Depuis sa création en 1989, Eurogerm a bien grandi. La TPE lancée dans un garage par Jean-Philippe Girard a aujourd’hui atteint une tout autre dimension. S’il reste à taille humaine avec ses 500 salariés, le groupe international qu’elle est devenue ne possède pas moins de quinze filiales installées un peu partout, des États-Unis à l’Inde, en passant par le Mexique, l’Afrique du Sud, le Maroc, le Pérou ou l’Espagne, notamment. Son activité consiste à formuler et incorporer des adjuvants à de la farine pour en garantir la qualité constante et améliorer la panification, mais aussi pour concevoir des mix pour spécialité, (pain aux graines…) et des préparations alimentaires (crème pâtissière, fourrage en poudre…).
La branche française d’Eurogerm est constituée de deux usines situées tout près de Dijon : l’implantation historique de Quetigny, qui a succédé au minuscule local des débuts et dont les 2 600 m2 voient évoluer une dizaine de salariés au quotidien ; et la manufacture de Saint-Apollinaire dont la surface atteint 5 000 m2 et l’effectif monte à 180 personnes. En tout, les six lignes de production produisent plus de 20 000 tonnes annuelles, 85 % des recettes étant faites sur mesure.
SÉCURISER LES FLUX ENGINS ET PIÉTONS
L’espace contraint des sites français d’Eurogerm pose question du point de vue de la circulation. L’organisation et la délimitation des flux engins et piétons sont en cours, avec des barrières qui absorbent les chocs quand cela est possible. Mais ces protections physiques ne peuvent pas être installées partout, notamment là où la coactivité entre véhicules et personnel à pied est inévitable. « Nous avons équipé les chariots d’un système de radar. Ils les font ralentir automatiquement jusqu’à une vitesse de 3 ou 4 km/h lorsqu’ils pénètrent dans les zones préalablement définies, explique Sébastien Cadel, responsable HSE. Pour le reste des usines, nous réfléchissons à compléter ce dispositif avec des boîtiers à destination des piétons qui indiquent aux caristes non seulement leur présence mais également leur localisation et, là encore, font ralentir l’engin. »
« Nos matières premières arrivent essentiellement sous forme de poudre. Les lignes de production sont donc toutes équipées de bouches aspirantes positionnées au plus près des sources d’émission, indique Jean-Luc Raoult, le directeur manufacturing qualité sécurité du groupe. Au-delà de cette question de poussières que nous maîtrisons bien depuis de nombreuses années, nous menons un travail important sur le risque de chute de hauteur. »
Ne pas se contenter d’une barrière standard
En effet, afin de profiter de la gravité, les lignes sont conçues verticalement. Pour alimenter les mélangeurs, les sacs d’ingrédients doivent être acheminés à des hauteurs allant de deux à huit mètres suivant la taille de l’installation. « Contrairement aux lignes de production de petites quantités qu’il faut alimenter manuellement, celles qui produisent des volumes importants voient leurs principaux composants arriver directement de silos extérieurs par le biais de canalisations, précise Sébastien Cadel, le responsable hygiène, sécurité, environnement. Ces lignes nécessitent malgré tout l’intervention d’opérateurs pour ajouter les composants qui sont présents en petites quantités. » Même si une réflexion est menée avec les fournisseurs pour réduire le poids des sacs, le port de charge et le risque de chute de hauteur restent prégnants.
Les palettes sont apportées par des engins. Pour éviter que les opérateurs qui réceptionnent la marchandise ne soient exposés au vide, chaque ligne possède une ou plusieurs barrières écluses. « Ce qui est intéressant, c’est de voir le panel des modèles présents. Chaque zone de travail en hauteur a une protection adaptée spécifiquement à son environnement », constate Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. « Le dialogue avec notre fournisseur était primordial dans la réussite du projet. Son bureau d’études a su écouter nos demandes et prendre en compte nos spécificités », complète Jean-Luc Raoult.
Par exemple, au troisième étage de l’une des plus hautes lignes, le dispositif antichute présente une inhabituelle forme en L. « Les deux barrières ne sont pas reliées l’une à l’autre comme c’est habituellement le cas, mais celle du côté de l’opérateur ne peut être relevée que lorsque celle face au vide est fermée, explique Sébastien Cadel. Et comme la zone de dépose de la palette est plus basse que celle de chargement de la ligne, nous y avons installé une table élévatrice qui permet de récupérer les sacs à hauteur. »
De nouveaux modèles de barrières
Sur une ligne plus petite, une idée originale sécurise les salariés. La barrière se rabat sous la poussée de la palette déposée sur la plate-forme par l’engin et c’est cette dernière qui fait office d’obstacle à une éventuelle chute. « Je n’avais jamais vu un modèle de ce type, commente Maryline Vannier. Cette technique nécessite la mise en place par l’entreprise d’un mode opératoire à respecter par les salariés : la palette vide est à retirer par un opérateur dès la vidange du dernier sac afin que la barrière dotée d’un contrepoids reprenne sa fonction initiale de protection. » De plus, la plate-forme a bénéficié d’améliorations comme le remplacement de son échelle par un escalier muni de rampes ou son agrandissement permettant de se déplacer sur tout le tour du mélangeur et de faciliter ainsi le nettoyage en toute sécurité.
UNE CAMPAGNE DE TESTS D’EXOSQUELETTES
Eurogerm mène des tests avec deux dispositifs d’assistance physique pour aider au picking des sacs d’ingrédients. « Cela soulage sacrément le dos, d’autant que je souffre des lombaires, témoigne Raphaël Perron, un opérateur de production. Le système que j’essaie est débrayable. Je peux le conserver sans être gêné lorsque je fais autre chose que soulever les sacs, comme monter dans mon chariot ou prendre ma pause. » L’entreprise n’écarte pas la possibilité qu’à terme, il s’agisse d’équipements pour tous les salariés concernés, qui pourront choisir le modèle qui leur convient le mieux. « Dans ce genre de projet, sous peine d’échec, il est important de parfaitement analyser les tâches pour lesquelles les exosquelettes seront utilisés afin de réaliser un cahier des charges formalisant les besoins d’assistance physique, prévient Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. Un suivi de mise en œuvre est à prévoir pour prévenir l’apparition d’autres problématiques de santé. »
Les barrières à guillotine se sont révélées être la bonne formule pour prévenir les chutes sur d’autres lignes. Grâce à leurs deux portes reliées par une chaîne passant par une poulie, elles ont leur place dans les espaces plus restreints. L’une d’entre elles a toutefois dû être redessinée pour s’encastrer autour d’un tuyau qui aurait autrement empêché son ouverture.
« Depuis l’entrée de l’entreprise dans le programme TMS Pros en 2018, j’ai constaté une volonté d’amélioration dans le cadre de la démarche de prévention pour d’autres risques majeurs comme les manutentions manuelles ou les risques liés à la circulation », précise Maryline Vannier. Et Eurogerm compte bien continuer sur sa lancée avec son projet de construction d’un escalier en colimaçon pour atteindre la plate-forme qui chapeaute trois des silos extérieurs de l’entreprise. Nul doute que pour grimper les 15 mètres chargés de leurs outils, les opérateurs de maintenance ne regretteront pas l’échelle à crinoline.