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Outillage

Changer les process pour faciliter la production

Avec leur couleur orange, les outils destinés aux électriciens se repèrent facilement. Sibille Outillage est spécialisée dans leur fabrication et a entrepris des changements importants de process avec l’aide de la Carsat Rhône-Alpes. Objectif : faciliter leur fabrication et leur recyclage.

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Delphine Vaudoux - 01/09/2022
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Un opérateur réalise une opération de cryogénie consistant à récupérer les « loupés » de fabrication

Au détour du chemin des chèvres, à Malataverne, dans la Drôme, se trouve l’entreprise Sibille Outillage. « Il n’y a plus beaucoup de chèvres, mais nous apprécions d’être dans ce cadre, explique le dirigeant, Carlos Gonzalez. Parfois, pour nous donner un peu de contenance, j’ajoute à l’adresse le terme de zone industrielle. » Au milieu de la garrigue, cette entreprise fabrique de l’outillage à main destiné aux électriciens. Si la sécurité des utilisateurs est bien entendu au cœur des préoccupations de l’entreprise, celle de ses 26 salariés l’est tout autant. Pour ce faire, le dirigeant n’a pas hésité à moderniser son outil de travail, quitte à tester de nouveaux procédés.

Avec ses 550 pages, le catalogue de la division Novarc Safety dont fait partie Sibille Outillage est pour le moins étoffé, et Carlos Gonzalez est intarissable sur les 172 pages qui présentent les 3 000 références du site drômois : « Nous vendons des outils à main pour les techniciens qui travaillent sous tension, répondant à la norme CEI 60-900. Nos clients sont des grands groupes comme Enedis, Spie, Eiffage, Bouygues, Cegelec… pour n’en citer que quelques-uns. » Cette entreprise propose cinq types d’outils : clés à molette, pinces, coupe-câbles, clés et tournevis. Chaque année, 500 000 outils sortent de ses lignes de fabrication.

Les forges – les pièces métalliques de l’outil – sont achetées toutes faites et déjà montées. Livrées dans des caisses, elles proviennent de France ou d’autres pays européens essentiellement. Il est parfois nécessaire de les dégraisser et d’appliquer des primaires pour que le PVC adhère plus facilement. Un travail réalisé sous une hotte et devant un dosseret aspirants. Les éléments sont ensuite accrochés à des cadres pour subir les opérations de trempage destinées à déposer le PVC isolant. « Avant, cette opération était réalisée à la main. On portait les cadres et on les trempait. Chaque cadre pouvait peser jusqu’à 24 kg, un opérateur en manipulait plusieurs dizaines par jour », se remémore le dirigeant.

Il y a trois ans, un vaste projet a vu le jour et a abouti à la création d’une ligne de trempage, une des plus grandes d’Europe, avec l’aide technique et financière de la Carsat Rhône-Alpes. Les cadres sont désormais posés sur des supports à roulettes, pour les apporter jusqu’au robot, avec l’aide d’un gerbeur. « Cela fait près de 25 ans que je suis dans l’entreprise, explique Sandy Goutey, qui travaille à la production. Ces aides et le robot soulagent nettement, le travail s’en trouve facilité. » Le robot prend en charge chaque cadre en début de ligne, puis l’avance sur la ligne de trempage qui est protégée par un grillage et des barrières immatérielles à l’entrée et à la sortie.

À la ligne de trempage, un robot prend en charge les cadres sur lesquels sont accrochés les outils

Il procède ensuite au nombre de trempages nécessaires (qui peuvent aller jusqu’à sept couches), en alternant avec des passages en étuves pour effectuer des polymérisations. C’est sûr, les opérateurs portent beaucoup moins. « La différence est très nette, remarque Philippe Morand, contrôleur de sécurité à la Carsat RhôneAlpes. Ce changement de process va dans le bon sens et a permis à l’entreprise de féminiser certains nouveaux postes. » Juste à côté, au contrôle qualité, Claire Bourdon, intérimaire, scrute chaque outil sortant du trempage pour ne retenir que ceux qui sont sans défaut. Elle ne tarit pas d’éloges sur le nouvel emploi qu’elle occupe depuis quelques mois : « Ici, on prend soin des salariés, il y a une vraie vigilance de chaque instant pour que l’on ne se fasse pas mal. »

