Dans l’entreprise Kronofrance, les particules de bois sont la matière première pour la fabrication des panneaux de particules. Éviter l’empoussièrement et réduire les risques d’explosion sont des préoccupations de tous les instants.
La poussière de bois, c’est notre matière première. Impossible pour nous de faire sans et donc de supprimer le risque », constate Jacques Ferling, le délégué général de Kronofrance, une entreprise de fabrication de panneaux de particules située à Sully-sur-Loire, dans le Loiret. Du broyage du bois au ponçage du panneau final, chaque étape de l'activité chez Kronofrance, qui fabrique aussi des panneaux d’OSB (Oriented Strand Board), génère des poussières de bois. La matière première des panneaux de bois est constituée de sciure, de broyats recyclés et de bois (dosses de scierie et rondins).
Afin d’être réduite en particules variant de 0,6 à 1,2 mm de diamètre et supprimer les poussières les plus fines, la matière première est tamisée puis broyée. Les particules sont ensuite mélangées à de la colle (constituée d’un mélange urée-formol). Ce mélange est réparti en couches (quatre couches superposées pour former un panneau) qui passent dans une presse à chaud. À la sortie de la presse, les panneaux sont sciés aux dimensions demandées par le client puis refroidis avant d’être poncés.
En 2001, des mesures ont été réalisées pour les groupes d’exposition homogène préalablement constitués. Les opérateurs qui portaient les dispositifs de prélèvement devaient indiquer les tâches qu’ils effectuaient afin qu'on sache quelles opérations les exposaient le plus. Depuis ces mesures, l’étanchéité des conduits est vérifiée en continu et des aspirations centralisées ont été installées à toutes les étapes du process. Ce sont 120 tonnes de poussières qui sont récoltées chaque jour. Le nettoyage lui aussi a changé car auparavant des soufflettes étaient utilisées. « Il y a toujours des poussières qui échappent à l’aspiration centralisée, explique Carine Person, responsable HSE. Nous avons ajouté des aspirateurs qui se branchent dessus. Pour l’extérieur, nous avons acheté des balayeuses et nous nettoyons à grande eau. L’usine tourne 24 heures sur 24. Les opérateurs travaillent en 5 x 8 et, à chaque poste, il y a une phase de nettoyage. » Enfin, pour certaines tâches ponctuelles réalisées en dehors des cabines comme, par exemple, lorsque l’opérateur doit intervenir directement sur la machine, il doit porter une cagoule à ventilation assistée.
Des risques d’explosion
En 2011, l’entreprise décide de refondre son document relatif à la prévention des explosions (DRPCE). Il avait été modifié en 2000 lors de la création d’une nouvelle ligne de production et avait connu des ajouts lors des évolutions de l’usine. La Carsat Centre a aidé l’entreprise à réaliser cette refonte et l’a convaincue d’associer le personnel. Car cela a impliqué de nombreux changements dans le choix du matériel, les procédures et les formations. Tout d’abord, 180 personnes – sur les 350 que compte ce site – ont été sensibilisées au risque Atex (ATmosphères EXplosibles) afin qu’elles le prennent en compte. Et qu’elles sensibilisent à leur tour leurs collègues. « Avant, on nous parlait surtout des risques de cancers liés aux poussières de bois, se rappelle Damien Wieczorek responsable de la maintenance électrique OSB. Petit à petit, on nous parle de plus en plus du risque Atex et nous en prenons conscience. »
« Les modules étaient adaptés en fonction des activités des personnes », indique Carine Person. « Nous apprenons d’une part à lire le DRPCE afin de connaître le zonage de l’endroit où on intervient et, d’autre part, à lire les plaques signalétiques des équipements pour savoir où nous pouvons les mettre en fonction du zonage », précise Damien Wieczorek. Deux référents Atex ont été formés notamment avec la Carsat et désignés auprès du CHCST. Xavier Gaudy, technicien HSE, est l’un d’eux : « Nous guidons les services production et maintenance dans l’analyse et la gestion du risque Atex », explique-t-il. « L’avantage de faire monter en compétence les salariés est qu’ils s’approprient la démarche et que, dans le temps, ils peuvent la faire évoluer et la pérenniser », constate Valérie Chamberland, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre.
INCENDIE ET EXPLOSION : LES FACTEURS DE RISQUE
Pour qu’un incendie se déclenche, il faut un combustible, un comburant (le plus souvent l’oxygène de l’air) et une source d’inflammation. Pour qu’il y ait une explosion, il faut en plus que le combustible soit en suspension dans l’air, dans une concentration comprise dans son domaine d’explosivité et qu’il y ait du confinement. L’entreprise est tenue de cartographier l’usine en zones en fonction de la fréquence et de la durée de formation d’atmosphères explosives. Selon ces zones, des mesures spécifiques doivent être prises : certaines activités ne peuvent se faire que dans certaines zones, les équipements, les matériaux de construction, les systèmes de détection, les dispositifs d’alarme, etc. doivent être adaptés. Toutes ces informations doivent figurer dans le document relatif à la prévention contre les explosions (DRCPE) annexé au document unique d’évaluation des risques
Concernant les changements de matériel et de procédures, « l’objectif est qu’il y ait le moins possible de zones classées les plus dangereuses. Il faut pour cela réduire au maximum la quantité de poussière et le risque d’ignition », explique Daniel Fouché, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre. « Nous avions certains produits chimiques, comme des solvants organiques pour nettoyer les machines, qui étaient combustibles et pouvaient créer des atmosphères explosives dans les armoires. Nous avons donc substitué certains et réduit les stocks », détaille Carine Person. Elle ajoute : « C’est grâce à la formation que nous avons pu mener cette réflexion car elle a permis de fédérer l’ensemble du personnel autour de ce sujet. » De plus, l’entreprise a investi dans du matériel. Du matériel électrique Atex est installé dans les zones où cela est nécessaire. Des évents avec arrêt de flamme qui permettent de canaliser le flux d’une explosion et d’éviter sa propagation sont actuellement en cours d'installation.
Pour limiter les effets d’un incendie à la suite d’une éventuelle explosion, cinq équipes d’ESI (équipiers de seconde intervention) sont présentes sur le site : « Nous sommes pourvus du matériel et des camions nécessaires. Nous suivons cinq journées de formation par an, réalisées par des pompiers, avec des simulations. Si le feu dépasse nos limites, nous appelons les pompiers. Ça nous est arrivé une fois. Heureusement, nous n’avons pas eu de blessés », explique Bruno Conan, animateur sécurité, formateur et équipier de seconde intervention.
Chacun a pris conscience des risques et œuvre à son niveau pour les réduire. D’autant que l’usine a connu des départs de feu et une explosion en 2011 qui a engendré des dégâts matériels, et que tous savent que, en 2013, la deuxième entreprise du groupe Krono en France, située en Lorraine a, elle, brûlé. Heureusement sans faire de blessés. ■
_REPÈRES
● Kronofrance appartient au groupe Swiss Krono Group qui a dix usines dans sept pays. L’usine existe depuis 1988 et emploie 350 salariés.
● Ses matières premières sont de la sciure, des broyats recyclés et du bois (dosses de scierie et rondins).
● Elle fabrique 550 000 panneaux de particules et 450 000 panneaux OSB par an.
Leslie Courbon