Un vaste programme d’ergonomie, mis en place il y quatre ans par Mars Chocolat sur le site de Steinbourg, dans le Bas-Rhin, a permis d’améliorer les conditions de travail sur certains postes cibles, avant d’entrer dans une phase plus large de dépistage des risques liés aux manutentions. Ici, les salariés, appellés associés, sont les premiers acteurs d’une démarche dont l’ambition est de faire de leur sécurité un élément du quotidien.
Sur les convoyeurs, les barres glacées défilent 24 heures sur 24, obéissant à l’indispensable principe de marche en avant qui régit la production et traversant des tunnels où la température descend jusqu’à -50°C.
La scène se déroule à Steinbourg, dans le Bas-Rhin, dans l’une des deux seules usines au monde où Mars Chocolat crée, développe et fabrique ses barres glacées. Un univers automatisé, mais qui requiert un niveau d’expertise tel que l’action manuelle reste, au fil du processus de production, toujours indispensable.
Depuis 2010, un travail sur l’ergonomie, visant à réduire le nombre d’accidents en rapport avec les manutentions, est mené et met à contribution les collaborateurs, désignés chez Mars par le terme d’« associés ». Un état d’esprit qui prône la mise en avant autant que la responsabilisation et qui fédère : l’ancienneté moyenne dans l’usine est de 19 ans et certains étaient déjà là en 1989, lorsque la première barre été produite.
À la réception des matières premières, au plus fort de la production, 25 tonnes de crème et de lait frais sont livrées et doivent être dépotées chaque jour. Affecté au poste de contrôle de la zone de préprocess, Bernard Wathle l’assure : « À partir d’ici, la traçabilité est totale. Il faut environ 2h30 pour faire le mix, qui est ensuite pasteurisé. La préparation passe alors en maturation pour acquérir la texture désirée. » Sur l’ensemble des étapes de fabrication, le maintien de la chaîne du froid est requis. Dans le même secteur, on fabrique le caramel, tandis que le chocolat est préparé sur un autre site du groupe. Par le réseau de tuyaux qui relie les immenses cuves à la zone de production, le mélange de lait, de crème et de sucre est envoyé sur les lignes d’assemblage.
Premier pas
Ambiance métallique. Dans les grands tunnels de refroidissement se succèdent de façon automatisée la dépose du mix, l’ajout d’ingrédients, l’enrobage de chocolat et la découpe des barres. Le long des tunnels, des alignements de bacs inox sur roulettes sont entreposés dans des espaces dédiés. Chaque chose à sa place. Appliquant la méthode 5S, l’usine a construit un environnement de travail fonctionnel et régi par des règles simples et rigoureuses de propreté et d’organisation.
« En 2010, un budget a été alloué à la réalisation d’aménagements touchant à l’ergonomie. Nous avons une centaine de bacs inox, utilisés lorsqu’il faut éjecter un produit de la ligne pour le réinjecter ailleurs, explique Jean-Marc Rosik, responsable sécurité et environnement du site. Afin d’éviter aux associés de se baisser pour les déplacer, une poignée mobile a été ajoutée. Elle s’abaisse pour ne pas empêcher la mise en place des bacs dans la machine à laver. » Un premier pas à la suite duquel se mettra en œuvre le véritable projet ergonomie de l’entreprise, en collaboration avec la Carsat Alsace-Moselle.
« Nous avions besoin d’un ergonome pour ne rien oublier dans l’évaluation des risques et le choix de solutions », poursuit Jean-Marc Rosik. En 2011, une analyse de l’accidentologie liée aux manutentions se traduit par la définition de quatre situations de travail pour lesquelles une action prioritaire doit être menée. La première est la préparation des arômes dans la zone de préprocess. Des aménagements ont été réalisés pour permettre le travail à hauteur et réduire les contraintes gestuelles de manutention des bidons de matières premières.
La deuxième concerne une étape récurrente de la production : le changement d’outillage, nécessaire entre chaque type de format ou de fabrication. Des chariots porte-outils ont été mis à disposition pour aider à déplacer ces gros sous-ensembles de plusieurs centaines de kilos. Enfin, les deux derniers points ciblent les postes de mise en caisse de l’atelier de conditionnement. Une plate-forme et un gerbeur ont été ajoutés pour faciliter la tâche lors de l’alimentation des machines. Par ailleurs, l’installation a été modifiée pour améliorer l’accès et la sécurité des interventions de maintenance en cas de défaut d’encaissage ou de bourrage.
