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Nouveaux arrivants

Quand le travail commence par un accueil en béton

Sur son site de Sivry-Courtry, en Seine-et-Marne, A2C Préfa, spécialiste de la fabrication d’éléments de structure en béton, a repensé l’accueil des salariés, notamment celui des intérimaires, pour lesquels une forte sinistralité était enregistrée. Un investissement humain qui a imprégné les équipes, ramené la confiance des agences d’intérim et qui contribue à améliorer la qualité de la production.

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Grégory Brasseur - 07/03/2024
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Deux salariés d'A2C Préfa lors d'une journée d'accueil des nouveaux arrivants.

Tout est parti du constat d’un manquement. Un accueil trop sommaire qui se limitait parfois à donner une paire de gants à des intérimaires très vite livrés à eux-mêmes dans l’usine pour des remplacements d’urgence. À Sivry-Courtry, en Seine-et-Marne, A2C Préfa réalise des éléments préfabriqués en béton, notamment des prémurs, pour des logements ou structures accueillant du public (bureaux, hôpitaux). Ses produits ont par exemple été intégrés lors de la construction de sites accueillant les Jeux olympiques, des tours Cœur Défense ou des satellites S3 et S4 de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Peu après son arrivée en 2019, Sébastien Straub, directeur industriel, est alerté par la Cramif sur le nombre élevé d’accidents du travail, parfois graves, touchant les salariés intérimaires, en particulier des chutes ou des accidents liés aux manutentions.

« On cherchait à remplacer la moindre absence sans y donner véritablement du sens », admet-il. Conséquences : un turn-over élevé, des accidents parfois graves qui pouvaient donner lieu à des ruptures de contrat avec un impact négatif sur l’activité. « 30 % du personnel de production est intérimaire et plus encore en période estivale, où l’organisation en 2 x 8 peut passer en 3 x 8, reprend le directeur industriel. Il fallait que nous puissions redonner une dimension humaine à l’accueil. Mieux accompagner et former. »

Une procédure d'accueil formalisée 

Pour réagir, l’entreprise a formalisé une procédure d’accueil suivie d’un test d’évaluation. Celle-ci est obligatoire pour tous les arrivants, quel que soit leur statut. « Un accueil personnalisé est réalisé, avant le début de la mission, et peut durer 2 à 3 heures suivant les besoins, explique Sarah Ichoung-Thoé, responsable hygiène, sécurité, environnement (HSE). Il a lieu en salle puis dans l’usine, où l’on présente les postes, l’environnement de travail, les locaux sociaux… afin de donner des repères. » C’est l’occasion de sensibiliser aux risques au sein de l’entreprise, aux marquages au sol, affiches et supports visuels existants, ou à l’identification de personnes telles que les chefs d’équipe, tous coiffés d’une casquette orange.

250 000 m2 de prémurs ont été réalisés en 2023 (soit 25 % du marché francilien).

Aucun démarrage de mission n’est autorisé sans accueil, et la première mission est systématiquement commencée en journée. « Quand le responsable de production ou de fabrication valide une mission, un temps de tutorat en binôme est instauré avec un salarié titulaire pour une durée de 15 jours à 3 semaines, reprend la responsable HSE. Il s’agit d’une personne référente autre que le chef d’équipe qui joue un rôle de guide sur lequel s’appuyer. » En quelques mois, du lien social s’est recréé. Mais il a fallu changer les cultures, impliquer l’encadrement, qui a été formé à cet effet.

« Notre métier bouge. Au démarrage d’une activité, on peut vite baisser la garde. Certains nous disaient : pourquoi former quelqu’un qui ne va pas rester ? J’ai mis au point des supports d’information », évoque Sarah Ichoung-Thoé. Reconsidérer l’autre, c’est aussi ne plus se limiter à lui attribuer la tâche dont personne ne veut. « Intérimaire ou pas, tout le monde est traité de la même façon. On fait la même chose », insiste Baba Diagne, chef d’équipe. Et un intérimaire formé qui fait preuve de capacités peut vite être mis sur un poste à responsabilité.

Un turn-over en baisse 

« Les intérimaires demandent à revenir chez nous. On a moins de turn-over et ce cadre d’accueil nous a permis de renouer avec les agences d’intérim », constate Sébastien Straub. « Je fais systématiquement un retour sur l’accueil à l’agence. Si j’estime que la personne peut avoir du mal à s’intégrer, j’explique pourquoi », précise Sarah Ichoung-Thoé. Dans le même temps, il a fallu réfléchir aux profils accueillis. On ne cherche plus un simple ferrailleur ou un coffreur, mais quelqu’un qui trouvera sa place au sein de l’équipe. Avoir du personnel stable permet de maintenir la qualité d’une production qui s’est automatisée pour réduire les risques liés au port de charges et à la pénibilité.

Entre 2019 et 2023, le nombre d’accidents du travail chez les intérimaires a été divisé par trois passant de 12 à 4 et de 18 à 8 chez les titulaires, avec une diminution drastique du nombre de jours perdus. Le dispositif d’accueil a été dupliqué sur un second site de production à Corbeil-Essonnes, où certains personnels vont travailler. « La procédure est simple, peu coûteuse – si ce n’est en temps consacré –, et peut être mise en œuvre par tous, insiste Gilles Brévan, contrôleur de sécurité à la Cramif. En mettant en avant l’humain, l’entreprise peut s’inscrire dans une dynamique d’actions plus larges, que ce soit en matière de prévention des troubles musculosquelettiques ou du risque chimique. »

Deux salariés de l'entreprise en situation de travail.

À l’instar de Marion Laurent, passée quatre mois par l’intérim, qui a appris à connaître tous les postes de l’usine pour devenir coordinatrice de la performance industrielle. « Je travaille avec les équipes sur l’amélioration continue. Nous avons par exemple demandé la fabrication de tablettes à hauteur d’homme pour poser les cales de retournement ailleurs qu’au sol. Sur un poste, nous avons fait concevoir un meuble bas pour écrire, stocker les truelles et les ligatureuses utilisées pour lier les fers à béton », décritelle. De son côté, Kevin Carneiro-Morgado, tout juste embauché au bureau d’études, a d’emblée été formé 15 jours dans l’atelier : « On prend conscience des situations rencontrées en fabrication (pose, ferraillage) et de la façon dont notre travail sur les dessins peut impacter celui des collègues. »

Au-delà de l’élan donné par la direction, l’engagement doit être collectif. En 2024, une nouvelle usine, dédiée à la fabrication de dalles bois béton, sera mise en service sur le site de Sivry-Courtry avec, là aussi, l’accent mis sur l’automatisation, les solutions de levage, la prévention du bruit, la protection des machines ou encore la modification de procédés pour limiter les manutentions ou la production de déchets. Dans le nouveau bâtiment, un espace dédié à la sécurité et l’accueil a été prévu. Pour bien montrer, une fois encore, que le travail commence par là.

FICHE D'IDENTITÉ

Entreprise : A2C Préfa, membre du groupe A2C Matériaux

Lieu : Sivry-Courtry (Seine-et-Marne)

Activité : production d’éléments de structure préfabriqués en béton à destination des entreprises du BTP. L’unité de fabrication a été implantée ici en 2012

Effectif : 110 salariés dont 56 en production. 42 salariés travaillent sur un autre site à Corbeil-Essonnes

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