Le prochain rendez-vous a été signalé sur leur application mobile. Charlotte Nicolle et Sylvain Morel doivent se rendre à la Clinique du Chalonnais, d’où ils transporteront un patient pour sa dialyse au centre hospitalier William-Morey de Chalon-sur-Saône. « On le connaît bien. Vous verrez, il va réclamer le nouveau brancard. Il ne peut plus s’en passer », nous préviennent les ambulanciers.
Ça tombe bien : aujourd’hui, le binôme utilise l’ambulance bariatrique, c’est-à-dire adaptée aux personnes souffrant d’obésité ou dont la corpulence rend difficile voire impossible le transport avec des équipements classiques. Implantées à Dracy-le-Fort, en Saône-et-Loire, les ambulances La Savoyarde, spécialisées dans le transport sanitaire, ont investi dans ce véhicule durant l’été 2022. Il est équipé d’un brancard motorisé pouvant supporter jusqu’à 318 kg et coulissant vers l’extérieur sur un rail avant que les professionnels ne commandent la descente des roues. La manipulation nécessite simplement de stationner sur un sol régulier.
Dans le véhicule est également embarquée une chaise portoir motorisée pouvant accueillir 250 kg. Car le transport bariatrique ne s’improvise pas. Ni pour le patient, ni pour les ambulanciers. Il peut en effet imposer des manutentions plus contraignantes et occasionner une dégradation du matériel et donc augmenter le risque d’accident ou la survenue de troubles musculosquelettiques (TMS).
« Nous transportons de plus en plus de personnes en surcharge pondérale, constate Béatrice Prudent, cogérante de La Savoyarde. Je connais les réalités du métier. Je l’ai moi-même exercé pendant des années. Cette évolution nous a conduits à acheter une ambulance bariatrique – un investissement de 150 000 euros – et à équiper tous nos véhicules d’une chaise motorisée, en complément de la chaise classique. »
Des transferts de patients en toute sécurité
L’entreprise a pour cela bénéficié d’un contrat de prévention signé avec la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. Au préalable, une étude ergonomique, au cours de laquelle le personnel a été interrogé sur les conditions réelles de travail, a été réalisée avec le service de prévention et de santé au travail interprofessionnel en Saône-et-Loire. Elle a permis d’identifier des facteurs de risque à l’origine de TMS lors des transferts.
« Dans tout le département, il n’y a que quatre ambulances bariatriques. On sent bien malgré tout, quand on l’évoque lors des recrutements, que la réduction de la charge physique est une préoccupation majeure, témoigne Sylvie Aellig, la responsable d’exploitation. À l’hôpital, on parle de transport bariatrique au-delà de 150 kg. Mais il n’existe pas de définition précise, et la corpulence est également à prendre en compte. Le transfert de patients de 80 à 100 kg est parfois déjà complexe. »
« Le brancard est confortable et enveloppant, livre le patient en sortie de dialyse alors que l’équipage est revenu le prendre en charge. C’est d’autant plus important lorsque l’on est déjà physiquement très fatigué. » Pour le transfert du lit au brancard, les ambulanciers utilisent un drap de glisse. « Les brancards classiques ne se règlent que sur deux positions. Avec celui-ci, je peux adapter la hauteur au plus juste. Moi qui suis grande, je n’ai plus à me courber. Le patient se sent en sécurité, donc le pari est gagné », complète Charlotte Nicolle. « Dans ces métiers difficiles et à dominante humaine, travailler sur la réduction des contraintes physiques va permettre de diminuer la charge mentale, dont on sait qu’elle peut favoriser la survenue des TMS », ajoute Mathieu Sivignon, contrôleur de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté.
Essayer le matériel avant achat
Avant l’achat, le fabricant est venu sur site faire la démonstration du matériel. Les équipes de La Savoyarde ont été formées à son utilisation. Grâce à l’étude ergonomique, il avait été démontré que le déplacement de personnes sur une chaise de transfert lors du passage d’escaliers constituait souvent une situation à risques. « La combinaison brancard motorisé et chaise à chenille enlève une grosse partie du problème de port de charges, estime Sylvain Morel. C’est vrai que l’on n’utilise pas systématiquement cette chaise, qui fait quand même 25 kg. D’autant qu’une chaise classique est disponible dans chaque véhicule. »
Le système de chenille avec assistance électrique permet de monter et descendre les escaliers sans effort de traction. « Avec les personnes en surpoids, ça nous facilite grandement la tâche, poursuit l’ambulancier. Il s’adapte même aux escaliers en colimaçon. » Un de ses collègues en fin de carrière ne pourrait même plus s’en passer. « Certains patients sont parfois impressionnés car ils se retrouvent presque à l’horizontale. Mais l’absence de rebord et le bon maintien assuré par un dispositif de sangles sont appréciés en termes de confort et de sécurité », complète Charlotte Nicolle.
L’équipe prend la direction d’un Ehpad. Une résidente doit être transportée à l’hôpital pour un rendez-vous. « C’est une dame assez large. Avec un brancard classique, il n’est pas possible de fermer les barrières, si bien que deux entreprises d’ambulances ont refusé de la prendre en charge. Elle est très stressée », nous explique Charlotte Nicolle. Une fois sur le brancard, la patiente ne lui lâche pas la main. « Ne vous inquiétez pas. Je vous récupère après la consultation », rassure l’ambulancière, pour qui disposer du matériel adéquat est essentiel pour une prise en charge optimale et une bonne tranquillité d’esprit. Elle évoque le transfert récent d’une patiente de 300 kg et d’autres situations exceptionnelles devant lesquelles les ambulanciers constatent que les services d’urgences ou même les hôpitaux sont loin d’être tous équipés. « De cette façon, je pourrais envisager de faire ce métier jusqu’à la retraite. Je n’aurais pas forcément dit ça avant », reconnaît la professionnelle.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : ambulances La Savoyarde
Lieu : Dracy-le-Fort (Saône-et-Loire)
Activité : tout type de transports sanitaires. L’établissement dispose de cinq ambulances dont une équipée pour le transport bariatrique, de véhicules sanitaires légers et taxis conventionnés.
Effectif : 22 personnes au total – 18 chauffeurs (ambulanciers et un conducteur de taxi) et 4 personnes à l’administratif.