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L'aménagement des lieux de travail

Se faire accompagner pour réussir son déménagement

L’entreprise Edafim fabrique des fontaines à eau, dans la Drôme. Malgré des problèmes économiques, et à la suite d'un ciblage TMS Pros par la Carsat Rhône-Alpes, son dirigeant a lancé une étude ergonomique qui a permis d’améliorer un poste de travail. Convaincu, le dirigeant a, à l’occasion du déménagement de son entreprise, fait de nouveau appel à cette expertise. Pour l’ensemble du site.

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Delphine Vaudoux - 01/09/2022
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La majeure partie de l'usine d'Edafim est occupée par six lignes d'assemblage : trois sont en fonctionnement, les autres sont installées pour faire face à la progression de l'activité et seront mises en service rapidement.

« On doit boire un litre et demi d’eau par jour… Avec le réchauffement climatique, notre activité a de beaux jours devant elle ! » remarque Alain Auger, P-DG d’Edafim, fabricant de fontaines à eau. Pour faire face à la progression de son activité et améliorer les conditions de travail de ses 42 salariés, l’entreprise a emménagé, il y a peu, dans de nouveaux locaux, à Livron-sur-Drôme, dans la Drôme, avec l’aide de la Carsat Rhône-Alpes et d’un cabinet d’ergonomie.

« Une grotte », « un bunker » : Catherine Mousny, ingénieure-conseil à la Carsat Rhône-Alpes, et Alain Auger rivalisent de bons mots pour parler des anciens locaux de l’entreprise. Et pourtant, les choses avaient mal commencé entre la Carsat et Edafim, de l’avis même des intéressés. « En 2014, l’entreprise était sous sauvegarde lorsque j’apprends qu’elle est ciblée TMS Pros… j’ai été assez peu réceptif », confirme Alain Auger. Il suit cependant la formation de la Carsat destinée aux dirigeants. Et dès que l’entreprise peut se le permettre économiquement, il initie, aidé d’une subvention TMS Pros Diagnostic de la Carsat, une première réflexion au poste d’emballage. À ce poste, l’opérateur devait soulever des fontaines pouvant atteindre 60 kg pièce. « La personne reprenait deux fois chaque fontaine, à raison d’une quarantaine de fontaines par jour », souligne Cyril Joubert, ingénieur ergonome au cabinet d’ergonomie Novergo qui a accompagné l’opération.

Réorganiser l’environnement de travail

Forte de cette analyse, Edafim se lance dans l’aménagement du poste de travail dans le cadre de TMS Pros Action, toujours avec l’aide de la Carsat. Objectif : réorganiser l’environnement de travail pour que l’opérateur n’ait plus à porter la fontaine en la mettant dès le départ sur une base qui la suivra durant tout son périple. Une belle réalisation qu’Alain Auger aura en tête, notamment lorsqu’il reprendra, fin 2020, son projet de déménagement resté en sommeil à la suite des difficultés de l’entreprise : « J’avais déjà dessiné le squelette de la future usine. Mais n’ayant pas de compétences en ergonomie, j’ai fait faire deux études : l’une sur les flux, l’autre sur l’ergonomie des postes de travail, pour affiner mon projet. »

Le permis de construire est déposé en février 2021, les plans réalisés dans la foulée. Cyril Joubert intervient, avec deux collègues, en octobre. « Ni trop tôt, ni trop tard, estime-t-il. Nous avons observé tous les modes opératoires, et sommes partis de l’existant pour voir ce qu’il était possible d’améliorer. Cela nous a permis de faire une critique constructive des plans et des flux. » Les discussions s’engagent facilement avec les salariés, qui connaissent déjà l’ergonome, et qui sont régulièrement informés et associés aux décisions.

Des groupes de travail sont constitués, les solutions présentées aux équipes. « C’est très important d’associer le personnel, remarque le dirigeant. Pour l’étude sur les flux, je n’ai pas hésité à ajouter deux journées à la prestation pour la restitution aux équipes. »

UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

Créée en 1983, Edafim était alors une entreprise de dépannage d’appareils frigorifiques. Drômois, le dirigeant réoriente la société vers la fabrication de fontaines à eau, tout en la rapatriant dans son département. En 2005, Edafim, « une belle endormie », fusionne avec une start-up du secteur, Dieau. « Un mariage très cher qui n’a jamais fonctionné », selon Alain Auger, l’actuel dirigeant. Appelé « en pompier » en 2008, il a trois ans pour redresser l’entreprise. « Comme souvent quand il y a des problèmes financiers, le taux de fréquence des accidents du travail était aussi très mauvais », poursuit Alain Auger, déjà sensibilisé à la prévention des risques professionnels. Au final, il devient actionnaire principal, dépose une procédure de sauvegarde pour protéger l’entreprise et étaler sa dette. Les excellents résultats de 2020, réalisés grâce à des fontaines à eau à pédales limitant les contacts en pleine crise sanitaire liée à la Covid lui permettent de rembourser ses dettes et de lancer son grand projet de déménagement.

