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Les violences externes

Des protocoles et du personnel pour éviter les agressions

Suite à une tentative de vol en 2020, avec prise d’otages, l’hypermarché E. Leclerc de Montdidier, dans la Somme, a totalement revu ses protocoles d’ouverture et de fermeture du magasin. Durant la journée, notamment aux postes de caisses, la direction mise sur la qualité de service pour éviter, en amont, les situations conflictuelles avec les clients.

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Lucien Fauvernier - 26/03/2024
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Un salarié désactive l'alarme afin d'accéder au magasin.

« Je me souviendrai de ce jour toute ma vie. » Ce jour-là, le dimanche 29 novembre 2020, Nicolas Constant, le responsable sécurité de l’hypermarché E. Leclerc de Montdidier, dans la Somme, a été victime d’un braquage à main armée. Comme chaque dimanche matin, en compagnie du directeur de l’époque, Nicolas était chargé d’ouvrir le magasin pour l’arrivée des premiers salariés à 6 heures. Sauf que, cette fois-ci, trois malfrats armés les attendaient sur le parking.

« Tout s’est passé très vite au début, raconte le responsable sécurité. Ils m’ont forcé à faire le code pour ouvrir la porte d’accès aux locaux, puis ils nous ont demandé de les amener aux coffres. Ensuite, ils espéraient que nous donnerions les codes mais ni moi ni le directeur ne les avions. Comme cela a fini par prendre du temps, des salariés ont commencé à arriver et ont été pris en otages… » Après plus d’une demi-heure, voyant la situation leur échapper, les braqueurs ont enfermé les cinq otages dans les bureaux et ont pris la fuite.

Repenser l'organisation pour se protéger

« Heureusement, personne n’a été blessé, indique Jean-Michel Despreaux, président-directeur général du magasin. Les salariés retenus en otage ont eu accès à une cellule d’aide psychologique mise en place par le biais de notre assurance. » À ce jour, et malgré l’intervention de la police scientifique, les responsables de cette tentative de vol n’ont pas été appréhendés.

Depuis cette agression, les protocoles ont été revus et une grille télécommandée a été installée à l’entrée du parking : « Désormais, décrit le dirigeant, l’ouverture est toujours réalisée par deux salariés qui arrivent en voiture : ils ouvrent la grille à distance et n’ont plus besoin de descendre de leur véhicule, ils referment derrière eux et font un tour complet du parking. Ensuite, s’ils ne détectent rien de suspect, ils peuvent se garer au parking des employés et se diriger vers la porte pour accéder aux locaux. » Seuls quatre salariés disposent des codes pour ouvrir le bâtiment et ces derniers sont désormais dotés d’un code sous contrainte personnel : s’ils sont forcés à ouvrir sous la menace, ils tapent ce code qui va ouvrir le magasin normalement mais alertera également, en parallèle, la gendarmerie.

Vue d'un ilot de caisse.

Une caméra supplémentaire a été installée, afin de vérifier l’absence d’intrus derrière la porte d’accès lors de la fermeture de l’hypermarché. « De plus, les salariés sont invités à ne pas repartir seuls vers leur véhicule, mais toujours par groupe de huit, avec, de préférence, la présence d’un cadre, souligne Adrien Detti, l’actuel directeur du magasin. Si, au début, cela a été perçu comme une contrainte, la consigne est bien respectée et s’avère plutôt rassurante pour les équipes, notamment en période hivernale lorsque la nuit tombe vite. »

Des travaux de modernisation du magasin, en 2021, ont également permis d’installer un nouveau système de vidéosurveillance, accessible via mobile ou tablette, facilitant les levées de doutes en cas d’alerte intrusion. « Tous les téléphones professionnels sont aussi équipés d’un bouton d’appel rapide vers la gendarmerie », ajoute Adrien Detti.

Assurer la qualité de service pour désamorcer le conflit

Concernant le fonctionnement au quotidien du magasin, tous les salariés s’accordent pour dire que les conflits avec les clients sont plutôt rares. « Il faut dire qu’à Montdidier, tout le monde se connaît. Si quelqu’un fait du grabuge cela se sait rapidement et l’effet “village” tempère généralement les choses », explique Nicolas Constant qui ne cesse de saluer des connaissances lorsqu’il arpente les allées de l’hypermarché. Cependant, avec des journées à 4 500 tickets, notamment les samedis, l’activité en caisse peut être relativement soutenue et créer des moments propices à l’énervement.

