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Les invités du mois

Nathalie Aziz et Karim Ouchikh: « Une prévention efficace n’est possible qu’en impliquant tout le monde »

Pour accompagner ses clients, Engie Solutions associe à ses compétences internes celles de sous-traitants. Au printemps, le groupe a lancé auprès de ces derniers une opération visant à réduire les accidents graves. Nathalie Aziz et Karim Ouchikh, respectivement directrice santé-sécurité et responsable achats pour le territoire Île-de-France, nous la présentent.

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Grégory Brasseur, Céline Ravallec - 02/10/2023
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Portrait de Nathalie Aziz et Karim Ouchikh.

Travail & Sécurité. Pourquoi avoir imaginé une opération de prévention des risques professionnels destinée à vos sous-traitants ?

Nathalie Aziz. Dans le cadre de notre programme national One Safety, le groupe Engie Solutions nous demande d’être à zéro accident grave – accident mortel ou entraînant plus de 90 jours d’arrêt – au niveau national. Pour nos collaborateurs comme pour nos sous-traitants. Les métiers de l’efficacité énergétique nécessitent de multiples compétences, en interne, mais également le recours à des sous-traitants qui, compte tenu du volume croissant des demandes, nous confèrent une force de frappe supplémentaire. Or, les accidents les plus graves et aux conséquences les plus importantes touchent en majorité nos sous-traitants. Il a donc été décidé, en 2023, de les rassembler dans chaque territoire (NDLR. Engie Solutions compte cinq territoires correspondant à cinq grandes régions géographiques.) lors d’un événement, « Objectif zéro accident grave » (Ozag). En Île-de-France, nous les avons invités à une matinée où ont été présentés nos grands principes, les règles en matière de sécurité et les risques majeurs rencontrés dans nos métiers. Deux entreprises sont venues témoigner d’un accident dont un de leurs salariés avait été victime, et ont présenté ce qui, dans l’organisation des chantiers, avait dysfonctionné. Puis des ateliers réunissant une dizaine de personnes leur ont permis d’échanger directement avec nos préventeurs, nos acheteurs et les directeurs de chaque secteur d’activité sur des questions concrètes : contenu des contrats, conditions d’intervention sur un site, port des équipements de protection individuelle (EPI), etc.

Karim Ouchikh. Notre objectif était aussi de marquer les esprits, que tous sachent que nous pouvons les accompagner dans une démarche d’amélioration continue en matière de santé et sécurité. Les retours de la part de sous-traitants présents ont montré qu’ils ont eu l’impression de faire partie d’Engie Solutions, d’être considérés comme de véritables partenaires.

Pourquoi cibler les accidents graves et pas l'ensemble des accidents du travail ?

N. A. C’est une première étape pour enclencher une dynamique, mais ce n’est pas une fin en soi. Il est prévu d’élargir aux autres accidents. Et en abordant les contextes de survenue des accidents graves, on couvre aussi pour partie les accidents moins graves.

K. O. Il s’avère qu’aborder les accidents graves suscite plus d’échanges, car ils marquent très fortement les esprits.

Nathalie Aziz et Karim Ouchikh en interview.

Quel est le sens de l’implication du service achats ?

K. O. Pour les achats aussi, la sécurité est la priorité n° 1, au-delà de la performance économique. Nous attendons des fournisseurs qu’ils soient capables de nous suivre sur cet objectif. Les cahiers des charges contiennent des critères identiques qui s’appliquent à tous : on demande par exemple l’organisation de visites de chantiers régulières pour s’assurer que l’environnement de travail est conforme. La note santé-sécurité pèse pour 15 % dans l’analyse et la sélection des offres de sous-traitance. À prix équivalent, les plus performants sur ces sujets s’en sortent mieux.

Nous aidons également nos sous-traitants à monter en compétences sur les sujets en santé-sécurité. 60 % sont des PME dont certaines peuvent se sentir démunies ou manquer d’information sur ces questions. Nous menons des évaluations annuelles qualité/délai/coût/sécurité qui, lorsque la note est inférieure à notre seuil, donnent lieu à l’élaboration d’un plan d’action pour les accompagner dans la conduite du changement. C’est une montée en compétences qu’ils peuvent ensuite valoriser auprès d’autres clients. Et l’un des objectifs de cet engagement commun est également de mieux faire remonter les événements indésirables (presqu’accidents, incidents…).

