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Le réemploi des déchets de production

Récupérer poussières et copeaux de bois pour se chauffer

La menuiserie Delalleau fait l’objet depuis deux ans d’une modernisation de son outil de production tout en améliorant les conditions de travail à tous les postes. Cela inclut une prise en compte en interne de la gestion des déchets de production.

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Céline Ravallec - 14/02/2023
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Un salarié de la menuiserie utilise une machine à découpe.

L’entreprise Delalleau est installée depuis 2020 dans la commune d’Aix-Noulette, en périphérie de Lens, dans un ancien entrepôt logistique. Le voisinage immédiat de corons, ces quartiers d’habitations ouvrières typiques, confirme que nous sommes dans l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. L’entreprise, spécialisée dans la construction d’escaliers architecturaux sur mesure en bois et en acier, a été reprise en 2016 par l’actuel gérant, Antoine Breux.

« Nous avons emménagé ici en grande partie pour améliorer la sécurité du personnel, qui n’était plus suffisamment assurée dans l’ancien atelier, relate-t-il. À l’époque, le local de 500 m2 dans lequel travaillaient cinq salariés était en zone inondable, l’outil de production n’avait pas été modernisé, il n’y avait pas de bennes de tri, les livraisons se faisaient à même le trottoir, les copeaux étaient stockés dans un silo positionné à l’intérieur de l’atelier et le béton par endroits était fissuré. » L’espace de travail était également très exigu pour les cinq salariés d’alors. Les conditions de travail exigeaient des améliorations rapides : « Ça ne collait pas avec ma conception de l’entreprise, j’avais envie d’offrir un cadre de travail agréable », poursuit le gérant.

12 m3 de déchets de bois sont récupérés chaque mois. Les chutes les plus volumineuses, qui ne peuvent être aspirées par le système centralisé, passent dans un broyeur.

Le déménagement a été l’occasion de tout repenser dans l’entreprise : achat d’un nouveau parc machines, aménagement de l’espace de travail, réorganisation des tâches, des flux… et gestion des déchets de production. Jusqu’alors, les déchets – principalement des copeaux de bois – étaient revendus à une entreprise qui les prenait en charge pour les déposer en déchèterie. En mettant dans la balance le volume de copeaux et de poussières de bois généré quotidiennement d’un côté et, de l’autre, le besoin de chauffer son atelier, Antoine Breux a décidé d’opter pour une valorisation en interne de ses déchets de production.

Environnement et sécurité, un couple incertain

L’installation sur le nouveau site s’est faite courant 2020, en pleine pandémie de Covid-19. Elle a fait l’objet d’un accompagnement technique et financier par la Carsat Hauts-de-France. Le parc machines a été modernisé. Parallèlement, la question des poussières de bois dans l’environnement a été prise en compte pour garantir une bonne qualité de l’air intérieur. Une aspiration centralisée a été mise en place, à laquelle chaque machine est raccordée. L’installation a volontairement été surdimensionnée sur les centres d’usinage, qui génèrent de gros volumes de copeaux. Le réseau converge vers un silo positionné à l’extérieur du local, où sont stockées toutes les poussières et particules fines de bois. « Le recyclage d’air est fortement déconseillé en présence de CMR. On recommande de renouveler l’air intérieur avec apport d’air extérieur », souligne Laurent Trébuchet, contrôleur de sécurité à la Carsat Hauts-de-France.

16 000m3/h, c'est le débit d'air moyen, qui permet de renouveler le volume d'air (aspiration des copeaux par la centrale d'aspiration + aspiration de la cabine de peinture). L'aspiration d'air se fait toujours à la même vitesse, garantissant ainsi une circulation d'air constante dans le bâtiment.

Mais, comme le constate Antoine Breux, « il est parfois difficile de faire de l’environnement et de la sécurité conjointement. Par exemple, nous pouvions opter pour installer des filtres, mais ceux-ci s’avèrent impropres vis-à-vis du risque incendie et de la qualité de l’air dans le bâtiment. Donc nous avons suivi les consignes : pas de recyclage ! » C’est ainsi que l’entreprise a fait le choix d’un apport d’air extérieur : en une heure, le volume d’air du hall principal d’une superficie de 1 500 m2 est intégralement renouvelé.