En dix jours, en avril dernier, le déménagement a lieu. L’entreprise occupe désormais un terrain de 12 000 m2, dont 5 000 m2 d’usine et 500 m2 de bureaux. Toutes les capacités peuvent facilement être doublées. Les flux sont bien identifiés, des baies vitrées et des ouvertures zénithales laissent entrer la lumière naturelle. « Il y a une sacrée différence avec les anciens locaux », remarque un opérateur.

Anticipation, le maître-mot

Pour réaliser une fontaine à eau, il faut d’abord constituer son enveloppe en métal. La tôle arrive à plat, puis est découpée, cisaillée, pliée, poinçonnée. Le bruit de la poinçonneuse, installée dans un coin de l’usine, a tendance à se diffuser. « Nous avons repris une grande partie de nos machines, explique le dirigeant. La poinçonneuse est bruyante. Le centre de mesures physiques de la Carsat est intervenu pour proposer des solutions. » Notamment la pose de plaques antibruit autour de la machine et l’accrochage de panneaux acoustiques, des modifications peu onéreuses a priori. De plus, les séries les plus bruyantes sont lancées après 16 heures, quand les salariés sont partis. Le flux de l’assemblage du groupe froid a été étudié par l’ergonome : il devrait bénéficier sous peu d’améliorations comme des postes de travail jumelés de 4 m de long réglables en hauteur et des servantes mobiles guidées, au plus près des opérateurs.

Un salarié de l'entreprise Edafim actionne à l'aide d'un bouton poussoir les étagères mobiles sur lesquelles sont stockées les pièces de montage.

La majeure partie de l’espace de l’usine est occupée par six lignes d’assemblage. Trois sont en fonctionnement, les trois autres sont installées pour faire face à la progression de l’activité… Deux d’entre elles seront mises en service d’ici fin 2022. Là, tout est dans le détail. Près de 230 m de convoyeurs à rouleaux ont été implantés pour limiter les ports de charge. Ils sont constitués de sections de 2,50 m qui seront, à certains endroits, supportées par des tables élévatrices afin de permettre aux opérateurs de travailler à la bonne hauteur (et non sur des estrades). Sur chaque poteau de convoyeur, un orifice a été percé pour installer les futurs rails de guidage des servantes mobiles qui suivront les opérateurs lors du montage. La transitique des lignes va être revue : les groupes frigorifiques seront stockés sur des chariots – 80 ont été commandés, la livraison est imminente – pour être acheminés au plus près des convoyeurs et à la bonne hauteur.

« J’avais en tête toute l’organisation, à la suite des études, précise Alain Auger, mais on ne pouvait pas tout faire dans les temps… il fallait relancer la production. Vous êtes venus six mois trop tôt, mais tout a été anticipé. » Une fois terminées, les fontaines sont testées, puis emballées et prêtes à partir. « Les quais d’expédition sont plutôt bien faits, avec leur zone tampon », remarque Jérémy Pichot, un opérateur.

Quant au magasin, composé d’étagères mobiles sur lesquelles sont stockées les pièces de montage, pour des raisons de place et de coût, il a été motorisé. « Mais au final, c’est aussi un gain en termes de sécurité, car le magasin mobile doit être rangé et avoir un sol bien plan pour fonctionner », souligne Catherine Mousny. « C’est le jour et la nuit, remarque Anthony Andréolle, le responsable du magasin. On ne porte plus. » Dans quelques mois, l’ensemble des améliorations devraient être effectives. L’usine constituera alors une belle vitrine car des recrutements sont prévus pour répondre à d’ambitieux projets…

VOIR LOIN

Alain Auger avait conçu la « coquille » de sa nouvelle usine et identifié les flux, avant même la signature du permis de construire. Mais il avoue que sans les deux études sur les flux et l’ergonomie, menées en parallèle, il n’aurait pas pu aller autant dans les détails, en amont. « Il a une vision très précise d’où il veut aller. Il a conçu sa nouvelle usine pour anticiper la suite », reconnaît Catherine Mousny, ingénieure-conseil à la Carsat Rhône-Alpes. Aujourd’hui, l’entreprise fabrique 10 000 fontaines à eau par an (avec de multiples options : à pédale, avec de l’eau chaude, de l’eau gazeuse, de telle couleur, etc.) pour un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros. Alain Auger vient tout juste de vendre Edafim à un groupe familial autrichien, « pour assurer le coup ». Sa nouvelle usine, conçue pour doubler aisément sa capacité de production, pourra ainsi répondre aux nombreux projets dont il a discuté avec son nouvel actionnaire.

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