Ce site est édité par l'INRS
Les violences externes

Gérer les incivilités permet d'éviter les passages à l'acte

Depuis une dizaine d’années, le groupe BPCE déploie un programme de lutte contre les incivilités. Son plan d’actions s’appuie sur les retours d’expériences de ses enseignes. Parmi celles-ci, la Caisse d’Épargne Hauts-de-France s’est révélée être un acteur particulièrement engagé de par sa politique de prévention des violences externes et d’accompagnement de ses salariés en relation avec le public.

5 minutes de lecture
Damien Larroque - 26/03/2024
Lien copié
Vue d'un dispositif d'alerte silencieuse.

Si l’on vous parle de violence et de banque, il y a fort à parier que vous imaginerez des malfaiteurs brandissant des armes à feu et dissimulant leur identité sous des bas nylons. Pourtant, le risque de braquage n’est plus vraiment d’actualité dans le secteur bancaire. « Depuis quatre ans, nous ne subissons plus ce type d’agression, affirme Dominique Colson, responsable projets sécurité du groupe BPCE, qui réunit les Banques populaires, les Caisses d’Épargne et leurs filiales. Cela s’explique par le fait qu’il n’y a plus de manipulation d’argent en agence. Nous avons ainsi pu reprioriser nos objectifs de prévention et nous concentrer sur les violences subies par les collaborateurs. »

Derrière ce terme générique se cachent des comportements allant de l’insulte à l’agression physique en passant par l’injure discriminatoire ou sexiste, la menace, le harcèlement et l’atteinte aux biens. « Notre métier consiste à gérer l’argent de nos clients. Ce n’est pas anodin. En cas d’incompréhension ou de difficulté, cela peut facilement dégénérer », constate Marie Casier, directrice d’une agence Caisse d’Épargne à Villeneuve-d’Ascq, dans le Nord.

Un programme de gestion des incivilités commun à tout le groupe est en cours de déploiement. « Il a pour objectif d’optimiser et d’homogénéiser les pratiques de prévention, d’accompagnement des victimes et d’analyse et de suivi des événements, explique Dominique Colson. Une formation innovante, un guide managérial de bonnes pratiques, un logiciel de déclaration, un bouton d’alerte numérique et un accompagnement juridique ont été conçus en s’appuyant sur les meilleures pratiques mises en œuvre par les acteurs de terrain. » « Nous travaillons sur le sujet depuis dix ans », confirme François Duverger, responsable de la prévention des risques professionnels à la Caisse d’Épargne Hauts-de-France.

LES INCIVILITÉS DANS LE GROUPE BPCE

  • 100 000 salariés – 8 000 agences bancaires – 35 millions de clients
  • 6 333 déclarations d’incivilités en 2022
  • 77 % ont eu lieu en agence
  • 69 % d’agressions verbales, 5 % d’agressions physiques
  • 54 % des victimes sont des chargés de clientèle.

Et cela commence dès le jour d'arrivée dans l'entreprise. « Lors de son parcours de formation, chaque nouvel embauché apprend à décoder les signes annonciateurs d’énervement et à adapter son attitude pour faire retomber la tension. » Afin de rendre cet apprentissage plus efficace, le groupe BPCE développe une formation immersive, en réalité virtuelle, qui plonge les stagiaires dans des scénarios d’incivilités où ils tiennent les rôles de la victime, d’un témoin et d’un manager amené à intervenir ou à débriefer l’événement. « Le discours et le comportement adoptés par les stagiaires face au fauteur de trouble sont validés ou corrigés au fur et à mesure de l’avancement de la saynète, indique Dominique Colson. S’ensuit un débrief avec les formateurs et les autres participants. » « Je n’ai pas encore bénéficié de cette nouvelle formule, mais le stage que j’ai suivi m’a déja permis d’acquérir des réflexes, comme ne pas nier le problème du client, ne pas l’empêcher de s’exprimer ou ne pas me mettre à crier à mon tour », raconte Julien Dens, chargé de clientèle.

