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Brasserie

La passion du brassage se vit avec raison

Avant la crise sanitaire, Brasserie Licorne produisait chaque année près de 900 000 hectolitres de bière. Si son dirigeant s’emploie à retrouver ce niveau de production, il n’en oublie pas pour autant les conditions de travail de ses salariés.

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Delphine Vaudoux - 01/09/2022
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Le limonadier monte une palette constituée de sacs de 22 kg chacun grâce à un transpalette gerbeur

« Tous ceux qui aiment la bière sont invités à venir participer à la réunion que l’on organise une fois par an pour trouver de nouveaux parfums, tester de nouvelles tendances… Je prône l’intra-entreprenariat pour impliquer chacun », relate Fabrice Schnell, directeur technique et directeur général de Brasserie Licorne. Car la bière, ici, à Saverne, dans le Bas-Rhin, le directeur général l’assure, c’est une affaire de passionnés avant tout. Une passion qui s’accompagne d’une réflexion sans cesse renouvelée sur les conditions de travail.

La brasserie existe depuis 1845. Autrefois en centre-ville de Saverne, elle s’installe en 1900 sur son site actuel, un peu à l’extérieur de la ville. Jusqu’en 2007, elle porte le nom de Brasserie de Saverne, année où elle devient Brasserie Licorne, emblème de la ville de Saverne. « Une licorne aurait trempé sa corne dans la fontaine de Saverne, la rendant particulièrement pure », raconte le directeur général. Depuis 1989, la brasserie fait partie du groupe allemand Karlsberg. Elle compte 189 « éleveuses et éleveurs de licornes » – autrement dit 189 salariés – et produit chaque année 900 000 hl, vendus à 75 % sous des marques de distributeurs et à 25 % sous la marque Licorne.

Brasserie Licorne dispose de trois lignes de production sur lesquelles défilent bouteilles, boîtes (canettes) ou fûts (en métal ou en PET). Une extension à côté de la salle de brassage – pour accueillir une unité de récupération d’énergie – a été réalisée en 2019, ce qui a libéré de l’espace. « Nous en avons profité pour réorganiser l’atelier de maintenance qui comprend une dizaine de personnes, explique Amandine Monnerie, responsable hygiène, sécurité, environnement (HSE). Nous avons ainsi isolé les opérations nécessitant de la soudure, du meulage ou de la découpe, afin de limiter les expositions du personnel aux poussières, au bruit ou aux fumées. Aujourd’hui, un travail fastidieux d’identification des pièces de maintenance, qui vont être gérées informatiquement, est en cours pour achever cette réorganisation. »

La ligne des fûts en PET a été créée en 2009. Au début, c’étaient les opérateurs qui l’alimentaient et récupéraient les fûts pleins afin de les palettiser. En 2014, une pince robot a été installée pour soulager la manutention de ces fûts. La production de cette ligne étant devenue plus conséquente et une nouvelle ligne en inox devant être installée à proximité, une réflexion a été menée pour soulager les opérateurs. « En fin de ligne, le fût en PET contient 30 l de bière, ce qui représente environ 32 kg », explique Amandine Monnerie. Un robot prend désormais le relais pour retourner les fûts en PET ou en métal et constituer la palette qui sera ensuite filmée automatiquement.

« Cela fait partie d’une réflexion plus large menée sur la pénibilité, sur de nombreux postes, avec l’aide d’un ergonome extérieur », remarque Gaëlle Florence, contrôleuse de sécurité à la Carsat Alsace-Moselle. La nouvelle ligne de fûts va d’ailleurs permettre de travailler différemment, avec moins de contraintes. Fini le 4 x 8 actuel, selon le rythme de 2 jours de travail le matin, 2 jours l’après-midi, 2 jours de nuit et enfin 2 jours de repos, et ce du dimanche 21 h au dimanche suivant 5 h. La nouvelle organisation se fera sur un rythme d’un 3 x 8 hebdomadaire, à savoir une semaine le matin, puis une semaine la nuit, pour terminer par une semaine l’après-midi, en laissant aux opérateurs tous les week-ends libres. « On va ajouter des tanks de bière de plus grande capacité, qui nécessiteront moins de changements, moins de remplissages, donc moins de montées, de manipulations de tuyaux ou encore de nettoyage », insiste Amandine Monnerie.

