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Les violences externes

Ehpad : en parler en équipe permet de désamorcer les tensions

Comme dans toutes les structures de ce type, les salariés de l’Ehpad de la Madeleine, à Bergerac, en Dordogne, sont confrontés aux violences externes, de la part de résidents mais aussi de personnes en lien avec l’établissement. Entretien avec Andrée Servolle, adjointe de direction de l'établissement.

3 minutes de lecture
Delphine Vaudoux - 26/03/2024
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Vue d'ensemble d'un service de transport médicalisé à l'entrée d'un Ehpad

Travail & Sécurité : Comment appréhendez-vous les violences externes ?

Andrée Servolle : En 2015, nous avons créé un groupe de travail, réunissant médecin du travail, salariés, membres du CSE et direction. Nous partions du postulat que pour maintenir dans l’emploi nos salariés, nous devions prendre en compte les risques auxquels ils sont confrontés, et notamment les violences externes. Nous avons commencé par définir les violences externes : physiques, verbales, propos discriminatoires, coups, jets de matériel… tous ces événements ou comportements inadaptés qui émanent des résidents, mais aussi des familles et personnes qui gravitent autour de l’Ehpad... Après deux ans de réflexion, on a rédigé un protocole et un document pour les recenser. À la fin de l’année 2017, on a expérimenté ce document dans trois services. Durant les six premiers mois de 2018, il n’y a pas eu de déclaration. On a sensibilisé à nouveau les professionnels sur le projet, et les premières déclarations nous sont parvenues. Cela nous a permis d’identifier quatre sources de violences externes : les changes et toilettes ; les douleurs lors des soins ; les familles (accusation de vol, remise en question du travail des équipes et accompagnement de fin de vie) ; l’accueil.

REPÈRES

L’Ehpad de la Madeleine est une structure associative qui accueille 237 résidents au sein de laquelle travaillent 160 équivalents temps plein, soit 250 professionnels.

Quelles sont les actions que vous avez menées ?

À chaque remontée de cas de violence, nous nous mettons autour de la table pour en discuter, ça permet de débloquer des situations. Si je prends l’exemple des livreurs qui devaient bloquer la rue pour livrer et s’en prenaient au personnel de l’accueil, un rendez-vous a été pris avec leur patron, ce qui a mené à déplacer le lieu de livraison pour faciliter les opérations de déchargement. Des ambulanciers nous avaient aussi fait part de leur mécontentement, car l’entrée principale n’était pas adaptée à leur activité. Après discussion au sein d’un groupe de travail, on leur a permis d’accéder à l’entrée secondaire et, surtout, nous leur avons donné un plan de l’établissement pour qu’ils puissent se repérer plus facilement. Pour ce qui est des violences émanant des familles, tout est écrit, relevé et remonté à l’encadrement. Nous rencontrons ensuite les familles pour en discuter, mais souvent on doit faire intervenir le directeur, car nous l’avons identifié comme étant le seul interlocuteur reconnu pour leur faire passer certains messages. Nous nous appuyons également sur la psychologue pour désamorcer certaines situations, souvent liées à un sentiment de culpabilité, lié au fait que la famille laisse son proche à une tierce personne. On prend le temps qu’il faut pour cela.  Parallèlement, avec l’aide de la Carsat et de l’association Objectif emploi des travailleurs handicapés (OETH), nous testons la grille Éra Pro (évaluation des risques des aidants professionnels), ce qui permet une approche individualisée. Il s’agit de s’interroger collectivement, en plus du DUERP, sur les TMS et RPS, afin d’identifier les ressources internes et externes à mobiliser. Ainsi, si le résident ne veut pas prendre ses médicaments par exemple, ce qui crée des situations de tension propices à la violence, si on a identifié sa famille comme aidante sur ce sujet, on l’inclut dans notre prise en charge pour que l’on aille dans le même sens, et que ça nous facilite  le travail. C’est un travail collaboratif. Nous avons aussi mis en place un plan de formation qui concerne les situations de violence du résident. Mais les éléments théoriques – la réflexion sur l’organisation du travail, les mots, les gestes à adopter… - sont aussi valables pour les personnes extérieures à l’établissement.

Qu’en est-il de vos réflexions portant sur l’organisation du travail… ?

En plus de la grille Aggir, nous utilisons le Smaf (système de mesure de l’autonomie fonctionnelle qui nous vient du Québec). Cela nous permet d’évaluer précisément le maintien de l’autonomie et d’y associer des ressources si besoin. Cela peut nous amener à faire évoluer l’organisation dans certaines situations identifiées comme pourvoyeuses de violence, par exemple travailler en binôme, ou opter pour une autre façon de procéder, à un horaire qui convient mieux au résident… Si le risque zéro n’existe pas, on a le mérite d’identifier les problématiques et d’essayer d’y apporter des solutions. Identifier, reconnaître un risque et pouvoir en parler en équipe sans jugement permet de désamorcer une situation et d’ouvrir à la réflexion.

NOMBRE DE DÉCLARATIONS

12 en 2018
27 en 2019
40 en 2020
44 en 2021
19 en 2022
14 en 2023.

À noter qu’il y a eu la période de Covid et qu’à partir de 2019, le projet a été élargi à l’ensemble de l’établissement.

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