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L'aménagement des lieux de travail

Intégrer la prévention dès la phase de conception d'un bâtiment

EMI SAS est une entreprise alsacienne du secteur de la plasturgie. Il y a quatre ans, elle a regroupé ses différents sites de production dans une unique usine située à Saint-Louis-Neuweg, dans le Haut-Rhin. L’intégration de la prévention dès la phase de conception du bâtiment a permis de garantir la qualité des conditions de travail de ses salariés tout en organisant au mieux la fusion de ses activités.

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Damien Larroque - 01/09/2022
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Un salarié de l'entreprise EMI SAS réalise une opération de maintenance d'une presse depuis une plate-forme sécurisée.

Au début des années 1960, Eugène Wissler fonde une entreprise de fabrication d’accessoires pour aquarium qui, au fil du temps, se spécialise dans la transformation des matières plastiques. En 1995, son fils Jean-Pierre décide de voler de ses propres ailes en créant sa société, EMI SAS. Le succès est immédiat et, avec le temps, la production se diversifie (connectique pour panneaux photovoltaïques, parties de volets et fenêtres, renforts pour l’automobile, pièces pour armoires électriques, boîtes de prélèvement, tubes à essai…). L’entreprise croît jusqu’à compter cinq sites : quatre manufactures à Hésingue et son atelier mécanique de Neuwiller.

« En 2016, nous avions encore besoin de nous agrandir. Plutôt que de créer une usine supplémentaire, nous avons décidé de regrouper toutes nos activités dans un seul et même lieu », explique Geoffrey Wissler, responsable des services projet et R&D et futur directeur en lieu et place de sa mère qui occupe actuellement le poste. « Nous avons été informés de ce projet dès son lancement car nous étions en relation avec EMI SAS depuis 2015, lorsque nous l’avons récompensée pour ses bonnes statistiques de sinistralité, se remémore Christophe Guidat, contrôleur de sécurité à la Carsat Alsace-Moselle. Cela nous a permis de la conseiller et de la soutenir financièrement avec un contrat de prévention. »

DES AMÉNAGEMENTS BIEN ANTICIPÉS

Pour éviter les croisements entre les camions et les véhicules des salariés, un sens de circulation unique a été défini autour de la nouvelle usine d’EMI SAS. Transporteurs et équipes de l’entreprise ont respectivement leur propre entrée. La vitesse des camions est maîtrisée par une chicane, des ralentisseurs et une barrière qui les arrête afin que les chauffeurs s’annoncent par un interphone et attendent qu’on leur indique le quai qui leur est attribué. Une fois garés, ils peuvent se doucher ou se relaxer dans le local qui leur est réservé. « On ne voit pas cela dans toutes les entreprises. C’est typiquement le genre d’aménagement qu’il est plus compliqué et souvent plus onéreux d’installer a posteriori de la livraison d’un bâtiment, souligne Christophe Guidat, contrôleur de sécurité à la Carsat Alsace-Moselle. Il en est de même pour les bennes de l’entrepôt, semi-enterrées pour éviter d’avoir à lever les bras pour jeter des déchets et encadrées de garde-corps pour ne pas tomber. »

La Carsat est donc impliquée dans les groupes de travail mis sur pied en interne pour définir les besoins des différents axes du projet (flux, implantation des machines, informatique…) et ses préconisations sont intégrées au cahier des charges soumis à l’entreprise de construction retenue. En retour, celle-ci présente un préprojet qui est affiné par des échanges entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre. Les travaux débutent en mars 2017. Les réunions de chantier hebdomadaires, auxquelles la Carsat prend part ponctuellement, autorisent des réglages et modifications sur des points qui n’ont pas été anticipés. Le déménagement a lieu en février 2018, un peu moins d’un an après les premiers coups de pioche.

Cela fait donc plus de quatre ans que les 175 salariés de l’entreprise évoluent dans leur nouvel outil de travail de 17 000 m2. Ceux-ci ont été impliqués dans les groupes de travail. « J’ai parlé de mon mal de dos provoqué par la manipulation des sacs de 25 kg de matière première. Deux préhenseurs à ventouses ont donc été intégrés aux postes de remplissage des trémies », se félicite Lionel Villafuertes, pilote centrale matière. Un dispositif d'aspiration centralisé est également à disposition pour aspirer les granulés de plastique répandus sur le sol. Prévu très en amont, il facilite le nettoyage et limite le risque de glissade.

