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Le secteur agroalimentaire

Des camions magasins bien conçus et aménagés

Chaque semaine, les camions de la fromagerie Balé s’installent sur les marchés rennais et des communes limitrophes. Ne répondant pas aux attentes des équipes, les deux véhicules ont récemment été remplacés. Une occasion d’améliorer les conditions de travail que l’entreprise a su saisir en s’entourant de la Carsat Bretagne et d’une ergonome pour concevoir des outils de travail plus sûrs.

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Damien Larroque - 07/11/2022
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Fromagère dans un camion de la société Balé.

Depuis 2006, la fromagerie Balé, en Bretagne, a développé, en complément de la vente de fromages, une activité d’affinage. Elle répond ainsi à la demande croissante de sa clientèle pour des produits qui offrent une grande variété de saveurs. « Nous proposons 300 références, dont 95 % peuvent être conduites à différents niveaux de maturation, indique Guylaine Orain, à la tête de la fromagerie avec ses deux associés, Sébastien Balé et Mickael Laisney. Chacune possède ses caractéristiques et doit être conservée plus ou moins longtemps dans des conditions de température, d’hygrométrie ou de renouvellement d’air bien précises pour exprimer pleinement ses qualités gustatives. »

Un choix stratégique judicieux

Un savoir-faire qui ne s’improvise pas et que l’équipe dirigeante a acquis auprès de producteurs au cours d’un tour de France du fromage. Un choix stratégique judicieux au regard de la croissance de la société : de six marchés par semaine en 2005, la fromagerie en assure quatorze aujourd’hui. Elle a en outre ouvert une boutique au centre de Rennes et créé un large espace dévolu à l’affinage dans son dépôt de Noyal-sur-Vilaine, à quelques kilomètres de la préfecture bretonne. Quant à l’effectif, il s’est étoffé jusqu’à atteindre dix personnes à l’heure actuelle.

C’est à la suite du départ, en 2015, d’une salariée souffrant de douleurs au dos que les associés prennent conscience de l’importance de favoriser de bonnes conditions de travail. « Nous voulions que cette employée puisse rester, mais le service de santé au travail a estimé qu’aucun poste ne permettait son reclassement, se désole Guylaine Orain. Nous avons donc décidé d’agir pour éviter que cela se reproduise. Mais sans expérience en prévention, il n’est pas évident de faire les bons choix. » L’acquisition d’un utilitaire à hayon, permettant de livrer le magasin par palettes, s’est par exemple avérée payante pour diminuer les manutentions de colis. En revanche, la comtoise, machine de découpe électrique de pâtes dures achetée pour soulager les bras des vendeurs, ne correspond pas au besoin réel du terrain et est rapidement abandonnée.

Salariée dans la chambre froide de la fromagerie Balé

C’est donc sans certitude aucune sur la manière d’intégrer la prévention à leur projet de remplacement de leurs deux camions de vente, qui montraient des signes de fatigue, que les associés se rapprochent d’un fabricant. Heureusement, ce dernier évoque les aides financières pour les TPE de la Carsat Bretagne, ce qui décide la fromagerie à prendre contact.

« J’ai profité de cette sollicitation pour proposer un accompagnement technique en complément du soutien financier, se remémore Isabelle Rimbault, contrôleuse de sécurité à la Caisse. J’ai transmis une liste d’ergonomes qui pouvaient réaliser une étude approfondie du travail et identifier les tâches exposant à des risques. »

Mieux garé, moins stressé

« Pour que la conception des camions s’inscrive dans l’organisation globale du travail, les réflexions devaient également porter sur les opérations en amont et en aval des marchés, afin que l’utilisation des véhicules au dépôt soit sûre elle aussi, insiste Flora Manceau, la consultante retenue, ergonome chez Ergonova. Il fallait de plus que les salariés soient impliqués. Ce sont eux qui possèdent l’expertise permettant l’émergence de solutions réellement adaptées au terrain. »

Les nouveaux camions ont été livrés en décembre 2021. Ce jour de mars dernier, l’un d’entre eux exhibait sa rutilante carrosserie, d’un noir profond, sur le marché de la commune d’Acigné, ses huit mètres sur trois casés entre une fontaine, un stand de galettes saucisses et un étal de fruits et légumes. « Quand on n’arrive pas les premiers, il faut être capable de faire des manœuvres parfois compliquées, affirme Jennifer Moser, vendeuse. Avec la caméra de recul, je risque moins l’accrochage et je suis moins stressée. » Le dispositif étant également équipé d’une prise de son, il permet, en cas de nécessité, d’être guidé par un collègue, de parfaitement saisir les indications depuis la cabine de conduite. Celle-ci est d’ailleurs isolée acoustiquement car sur la route, les vibrations des meubles et autres équipements des anciens modèles provoquaient un vacarme mettant les oreilles des conducteurs à rude épreuve.

