Ce site est édité par l'INRS
Matériel agricole

Quand les risques chimiques débouchent sur une démarche globale de prévention

Chez Brun & fils, concessionnaire et réparateur de matériel agricole dans le Jura, la démarche Risques chimiques Pros, déployée au niveau régional par la Carsat, est à l’origine d’une prise de conscience des risques professionnels. Avec, à la clé, la recherche de solutions qui vont bénéficier à tout l’atelier.

5 minutes de lecture
Delphine Vaudoux - 07/03/2024
Lien copié
La nouvelle fontaine de dégraissage est close et chauffante.

Des tracteurs rouges rutilants, ainsi que des semoirs, ou encore des pulvérisateurs… Brun & fils, à Lons-le-Saunier, dans le Jura, concessionnaire des marques Massey Fergusson et Kuhn, est spécialisé dans le commerce et la réparation de matériel agricole. Une entreprise ciblée Risques chimiques Pros par la Carsat Bourgogne-Franche-Comté en 2019, et qui a répondu à ses sollicitations en se faisant aider par le service de prévention et de santé au travail dont elle dépend, l’Opsat (Organisme de prévention et santé au travail de Franche-Comté).

Dans la salle de réunion, les photos des ancêtres de l’actuel dirigeant sont affichées : Eugène Brun qui a fondé l’entreprise en 1902, puis Robert Brun, son fils, suivi du père de l’actuel dirigeant, René Brun. Patrick Brun est à la tête de cette entreprise familiale depuis 1990. Aujourd’hui, 22 salariés y travaillent dont dix à l’atelier de 640 m2, subdivisé en deux parties : l’une dédiée à la mécanique, l’autre aux engins de récolte. « Nous avons maintenu la séparation entre les deux ateliers lors du dernier aménagement, précise Patrick Brun. Car, dans celui du fond, nous réparons essentiellement des engins de récolte qui émettent pas mal de poussières. »

« Lorsque je suis venu rencontrer l’entreprise dans le cadre de la démarche Risques chimiques Pros, évoque Richard Faivre, contrôleur de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté, je me suis rendu compte qu’elle n’avait pas le niveau attendu en matière de prévention des risques professionnels… » Par exemple, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) existait, mais n’avait pas été mis à jour depuis longtemps. Relancé par le contrôleur de sécurité pour s’emparer du sujet, le dirigeant se rapproche du service de prévention et de santé au travail… ce sera le début d’une collaboration entre la Carsat, l’Opsat, et Patrick Brun.

Avec une première étape, la désignation – et la formation – de Boris Cagne, mécanicien, comme salarié compétent en prévention des risques professionnels. « C’est un plus d’avoir une personne de l’atelier. Boris Cagne a fait remonter les problèmes lors de l’évaluation des risques et il a été moteur dans la recherche de solutions », insiste Richard Faivre.

Identifier puis hiérarchiser les risques

C’est ensuite qu’Émilien Renaut, ingénieur prévention des risques chimiques à l’Opsat, débute son intervention. « Je suis d’abord venu pour connaître l’activité de l’entreprise et prendre connaissance de l’ancien DUERP… il avait été sous-traité à un organisme extérieur et faisait 150 pages. Il était trop généraliste, comprenait beaucoup de répétitions, remarque-t-il. Nous l’avons entièrement repris. » Pour ce faire, il a fallu évaluer les risques, en particulier les risques chimiques. Brun & fils envoie 90 fiches de données de sécurité à l’ingénieur, qu’il entre dans un logiciel de l’Opsat. 68 situations dangereuses sont identifiées, dont 28 concernent le risque chimique.

68 situations dangereuses ont été identifiées.

