec le Centre technique du Creusot, les conducteurs ont apprécié la formation à la conduite défensive sur piste, autant que les informations données sur le réglage du siège.
Le kit tiroir à sortie pneumatique, mis en place sur deux porteurs, évite au conducteur de forcer, dans une position inconfortable, pour sortir le chariot embarqué. Cette situation de travail contraignante avait été identifiée lors du diagnostic initial. Plusieurs poids lourds ont été équipés d’une climatisation de nuit et d’autres de mirror cam, des caméras qui se substituent aux rétroviseurs, ce qui libère le champ de vision pour le conducteur qui dispose d’écrans de contrôle dans le véhicule. « C’est une nouvelle façon de se repérer dans l’espace à laquelle il faut s’habituer, notamment lorsque l’on passe d’un véhicule à un autre, qui n’est pas équipé », explique Patrick Barrier, l’un des moniteurs.
« La technologie ne doit jamais oublier l’humain, insiste Yvan Pupier. Il faut former les collaborateurs aux nouveautés, les embarquer dans la démarche. Les AP-TR, puis les APS, sont aujourd’hui les garants du maintien de cet éveil sécurité. » À l’affût des nouveautés, notamment dans les salons professionnels, le dirigeant nous confie que si les innovations foisonnent, il faut parfois aller les dénicher. « Les constructeurs voient le véhicule comme un outil de production. Pour proposer les meilleurs tarifs, ils ne mettent pas spontanément en avant les options de sécurité », regrette-t-il. C’est donc l’entreprise qui prend les devants. La FNTR 42, elle, constate, à travers les signataires de la convention de partenariat, que la profession bouge. « Beaucoup de choses se faisaient, mais ce programme de prévention a permis à certains de passer à la vitesse supérieure, en s’inscrivant dans une véritable stratégie d’entreprise », conclut César Namysl. ■
LA COVID, ET APRÈS ?
Les conditions de travail des transporteurs pendant la crise, notamment l’accueil chez les clients, ont été compliquées : fermeture des sanitaires, de l’accès aux machines à café, etc. Un révélateur qui a conduit la FNTR 42, avec un consultant, la Chambre professionnelle des transports routiers de Savoie et du Dauphiné et la Direccte Auvergne-Rhône-Alpes à élaborer un guide de prévention pour le transport routier (marchandises et voyageurs) intégrant les aspects de prévention pérenne post-Covid-19.
Grégory brasseur