Des aides à la manutention

« 80 % de la matière première ne nécessite plus de manutention, précise Pascal Jullien, le directeur industriel. Remplis par des camions-citernes, cinq silos extérieurs alimentent le circuit de distribution automatique des presses. » Une attention particulière a aussi été portée au réseau d’eau. « Cela change tout pour la purge des moules, indique Nourredine Khotbi, un monteur régleur. Sur les anciens sites, il fallait récupérer l’eau de nettoyage dans un fût et aller le vider à l’aide d’un chariot. Ici, c’est moins physique et on gagne du temps ! »

Toujours pour limiter les manutentions, deux chariots automatiques guidés par laser se saisissent des palettes de produits à la sortie des presses pour les transporter jusqu’à une filmeuse, automatique elle aussi. Une fois les palettes empaquetées, deux autres chariots sans conducteur, cette fois munis d'une fourche pouvant monter à 7,5 mètres, sont chargés de les mettre en stock. Ils les récupèrent ensuite sur les racks pour les déposer sur la zone de chargement des camions d’expédition.

Un opérateur alimente une trémie en matière première à l'aide d'un préhenseur à ventouses.

De larges allées permettent aux chariots de manœuvrer facilement dans l’entrepôt comme dans l’atelier. Dans ce dernier, ce ressenti est intensifié à la fois par la clarté naturelle qui provient des larges fenêtres et par l’implantation des machines. Leur disposition laisse en effet entre elles un écart suffisant pour permettre à la maintenance d’accéder facilement à chacune de leurs parties.

L’ambiance thermique a également été un sujet important lors de la conception de l’usine car les presses génèrent de la chaleur. Accrochées au plafond, des gaines métalliques et textiles répartissent l’air puisé à l’extérieur par des centrales de ventilation, et refroidi par un échangeur thermique. « Le dispositif était au départ dimensionné pour 46 presses mais l’augmentation de l’activité nous a incités à en ajouter 26. Nous avons donc revu notre copie en passant de quatre à six centrales de ventilation, explique Pascal Jullien. Une évolution rendue possible car nous l’avions anticipée et ainsi prévu de l’espace supplémentaire. »

Une visibilité confortable, une température agréable… il aurait été dommage de ne pas s’intéresser au niveau sonore. « Grâce aux plaques perforées qui recouvrent murs et plafonds, il n’est plus nécessaire de porter de bouchons d’oreilles, se félicite Sofia Boudoukha, technicienne QSE. Nous pouvons cependant encore réduire le bruit en agissant sur les soufflettes… Des réflexions sont en cours. » 

« Même en intégrant la prévention dès les toutes premières phases de conception, il reste toujours des choses à améliorer. »

Des réglages, des changements d’approche peuvent être nécessaires pour améliorer les conditions de travail. Conscientes de cette réalité, les équipes d’EMI SAS ont déjà mené un certain nombre de corrections. « Nous avons en outre gardé du terrain en réserve, ce qui nous permettra de concevoir en temps voulu un autre bâtiment qui sera dédié à nos productions pour le médical et le paramédical, des activités qui ont le vent en poupe », ajoute Geoffrey Wissler.

NE PAS SE REPOSER SUR SES LAURIERS

Si EMI SAS a conçu sa nouvelle usine en intégrant la prévention, l’entreprise a toutefois dû faire évoluer certains points. Par exemple, le local de stockage d’huiles accueillant de plus grandes quantités qu’escompté, il a été nécessaire d’adjoindre au circuit d’eau anti-incendie équipé de sprinklers un dispositif libérant une mousse en capacité de maîtriser des feux alimentés par ce type de produits. Autre illustration de cette volonté d’amélioration continue, les plates-formes sécurisées ajoutées à plusieurs presses de l’usine. Munies de garde-corps, celles-ci sécurisent les opérations d’alimentation, de nettoyage ou de maintenance se déroulant sur les parties hautes des machines. Devant l’efficacité du système, l’entreprise exige aujourd’hui de son fabricant que de telles plates-formes d’accès soient intégrées aux machines qu’elle commandera à l’avenir.

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