Après cette première étape d’identification des risques, un deuxième travail a consisté à les hiérarchiser. « Il s’agit de croiser la maîtrise des risques, avec leur gravité et leur fréquence, explique Émilien Renaut. Douze sont ressortis en rouge avec trois situations prioritaires, nécessitant des investissements : l’utilisation de solvant pour le dégraissage, l’exposition aux émissions de moteur et les opérations de montage et démontage des roues de tracteur. »

Concernant le dégraissage, l’entreprise s’était déjà saisie en partie de la question : « Nous avions substitué l’un des solvants. Nous avons eu du mal à trouver un procédé répondant à nos attentes d’efficacité », remarque Boris Cagne. Finalement, leur choix se porte sur un modèle de fontaine de dégraissage. « Quand nous l’avons achetée, nous avons laissé l’ancienne en fonctionnement, poursuit le mécanicien. Très vite, elle a été délaissée au profit de la nouvelle. »

Désormais, une seule fontaine trône dans l’atelier. Close, chauffante et fonctionnant avec des solutions aqueuses, elle permet, grâce à ses manchons, de manipuler les pièces à dégraisser en toute sécurité, sans émanation de produits chimiques. Pour un résultat « extraordinaire », selon les mécaniciens : des opérations de nettoyage plus rapides, plus efficaces et des pièces qui ressortent sèches, soufflées en vase clos.

Une démarche qui va au-delà du risque chimique

De plus, les quatre postes de l’atelier sont désormais reliés à un système d’aspiration des fumées diesel. Une seule bouche d’aspiration a été mise en place, mais le tuyau est suffisamment long pour être branché à l’un des tracteurs. Il faudra juste être vigilant quant à l’angle du coude que fait le tuyau lorsqu’il est branché à l’échappement. Il pourrait, à la longue, se percer.

Pas très loin, attend un superbe tracteur. Régulièrement, les mécaniciens sont amenés à laver les tracteurs, avant d’intervenir sur des pièces mécaniques « Avant, pour le lavage à l’extérieur, il fallait enlever les roues en soulevant le tracteur au cric pour fixer des béquilles. Puis ils remontaient les roues pour le déplacer dans l’atelier… afin, à nouveau, d’enlever les roues pour accéder aux pièces mécaniques », explique Ophélie Fouet, ergonome à l’Opsat.

Vue d'un tracteur en cours de maintenance.

Depuis peu, l’établissement a acquis, avec l’aide de la Carsat, un système d’auto-levage. C’est Boris Cagne qui se charge des explications : « On fixe le système au bras de relevage du tracteur. Le bas du tracteur se pose sur une plate-forme réglable. On peut ainsi intervenir sous le tracteur mais aussi déplacer le tracteur une fois les roues arrière déposées… en toute sécurité, sur les deux roues avant. » Les mécaniciens ont ainsi moins de roues à manipuler – certaines peuvent atteindre 500 kg – et moins d’opérations à réaliser. « Il est facile à mettre en place, apprécie Fayçal Brick, un mécanicien, et nous fait gagner du temps. »

Une fois enlevées, les roues sont déplacées à l’aide d’un chariot. « On a bien avancé, avec le système d’auto-levage, remarque Richard Faivre, mais il reste à trouver une solution pour la manipulation des roues. » Patrick Brun lui tend aussitôt le prospectus d’un équipement vu sur un salon. Il devra être essayé avant d’envisager son achat.

Le garage s’est également lancé dans des actions complémentaires visant à prévenir les risques professionnels, comme délivrer des autorisations de conduite des chariots, changer les cutters pour réduire les risques de coupures, acheter une plate-forme individuelle roulante pour sécuriser les interventions en hauteur, parfaire le marquage au sol ou encore délimiter des zones de stockage. Autant de signes encourageants, selon Richard Faivre : « Nous nous sommes attaqués, en collaboration avec l’Opsat, au risque chimique, et finalement l’établissement est monté en compétences et en autonomie. Il s’est lancé dans une démarche plus vaste. J’attends qu’elle se poursuive. »

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Brun & fils

Lieu : Lons-le-Saunier (Jura)

Activité : vente et réparation de matériel agricole

Effectif : 22 personnes

Chiffre d’affaires : 13 millions d’euros

Partager L'article
Lien copié
En savoir plus

À découvrir aussi