Faire remonter les comportements inadaptés

Lorsque l’approche psychologique ne donne pas de résultat, les dispositifs d’alerte restent nécessaires. Tous les bureaux de l’agence de Villeneuve-d’Ascq sont équipés de boutons qui établissent une connexion avec un centre de télésurveillance. En fonction de la situation, celui-ci demande à un collègue d’intervenir ou appelle directement la police. À l’accueil et dans le bureau de la directrice, des tablettes tactiles retransmettent les images des caméras. Elles disposent aussi d’un bouton « incivilités » qui, en plus de prévenir le service de télésurveillance, allume deux écrans visibles de tous, mettant les individus face à leurs agissements. Ce qui suffit parfois à désamorcer la situation.

L’AGENCE 505 À LA RESCOUSSE

Pour protéger ses salariés d’une éventuelle récidive, voire d’un passage à l’acte violent, la Caisse d’Épargne Hauts-de-France a créé l’agence 505. Derrière ce nom de code, deux salariés rendus anonymes par l’utilisation de pseudonymes, les très neutres et passe-partout Claude Buyon et Camille Dufour. Leur mission au sein de cet établissement virtuel consiste à gérer les clients auteurs de violences graves ou répétées. Les échanges ne se font qu’à distance, par téléphone, mail ou courrier. Pour ce qui est des cas les moins graves, comme une insulte ou des cris, la banque, via l’agence 505, avertit les fauteurs de trouble qu’en cas de récidive, elle se réserve le droit de porter plainte et de rompre la relation commerciale. Si les faits sont sérieux (menace, injure discriminatoire et sexiste, atteinte au bien, violence physique, menace de mort, chantage ou harcèlement), une procédure de rupture de la relation commerciale est engagée immédiatement.

« Quel que soit leur niveau, nous encourageons la remontée des incivilités par le biais d’un logiciel de déclaration depuis 2013. Il a servi de modèle à celui que propose aujourd’hui le groupe, indique François Duverger. Le rapport qu’il génère peut conduire à assigner un agent de surveillance à l’agence ou à la fermeture provisoire de cette dernière. » Ce logiciel tient des statistiques, compile les récits d’incivilités ainsi que le ressenti des victimes pour améliorer la prévention par le biais de l’analyse des causes. C’est aussi un outil précieux de suivi.

Vue de deux collaborateurs du groupe BPCE en situation de travail.

En effet, le département sécurité prend contact avec les salariés dans les 48 heures, voire dans l’heure lorsque l’événement est grave, pour les soutenir et leur prodiguer des conseils, comme avoir recours à l’assistance psychologique gratuite (7 j/7 et 24 h/24) ou à l’accompagnement juridique. Ce dernier dispositif, mis en œuvre depuis mai 2023 par la Caisse d’Épargne Hauts-de-France, a été pensé dans le cadre du programme de gestion des incivilités du groupe BPCE. « Que ce soit par manque de temps, parce que l’on considère que ce n’est pas si grave ou par peur des représailles, porter plainte n’est pas une évidence. Il est donc primordial de sensibiliser nos collègues à l’importance de cette démarche à la fois pour eux-mêmes et pour éviter une récidive », indique Marie Casier. « Nous travaillons avec notre avocat sur une fiche synthétique qui explique la teneur de l’accompagnement juridique pour informer nos salariés victimes d’incivilités graves », ajoute François Duverger.

Toutes ces bonnes pratiques ont été compilées dans le guide destiné aux managers. « C’est rassurant d’être formé, d’avoir ces dispositifs d’alarme et de savoir que l’on sera soutenu en cas de problème avec un client », confie Julien Dens. Prochaine étape dans la démarche de prévention du groupe bancaire : améliorer la prise en compte des incivilités sur les réseaux sociaux.

PETITES INCIVILITÉS, GROS DÉGÂTS

Outre le suivi et l’analyse des violences externes pour engager des mesures organisationnelles de prévention, les logiciels de déclarations d’incivilités permettent de détecter un salarié en difficulté. Lorsque celui-ci exprime un niveau de ressenti fort au regard d’une incivilité considérée comme bénigne, le manager ou le département sécurité se rapproche du salarié. « Il n’y a pas que les agressions qui marquent psychologiquement. L’accumulation de petites contrariétés peut finir en grand mal-être, précise Marie Casier, directrice d’une agence Caisse d’Épargne à Villeneuve-d’Ascq. Même en tant que témoin, il peut y avoir des répercussions, comme cette collègue qui n’a pas été directement prise à partie, mais qui a craqué et a dû être arrêtée temporairement par un médecin. »

Partager L'article
Lien copié
Les articles du dossier
Les violences externes

En savoir plus