Concrètement, comment organisez-vous la remontée puis l'analyse de ces informations ?

N. A. L’amélioration continue n’est possible qu’en impliquant tout le monde. Pour ce faire, il existe différents outils. Les Hipo (high potential) sont les événements à haut potentiel de gravité, qui ont été sans ou à faible conséquence mais qui auraient pu s’avérer dramatiques. En cas de remontée d’un Hipo, nous avons 30 jours pour analyser collectivement la situation, trouver des solutions et les mettre en œuvre. Cela fait l’objet de « flashs Hipo » adressés au collectif, que les managers relaient aussi auprès des sous-traitants. Les EMS, déjà mentionnées, sont des observations de l’organisation des chantiers et de la mise en œuvre des consignes de sécurité, en s’arrêtant sur les aspects positifs ou négatifs. Elles sont déployées depuis le début de l’année. Un manager évalue ainsi la façon dont la sécurité est intégrée dans l’organisation des travaux. C’est aussi l’occasion de causeries avec les sous-traitants. Enfin, nous avons les STS (standards de travail en sécurité), soit une liste de 29 travaux identifiés comme dangereux. Ces STS sont disponibles sur notre intranet national santé et sécurité ainsi que sur téléphone mobile via un raccourci installé par défaut. Si on prend par exemple le travail par points chauds, l’opérateur doit valider cinq paramètres confirmant que les conditions sont réunies pour intervenir en sécurité. Si un seul des paramètres n’est pas validé, le travail ne peut pas commencer. Soit une solution est trouvée immédiatement, soit le chantier est reporté. C’est là aussi l’occasion d’un échange entre un représentant d’Engie Solutions et son sous-traitant.

Les observations réalisées dans le cadre des Hipo, des EMS et des STS sont remontées aux préventeurs, qui les analysent. Issues de nos cinq territoires, elles sont centralisées et font l’objet d’actions et d’un partage d’informations. Depuis le début de l’année 2023, nous avons par exemple recensé quatre accidents en rapport avec le risque électrique, heureusement sans gravité. Nous avons pu rapidement organiser un webinaire afin d’effectuer des rappels sur ce risque précis auprès des équipes concernées.

Nathalie Aziz et Karim Ouchikh en interview.

Ces procédures supportent-elles la confrontation à la réalité du terrain, avec ses impératifs de délais, de coûts, ses contraintes matérielles, les exigences des clients, etc. ?

N. A. Oui et elles sont les mêmes pour tous. Nous rappelons aux collaborateurs comme aux sous-traitants nos quatre piliers : la minute qui sauve (avant toute intervention prendre le temps de se reposer les bonnes questions pour ne pas agir dans la précipitation), le stop to work (s’arrêter et appeler sa hiérarchie en cas de dysfonctionnement majeur pouvant mettre en danger sa sécurité), la vigilance partagée (signaler systématiquement quelque chose qui ne va pas) et les remontées d’Hipo. En cas de difficulté ou de pression, les sous-traitants ne prennent aucune consigne directe auprès des clients. Ils doivent toujours passer par nous.

K. O. En se sentant intégrés dans un projet comme celui-ci, les sous-traitants osent plus facilement intervenir en cas de problème, dire stop s’il le faut. Ils se sentent aussi plus légitimes. Lors de la prochaine journée Ozag, en 2024, il pourra être intéressant de valoriser les bonnes pratiques, faire un bilan de ce que ce travail a apporté sur le terrain. 

Repères

Nathalie Aziz

  • 2006. Ergonome dans un service de santé au travail
  • 2008. Experte CHSCT
  • 2012-22. Responsable prévention, responsable QVT puis directrice santé sécurité QVT au sein de plusieurs structures
  • 2022. Arrivée chez Engie Solutions en tant que directrice santé-sécurité pour l’île-de-France.

Karim Ouchikh

2008. Arrivée chez Clim’espace (filiale Engie dédiée au froid urbain de la ville de Paris, désormais « Fraicheur de Paris » )

  • 2014. Responsable achats du pôle réseaux
  • 2016. Responsable achats d’Engie Réseaux
  • 2023. Manager achats Engie Solutions Île-de-France
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