Les associés acteurs de leur prévention
L’aventure se poursuit en 2012. Dans le cadre du projet ergonomie, l’entreprise lance une analyse exhaustive des situations de travail où l’on rencontre une problématique de port de charge à une hauteur inférieure à 70 cm. « Parti d’une démarche corrective essentiellement basée sur la sinistralité, Mars Chocolat est passé à une démarche globale de prévention associant CHSCT et salariés », souligne Gaëlle Florence, contrôleur de sécurité à la Carsat Alsace-Moselle.
Julia Stoll, ergonome à la Carsat, forme des personnes ressources – le responsable sécurité et environnement, des membres du CHSCT et des représentants du service médical – à un outil de prévention des lombalgies. Il s’agit, sur la base de critères définis (nombre de levages et déplacements quotidiens, indice de charge, postures, environnement de travail…), d’établir une grille et des cotations servant de point de départ à la recherche de solutions. « Le CHSCT a procédé au recueil d’informations auprès des associés. Dans l’usine, nous avons défini neuf zones fonctionnelles, supervisées par un manager de production. Des réunions de zone ont été organisées avec un membre de chaque équipe. Propositions, contre-propositions, ce travail de consultation a été riche », témoigne Jean-Marc Rosik. « Et ça repart », comme on dit dans la maison.
Au niveau de la zone de packing, les barres glacées, tout juste sorties du tunnel de congélation, sont distribuées automatiquement vers les différentes travées d’emballage. « Nous sommes en train de tester un prototype de bac à fond mobile équipé d’un vérin pneumatique, pour une remontée plus rapide. Ces bacs sont utilisés pour récupérer les produits éjectés de la chaîne », évoque Damien Risch, membre du CHSCT. Plus loin, dans l’atelier de mise en forme des boîtes, sont installés un dépileur de palettes ou encore des tables élévatrices, pour que la manutention de sacs de colles de 25 kg ne se fasse plus à partir d’une palette posée au sol.
Enfin, en bout de process, un palan avec griffes facilite désormais la manutention des rouleaux de film utilisés pour la palettisation automatique. Pour Mars Chocolat, ce projet ergonomie représente 200000 euros d’investissement sur quatre ans. « Une baisse significative du nombre de maladies professionnelles dues aux TMS a été enregistrée depuis deux ans et un seul accident du travail lié aux manutentions a eu lieu en 2013 », note Gaëlle Florence.
« Dernièrement, la sécurité et l’ergonomie ont été étudiées en prévision du remplacement d’une ligne d’emballage, explique Damien Risch. Une fois les plans réalisés, la ligne a été construite à l’échelle avec les différents éléments qui la composent (machines, convoyeurs…), et chacun a pu visionner les contraintes. De plus, une projection 3D a été organisée chez un sous-traitant. Des opérateurs de production et futurs utilisateurs ont ainsi simulé leurs déplacements entre les machines. Ce travail a permis de modifier 44 points techniques (hauteur des pupitres, accessibilité de moteurs, disposition des passerelles…) avant la construction de la ligne. »
Au quotidien, le processus de remontées d’informations liées aux équipements se poursuit. En 2013, 210 feuilles d’incident ont été émises par les associés, quelques-unes discutées en CHSCT. « À la démarche, s’ajoute une succession de points de rendez-vous au cours de la journée de travail. Des forums dédiés à la technique, à la logistique ou à l’organisation ont été mis en place initialement pour améliorer l’efficacité, mais des questions de sécurité y occupent désormais une place centrale », indique Éric Dedenon, responsable de production.
Formation à la sécurité
Si l’usine a renforcé son expertise technique et pratique, les efforts de sensibilisation se poursuivent. L’an dernier, en 2013, 2900 heures de formation ont été dédiées à la sécurité. Depuis janvier 2014, un nouveau dispositif a été lancé pour former un ambassadeur sécurité à temps plein dans chaque équipe. Celui-ci aura cinq missions : réaliser des audits sécurité dans l’équipe, procéder à des audits de comportement à partir d’observations aux postes de travail, travailler sur les risques liés aux nombreuses opérations de lavage-entretien, accompagner les réflexions sur l’adaptation d’outils de coupe standardisés, et participer aux échanges et à l’analyse des problèmes rencontrés dans les différentes usines du groupe.
« Ma mission première est de produire des barres glacées. J’ai évidemment des objectifs à atteindre. Pour autant, ma seule inquiétude quotidienne porte sur l’humain, estime le responsable de production. C’est pourquoi je mets un point d’honneur à ce que la sécurité des associés soit abordée dans chaque métier. »
Grégory Brasseur