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Le secteur agroalimentaire

Améliorer les conditions de travail grâce aux retours d'expérience

Cycloponics est spécialisée dans la transformation de sous-sols urbains en exploitations agricoles. En transplantant des métiers traditionnellement ruraux dans un nouvel environnement, l’entreprise a dû en adapter les techniques de culture mais aussi s’interroger sur les conditions de travail de ses équipes. Visite de La Caverne, sa première implantation située dans un ancien parking souterrain de la capitale.

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Damien Larroque - 07/11/2022
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Production d'endives par Cycloponics dans un sous-sol urbain

Ces dernières années, la volonté de réintroduire la nature dans la cité, conjuguée à l’appétence des consommateurs pour la production locale, a abouti à l’implantation d’activités agricoles dans nos villes. Des potagers font irruption sur les terrains autrefois vagues qui séparent les immeubles et, sur les toits des immeubles, des abeilles vrombissent autour des ruches… Créée en 2017, Cycloponics s’inscrit dans ce mouvement en transformant des sous-sols inutilisés en lieux de production d’endives, de champignons et de micropousses bios.

L’entreprise, qui a commencé par expérimenter ses procédés de culture pendant six mois dans un bunker strasbourgeois, exploite aujourd’hui deux sites à Bordeaux et deux autres à Paris où une troisième implantation est en gestation. « Nous faisons partie des pionniers de l’agriculture en milieu urbain, qui nécessite de réinventer les pratiques agraires pour les adapter à des espaces contraints en taille comme en ressources, affirme Salim Djaballah, le responsable administratif et financier. En la matière, tout est à inventer. Depuis le début de notre aventure, nous faisons évoluer nos installations, notre organisation et donc les conditions de travail des équipes en fonction de nos retours d’expérience. »

Culture de champignons dans un sous-sol urbain par Cycloponics

Aussi, lorsque le premier site parisien de Cycloponics, installé dans un ancien parking souterrain du XVIIIe arrondissement et nommé La Caverne, voit un salarié intoxiqué aux spores de champignons en 2019, l’entreprise se rapproche de la Mutualité Sociale Agricole (MSA). « J’ai accompagné la structure dans l’évaluation des risques, la rédaction du document unique ainsi que pour la mise en place du suivi des salariés et d’actions de prévention », confirme Raymond Bykoukous, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA. Pour limiter les risques d’allergies et d’irritations dus aux spores, une centrale de traitement de l’air adaptée à l’architecture complexe des locaux et permettant un contrôle strict de l’hygrométrie, de la température et de la concentration en CO2 est installée en 2020.

Du lève-palette au bon sens

Si les salariés qui travaillent à la culture et à la cueillette des champignons ont toujours à leur disposition des masques à cartouches filtrantes, la concentration en spores dans l’air semble avoir baissé drastiquement. « Même lorsque je passais la journée dans mon bureau éloigné de la zone de production, j’avais parfois des gênes respiratoires en rentrant chez moi, se remémore Salim Djaballah. Aujourd’hui, c’est fini. » « En outre, pour réduire les nuisances sonores, la centrale a été installée dans une pièce séparée, souligne Raymond Bykoukous. Il faut être vigilant pour que les actions de prévention ne soient pas à l’origine de nouveaux risques. »

Du côté de la production d’endives, les pousses sont livrées en big bags d’une tonne. Un lève-palette permet d’en faire basculer le contenu petit à petit dans des bacs posés sur une table à roulettes. Les salariés n’ont plus qu’à guider cette dernière jusqu’aux postes de tri : les bonnes pousses sont conservées tandis que celles qui ne sont pas viables sont mises au rebut dans des bacs posés au sol. « Lorsqu’ils sont vides, en les positionnant à la verticale, les contenants dédiés aux déchets servent de support pour trier les pousses à hauteur, indique Raymond Bykoukous. Si cela permet de réduire les postures contraignantes sans exposer les équipes à un autre risque, comme c’est le cas ici, il n’y a pas de raison de se priver de ce type de solution de bon sens. »