UN CHARGEMENT FACILITÉ

Les nouveaux camions de la fromagerie Balé sont conçus pour faciliter leur chargement. D’abord par la mise en place de vitrines à façades planes qui se relèvent à la verticale, entraînant moins de risques de s’y cogner la tête que les précédentes, bombées et qui ne s’ouvraient pas complètement. Par la création d’une trappe extérieure d’accès à la chambre froide ensuite. Alors qu’il fallait avant monter dans le camion les bras chargés de fromages, ce nouvel accès limite les manutentions et le risque de chute – les produits sont glissés depuis un chariot dans la chambre froide. Enfin, pour remplacer les deux seaux d’eau de 10 et 15 litres qui servaient au nettoyage des ustensiles et qu’il fallait transporter jusqu'à l'intérieur du camion, un évier actionné par une commande au genou a été intégré à l’espace de vente. Il est alimenté par un réservoir que l’on remplit en branchant un tuyau sur un embout extérieur. Fini le port de charge et les postures contraignantes penchées au-dessus des seaux.

Autre manœuvre facilitée, la fermeture électrique de l’auvent. Auparavant menée depuis la cabine de conduite, l’opération nécessitait de se tordre le cou pour s’assurer de ne pas heurter un stand voisin. Maintenant, le bouton est à l’arrière du véhicule, position qui offre une vue dégagée sur le mouvement de l’auvent. « Et quand il faut libérer le passage pour un autre véhicule, plus besoin de courir pour atteindre la cabine au risque de chuter », souligne Guylaine Orain. La vitrine rétractable est, quant à elle, actionnée à l’aide d’une simple manivelle. Mais quatre ou cinq tours suffisent et, surtout, le maniement se fait à hauteur d’homme. « C’est quand même plus pratique qu’au niveau du sol dans l’espace de vente comme c’était le cas avant, note Lucie Le Métayer, vendeuse elle aussi. On était plié en deux, c’était vraiment inconfortable. »

À l’intérieur aussi, il y a du nouveau. La hauteur du plan de travail a été abaissée de 7 cm pour atteindre 80 cm. Attraper les fromages sur l’avant de la vitrine nécessite donc moins d’allonge. « Moi qui ne suis pas très grande, je devais prendre appui en équilibre sur le plan de travail et mes pieds ne touchaient plus le sol », explique Guylaine Orain. « C’est aussi plus simple pour couper les pâtes dures pour lesquelles il faut utiliser le poids du corps. Nos bras sont bien moins sollicités », renchérit Jennifer Moser.

Sur les marchés les plus courus, six vendeurs s’activent dans l’espace de vente. Pour éviter les bousculades, un gain de 10 cm sur la largeur s’est avéré efficace. Le passage d’un à deux points d’encaissement a encore amélioré les flux, comme le prouvent les files d’attente réduites devant les camions. « Le travail réalisé sur la prévention des risques professionnels a aussi des effets positifs sur la productivité. La fromagerie est doublement gagnante », se félicite Isabelle Rimbault.

IMPLIQUER LES SALARIÉS

Pour les TPE, qui ont rarement la possibilité d’employer un préventeur à temps plein, être accompagnées dans leurs projets d’amélioration des conditions de travail est précieux. « Sans les conseils d’un ergonome nous n’aurions pas pensé à faire participer les salariés à notre projet de conception de camions, reconnaît Guylaine Orain, l’une des associées de la fromagerie Balé. Puisque cette approche participative s’est avérée très positive, nous l’avons intégrée à notre fonctionnement. » Ainsi, après un peu plus de deux mois de prise en main, tout l’effectif de l’entreprise s’est mis autour de la table pour définir une procédure commune d’utilisation de leurs nouveaux véhicules, en matière de chronologie des tâches ou de rangement de la marchandise, par exemple. Les meilleures façons de faire des uns et des autres ont été retenues collégialement. Considérés et écoutés, les salariés adhèrent d’autant mieux aux changements et s’approprient plus facilement les bonnes pratiques.

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