À la limonaderie où sont fabriqués les panachés et autres boissons gazeuses, les manipulations sont également nombreuses. Hugo Meyer, limonadier, alimente les cuves, hautes de 2,5 mètres, en acide citrique ou ascorbique : il monte la palette de sacs de 22 kg à la bonne hauteur, tout en accédant à la cuve à l’aide d’une plate-forme individuelle roulante légère (Pirl) XXL. Une Pirl amovible facilite les opérations de nettoyage. « Le système pour monter les sacs ou les bidons supprime une grande partie des manutentions. Reste cependant un dernier port pour verser les ingrédients dans la cuve qu’il faudrait réussir à supprimer », remarque Gaëlle Florence, tout en suggérant des solutions comme un préhenseur ou l’utilisation d’une pompe. « Pour certains produits, nous cherchons d’autres types de contenants, mais ça n’est pas toujours possible », insiste Amandine Monnerie.

Moins d'exposition au risque chimique

Côté produits chimiques, pas moins de 300 d’entre eux ont été recensés grâce au logiciel Seirich, un travail fastidieux mais nécessaire. « Il a notamment permis d’identifier et de substituer un produit CMR », remarque la responsable HSE. Le nettoyage est particulièrement concerné. Lors des fréquentes opérations de lavage, de nombreux produits chimiques sont utilisés. Un travail de fond a été lancé pour trouver de nouveaux produits de nettoyage moins dangereux, mais également pour limiter les quantités utilisées. C’est chose faite, avec un changement de fournisseur, la suppression de l’utilisation de l’EDTA (acide éthylènediaminetétracétique) et la formation des opérateurs à de nouvelles procédures de nettoyage. Les cuves d’acide et de soude, utilisés pour le nettoyage des fûts, ont été déplacées en dehors des zones de travail afin de limiter les expositions.

UN LABO TOUT NEUF

Le laboratoire d'analyses physicochimiques et bactériennes a été entièrement rénové. Désormais, il bénéficie de la lumière naturelle et d'un sol antifatigue réalisé en dalles vinyle. Les paillasses ont été refaites et un îlot central très pratique a été créé.

Des enquêtes sont aussi régulièrement réalisées auprès des salariés pour connaître leurs attentes. À la filtration, une étude ergonomique est en cours pour soulager l’opération d’alimentation des cuves en terre de diatomées. Mohsen Zahi, filtreur, doit en effet verser toutes les deux heures environ des sacs de terre de diatomées de 22 kg pour assurer une filtration de qualité. « Ils sont lourds, c’est physique, explique-t-il. Surtout qu’il faut que je traverse la pièce en les portant, car il y a une petite marche à l’entrée. » Dans quelques mois, une solution devrait être trouvée pour le soulager.

38 % de baisse du taux de cotisation AT-MP en 3 ans.

« C’est une brasserie dont les indicateurs sont en amélioration depuis plusieurs années et qui cherche toujours à progresser », remarque Gaëlle Florence. Une baisse de la sinistralité qui a pour conséquence une réduction de son taux de cotisation AT-MP. Ces améliorations ne concernent pas que les conditions de travail. Ces derniers mois, en effet, la brasserie s’est investie sur les problématiques de RSE, en cherchant notamment à réduire ses consommations énergétiques et d’eau, ou en faisant appel à des fournisseurs locaux.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Brasserie Licorne
Activité : production de bière en bouteilles (130 000 000), canettes (80 000 000) ou fûts (850 000), vendue à 75 % sous des marques de distributeurs, et à 25 % sous ses propres marques
Lieu : Saverne (Bas-Rhin)
Effectif : 189 éleveuses et éleveurs de licornes
Chiffre d’affaires : 100 millions d’euros (avant Covid)

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