« Les travaux de 2021 ont été l’occasion de revoir nos espaces de caisses, détaille Adrien Detti. Nous avons fait le choix de conserver un grand nombre de caisses traditionnelles, plutôt que de développer les caisses automatiques ou libre-service. Cela se voit d’ailleurs dans nos chiffres, puisque nous avons volontairement un niveau de frais de personnel plus important que la moyenne des autres hypermarchés, dans le but de garantir une qualité de service supérieure. »

DES CAISSES AUTOMATIQUES POUR FLUIDIFIER L’ACTIVITÉ LE MIDI

L’hypermarché se situant à proximité d’un collège et d’un lycée, il accueille en semaine une affluence importante d’adolescents durant la pause méridienne, qui viennent se fournir en chips, bonbons ou boissons : « C’est entre autres pour ce public que nous avons installé quatre caisses libre-service (CLS). Ils n’ont généralement que peu d’articles, les CLS permettent un encaissement rapide et cela évite que cette jeune clientèle qui arrive en masse engorge les caisses traditionnelles », explique Adrien Detti, le responsable sécurité de l’hypermarché E. Leclerc de Montdidier. Un hôte ou hôtesse de caisse est toujours présent pour réaliser certaines opérations ou aider les clients. « C’est un poste où nous avons placé en rotation deux de nos salariées atteintes de troubles musculosquelettiques (TMS) et qui sont ravies des conditions de travail que leur offrent les CLS », précise le directeur.

Ainsi, chaque îlot de caisses est aujourd’hui formé de deux postes plutôt spacieux. « Avec cette disposition, les opérateurs de caisse n’ont plus de clients qui passent dans leur dos. C’est une très bonne chose pour leur confort et leur sécurité », estime Mathieu Beaujouan, contrôleur de sécurité à la Carsat Hauts-de-France. « Globalement, nous défendons l’idée qu’en assurant une qualité de service importante à nos clients, nous évitons que des situations conflictuelles apparaissent, ajoute Adrien Detti. Nous sommes convaincus, par exemple, que limiter au maximum le temps d’attente aux caisses permet d’éviter tensions et conflits. » C’est dans cette optique que 90 % du personnel des bureaux est formé à l’usage des caisses : en cas de pic d’activité ou d’un manque ponctuel d’hôtes de caisse, un renfort peut être dépêché rapidement.

Autre élément concourant à une plus grande sérénité des postes de caisses : l’écran plexiglass installé provisoirement pendant la pandémie de Covid-19 a finalement été intégré de façon pérenne. « C’est un bel exemple d’échanges avec nos salariés, note Adrien Detti. En effet, à la fin de la pandémie, nous avons demandé aux agents de caisse s’ils souhaitaient conserver ces plexiglass. La plupart souhaitaient leur disparition, dans l’idée de revenir “à la normale”. Nous avons fait le test sur deux caisses, où les plexiglass ont été enlevés, puis nous avons fait tourner tous nos agents sur ces caisses. Nous les avons réinterrogés ensuite, et finalement la grande majorité s’est prononcée pour les conserver : tous se sont rendu compte qu’outre son rôle sanitaire, le plexiglass permettait d’assurer une distance physique rassurante avec certains clients. »

MOINS D’ARGENT DANS LES COFFRES

Traditionnellement, les recettes de l’hypermarché se divisaient en trois parts égales entre espèces, carte bleue et chèque. Depuis la pandémie de Covid-19, la direction du magasin a pu constater un net recul des paiements en liquide : « De 30-35 % avant 2019, les règlements en espèces représentent aujourd’hui autour de 7 % de l'ensemble de nos paiements, avec un net renforcement des paiements en carte et une persistance des chèques – en raison de notre clientèle plutôt rurale et de nos opérations chèques décalés qui permet de faire ses courses et de payer à une échéance ultérieure. » Un changement qui est apprécié par Adrien Detti : « Moins de liquidités, c’est moins de manutention d’argent et de facto moins de risques pour nos salariés. »

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