LA CAVERNE CHANGE LE QUARTIER

Dans ses quatre fermes urbaines, Cycloponics emploie plus de 25 personnes durant la haute saison d’octobre à mai et une quinzaine en été. 40 % des salariés sont en CDI mais les CDD saisonniers reviennent à 90 % d’une année sur l’autre. À La Caverne, l’effectif varie entre 9 et 15 personnes qui produisent en moyenne 250 kg de champignons et autant d’endives par semaine. Les clients, livrés à l’aide de véhicules électriques – utilitaires ou vélos cargos –, sont des restaurateurs, des épiciers, des grossistes et très minoritairement des particuliers. « Le surplus de production est offert aux voisins et nous menons des campagnes de recrutement très locales. Participer à la vie du quartier est important pour nous, explique Salim Djaballah, le responsable administratif et financier. Quand nous avons pris possession du parking, c’était un endroit peu recommandable. Nos voisins nous disent que l’ambiance a radicalement changé depuis que nous sommes là. »

Pour empêcher la photosynthèse et préserver la couleur blanche de leurs feuilles, les endives doivent pousser à l’abri de la lumière. Dans les champs, ce sont généralement des bâches qui les protègent. Ici, les salles de culture plongées dans le noir imposent aux salariés d’y intervenir équipés de lampes frontales. Pour prévenir les chutes de hauteur, dont le risque est amplifié par l’obscurité ambiante, l’escabeau précédemment utilisé pour atteindre les niveaux les plus élevés des étagères sur lesquelles s’épanouissent les endives a été remplacé par une plate-forme individuelle roulante légère. Avec ses garde-corps, son portillon et ses roulettes, elle répond aux spécificités définies en commun avec les acteurs de prévention du régime général dans le cadre de la campagne « Travaux en hauteur, pas droit à l’erreur », et a ainsi pu être financée par la MSA.

Les déchets produits par La Caverne (pousses non viables, racines, substrat…) sont palettisés dans des caisses et évacués par un engin jusqu’à un conteneur extérieur dans lequel ils sont jetés à la main. Dans l’objectif de supprimer ces manutentions, des bennes basculantes ont été testées dans le second parking parisien converti par Cycloponics. Baptisé Le Terrier, il est pour sa part dédié à la culture de champignons de Paris, qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom.

S’adapter au milieu

« Nous avons retenu un modèle robuste et compact qui facilite les manœuvres dans nos locaux plutôt exigus. Nos chariots ont d’ailleurs subi des transformations pour en ajuster la hauteur à nos deux mètres sous plafond, explique Nicolas Garnier, le responsable du Terrier. Pour parfaire le dispositif, il faudra également équiper les chariots de nouvelles fourches plus courtes. Parfaitement adaptées aux bennes basculantes, elles nous feront encore gagner en maniabilité, empêcheront les vibrations et stabiliseront les engins. » Autre enseignement de la campagne d’essais, la nécessité d’être deux pour jeter les déchets. Comme l’opération se déroule en milieu urbain très fréquenté, le premier conduit le chariot tandis que son collègue surveille la circulation et donne des indications pour la manœuvre.

Dans un secteur en développement qui voit régulièrement disparaître des entreprises tout juste créées, Cycloponics a su pérenniser son activité en s’appuyant notamment sur une démarche continue d’amélioration des conditions de travail. À la lumière des résultats obtenus, l’entreprise semble bien partie pour rendre ses exploitations toujours plus sûres pour ses équipes.

RAGRÉAGE EN VUE

La rampe d’accès en arc de cercle qui conduit à La Caverne n’était pas adaptée au passage des chariots de levage et des engins tractant des remorques. Le muret d’une vingtaine de centimètres de hauteur qui la séparait en deux voies de circulation, l’une montante et l’autre descendante, a donc été détruit pour faciliter les manœuvres. Malheureusement, les stigmates laissés dans le revêtement du sol par l’opération sont autant de pièges qui peuvent bloquer les roues des tire-palettes électriques. Un salarié s’est d’ailleurs blessé en dégageant le matériel. Pour que ce type d’accident ne se reproduise plus, un ragréage, financé par la MSA, est prévu avant l’été.

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