Pour organiser la gestion des déchets, il a fallu s’orienter vers de nouvelles machines. « Nous devions trouver un système adapté, qui nous évite d’avoir de trop gros volumes de copeaux et de poussières à stocker, poursuit Antoine Breux. Car si le volume stocké augmentait trop, nous allions être classés en tant qu’ICPE (NDLR : Installations classées protection de l’environnement), avec de nouvelles contraintes réglementaires. » Le gérant a pris le parti de compacter les copeaux, avec une presse à briquettes. Il trouve alors un modèle de presse en Allemagne.

Une nouvelle chaudière, fiable et efficace

En parallèle, il identifie en Italie un modèle de chaudière pour les brûler. « Il était parfaitement adapté à nos besoins, mais ça n’a pas été simple, commente-t-il. Beaucoup de modèles présentaient des solutions trop techniques, donc trop chères. Le modèle italien s’est avéré la seule solution automatique avec échangeur simple d’air chaud. Sa technologie est très fiable : pas de carte électronique complexe, une simple tablette pour piloter à distance. Je peux activer la chaudière depuis mon domicile pour que les ateliers soient suffisamment chauds à l’arrivée des salariés. »

Son installation effective a eu lieu en 2021. Depuis, le dispositif apporte satisfaction à tout le monde et est bien adopté par les équipes. « Au début, il y a eu quelques remarques après l’installation. Mais aujourd’hui, ça ne fait plus l’objet d’un seul commentaire », se satisfait le gérant. Une vis sans fin alimente depuis la presse, en continu, la chaudière, qui peut consumer jusqu’à 1 m3 par jour. Au quotidien, elle demande peu d’entretien, si ce n’est d’être vidée de ses cendres et ramonée régulièrement. « La dernière fois que j’ai vidé les cendres du four, c’était il y a plus de quinze jours », commente Maxime Vandal, débiteur qui s’occupe de l’installation.

Un salarié se tient à côté de la chaudière de l'entreprise.
19 salariés, dont 15 CDI et apprentis, sont aujourd'hui employés par l'entreprise Delalleau. L'activité a pu se développer grâce à la modernisation de l'outil de production et des conditions de travail.

Au total, près de 30 % de l’ensemble du projet d’emménagement ont été financés par la Carsat dans le cadre d’un contrat de prévention. « Les conditions se sont vraiment améliorées, il y a moins de poussières dans l’atelier, observe Ludovic Dumetz, chef d’atelier, qui a connu le précédent site. Avant, l’atelier et les machines étaient envahis de copeaux, ce n’est désormais plus le cas. Avoir des trappes automatiques sur le réseau d’aspiration, c’est super aussi. Avant, elles étaient manuelles et restaient le plus souvent ouvertes. S’il n’y avait pas eu tous ces aménagements, on n’existerait peut-être plus. »

Et le gérant ne va pas s’arrêter là. De prochains chantiers sont déjà prévus, à commencer par l’installation d’un déstratificateur pour abaisser l’air chaud vers le sol. La rénovation de la toiture sera également l’occasion d’augmenter l’apport de lumière naturelle pour un meilleur confort. Des marquages au sol seront effectués en tenant compte des pratiques dans l’espace de travail.

POURSUIVRE LA VALORISATION

L’entreprise Delalleau mène également des recherches pour la mise en place d’un cycle de valorisation de déchets issus d’autres produits, et à travers d’autres circuits. « Nous déposons un à deux escaliers par jour en moyenne, explique Antoine Breux, gérant de l’entreprise. Les anciens modèles sont encore parfois en bon état, mais ils comportent des vernis, des résines ou des colles non compatibles avec des systèmes de compactage. Nous menons des études pour établir des partenariats avec des entreprises de valorisation sur ces sujets. »

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