Les opérations de cryogénie

Lorsque les outils présentent des défauts – que seul un œil aguerri détecte –, ils partent dans un nouveau cycle au sein de l’entreprise. L’acétone était auparavant utilisé pour les débarrasser du PVC, par trempage. L’objectif étant de récupérer la forge et de refaire la partie isolante. « Bien qu’autorisé par la réglementation, remarque le dirigeant, le traitement à l’acétone, solvant très puissant, présentait des risques pour l’homme (NDLR : atteinte du système nerveux, irritation des muqueuses, dermatite de contact, ou encore risque d’incendie). Nous avons cherché un autre procédé industriel. »

Une ingénieure alors en charge du développement chez Sibille Outillage propose d’essayer l’azote liquide et travaille plusieurs années sur le sujet. « Nous avons contacté la Carsat pour qu’elle nous accompagne sur la prévention liée à ce nouveau process », poursuit Carlos Gonzalez. « Nous sommes intervenus avec Stéphane Alonso, contrôleur de sécurité au laboratoire interrégional de chimie de la Carsat, complète Philippe Morand. Le risque étant que de l’azote se répande dans les locaux, Stéphane Alonso a réalisé des calculs pour évaluer le taux d’oxygène dans l’atelier où a lieu la cryogénie et proposer des actions préventives. »

L’opération de cryogénie consiste à récupérer les « loupés » de fabrication (des outils comprenant la forge revêtue du PVC) et à les tremper 30 secondes dans de l’azote liquide, à - 196 °C. L’opérateur, Jérémy Legrand, travaille sous une hotte aspirante et est protégé des brûlures et éclaboussures par des gants et un écran facial. « Compte tenu des volumes, on ne peut, théoriquement, pas être en hypoxie, remarque Philippe Morand. Pour alerter l’opérateur au cas où, Stéphane Alonso a préconisé l’installation d’un détecteur qui se déclenche si le taux d’oxygène passe sous les 19 % dans l’air. » « C’est un détecteur qui se déclenche sous forme d’alerte visuelle et sonore », précise Oumnia Zekkara, responsable QSE.

Une fois trempée dans l’azote liquide, la pièce est récupérée par l’opérateur à l’aide d’une pince. Il la dépose dans une boîte à gants et tape avec un marteau pour désolidariser le PVC de la forge. Une opération qui se fait sans trop d’efforts, mais pour laquelle Philippe Morand a proposé des aménagements pour travailler à la bonne hauteur et limiter le bruit, notamment. « C’est tout nouveau, on améliore le poste au fur et à mesure, tout en réfléchissant aussi à mécaniser la frappe », remarque Carlos Gonzalez.

30 secondes de trempage dans l’azote liquide permettent de séparer le PVC de la forge, contre 10 jours dans l’acétone.

Autre point positif du traitement à l’azote liquide : le PVC est récupérable, ce qui n’était pas le cas avec l’acétone, de même que la forge qui ne perd qu’1 % de dureté. Pour réutiliser facilement le PVC, Sibille Outillage a créé une nouvelle gamme de produits monomatières orange. Parallèlement, l’entreprise a remporté un appel d’offres pour réaliser des « objets avec une orientation RSE », à savoir des lests de cônes de signalisation, en PA (polyamide ou nylon) noir, qui peuvent donc être fabriqués à partir de matière recyclée.

Pour aller plus loin et s’inscrire dans la nouvelle loi Agec, l’entreprise – qui garantit à vie ses forges de la gamme Premium – met depuis peu à disposition de ses clients des bacs sécurisés pour qu’ils y déposent leurs outils en fin de vie, en dehors de cette gamme. Avec pour objectif de les récupérer, et de leur faire subir un passage dans l’azote liquide, puis un nouveau trempage afin de les remettre sur le marché. La boucle est bouclée.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Sibille Outillage (groupe Novarc)
Activité : fabrication d’outillage à main destiné aux électriciens
Lieu : Malataverne (Drôme)
Effectif : 26 personnes

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