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Un climat de travail apaisé grâce à la prévention

Au sein de la maison d’enfants à caractère social François-Constant, à Libourne, plus rien n’allait au sein des équipes. Accompagnés par la Carsat Aquitaine et le service de prévention et de santé au travail, les représentants du personnel ont voté une expertise qui a eu un effet bénéfique pour tous : enfants, agents et direction.

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Delphine Vaudoux - 23/09/2022
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Une salariée en visite dans une chambre.

« Ah ben ça, ici, il y en a des risques ! », lance le jeune Gabriel lorsqu’on lui énonce les raisons de la présence d’une équipe de Travail & Sécurité venue faire un reportage. Il poursuit : « C’est dur pour les éducatrices et les maîtresses de maison quand les jeunes partent, elles s’attachent à nous... » La réponse, touchante, est révélatrice d’un climat… fruit d’un travail conséquent sur les risques psychosociaux au sein de la Mecs, maison d’enfants à caractère social François-Constant, de Libourne, en Gironde. Cette structure accueille sur six sites des jeunes de 6 à 21 ans. Organisée en plusieurs pôles, elle emploie 115 professionnels de la protection de l’enfance.

En 2019, ce sont ses chiffres de sinistralité qui font réagir Frédérique Caumontat, contrôleuse de sécurité à la Carsat Aquitaine : « Tous les indicateurs étaient au rouge. » Aux réunions du CHSCT, elle est surprise par la virulence des propos. « Direction et représentants du personnel ne se respectaient pas… à l’image de ce qui se passait dans l’établissement. » Elle rencontre chacune des parties et insiste sur la nécessité d’aller plus loin, d’ investir sur la politique de santé au travail. Lors d’un CSE de mars 2020, une expertise RPS est votée. « Le seul CSE auquel je n’ai pas pu assister, déplore Nadine Audubert, directrice de la Mecs. Le retour très parcellaire de ce vote m’a laissée dans une incompréhension et une grande inquiétude sur ce que je devais en faire, partagée entre la colère et l’inquiétude. »

Elle en discute avec des collègues directeurs qui lui « conseillent » de laisser passer l’expertise puis de la mettre au fond d’un tiroir. « J’ai réfléchi, je me suis demandé dans quoi j’étais engagée… d’autant que j’avais déjà initié des actions. J’ai décidé de me faire aider pour comprendre et de faire d’une difficulté une force », reprend la directrice, alors proche du burnout avec des journées de plus de 18 heures. « C’est une très bonne chose que Nadine Audubert ait pu bénéficier de l’aide d’un consultant en coaching médiation pour l’accompagner et l’aider à se positionner. C’est véritablement un élément clé de la réussite de cette démarche », insiste Frédérique Caumontat.

Intérieur d'un bureau

Nadine Audubert joue le jeu, participe à l’expertise, met les moyens à la disposition du cabinet. « L’expertise a duré, au total, un mois, parfois sur place 24h sur 24 », se remémore un cadre socio-éducatif, ancien éducateur spécialisé. Les salariés de nuit ou de jour, des services sociaux ou support, sont rencontrés. Les facteurs de risque (plannings, management, reconnaissance au travail, violence…) sont analysés selon leur intensité, leur complexité, les conflits de valeurs, les rapports et les exigences émotionnelles…

Partir sur des bases communes

Le cabinet rend son expertise en juillet 2020. « Pendant mes congés, précise la directrice. J’ai mis deux jours à ouvrir le mail. » L’expertise identifie un service à risque grave, d’autres à risque fort ou modéré, et d’autres sans risque. La restitution est d’abord faite aux représentants du personnel et du conseil d’administration, puis aux équipes. « Tout a été mis sur la table, souligne une éducatrice spécialisée faisant fonction de cadre. Même si nous avions déjà identifié ces facteurs de risque, cela a permis une objectivation des situations. » Le service à risque grave est réorganisé, de même que certains locaux.

En novembre 2020, le CSE se penche sur la coconstruction du plan d’action autour des RPS afin de tirer des enseignements des thèmes identifiés par le cabinet. Accompagné par Chantal Dugourd, cadre prévention RPS et QVCT (qualité de vie et conditions de travail) du Sist du Libournais, et Frédérique Caumontat, il s’agit de définir les objectifs stratégiques, intermédiaires, opérationnels. Elles insistent sur les délais, le pilotage, les attendus, pour avoir du concret. Au final, un Copil RPS mensuel est créé, regroupant direction, référente RPS, membres du CSE, responsable qualité et le Sist.

La liste des actions avait déjà été réalisée, ainsi que le suivi de celles en cours, au regard des quatre grands axes retenus : management de proximité, prévention des RPS, visibilité institutionnelle et communication/information. La direction fait le choix de mettre en poste de cadre, ou faisant fonction, des éducateurs spécialisés, reconnus par leurs pairs, pour porter la politique institutionnelle et les valeurs éducatives. Lors de la réunion hebdomadaire des cadres, les décisions sont discutées puis entérinées par la direction selon la majorité, pour être transmises aux équipes avec un vocabulaire commun.

" Nous devons avoir envie et, pour cela, nous devons être formés et trouver du sens à notre travail. "

L’ensemble des cadres est formé aux RPS. Un travail important est réalisé sur la gestion de l’événement indésirable et la prévention de la violence. Le protocole de protection des agents a ainsi été amélioré lorsqu’un enfant est en crise. Autre exemple : une transmission entre les équipes de jour et celles de nuit est désormais instaurée. Un référent RPS est nommé et formé avec une fiche mission. Des travaux sont en cours sur les plannings, le projet d’établissement, la démarche qualité, avec des décisions qui ne sont plus que descendantes.

Une direction qui écoute et qui comprend

Aujourd’hui, les choses semblent apaisées, et c’est primordial selon un cadre : « Nous accueillons des enfants maltraités, souvent en grande souffrance. S’ils créent de la violence au sein de l’établissement, c’est parce qu’ils souffrent et que notre environnement ne les sécurise pas. C’est à nous d’adapter notre organisation afin d’offir aux enfants un cadre de vie apaisé. »

Le Dr Diaconu, médecin du travail au Sist du Libournais, ne suit plus la Mecs. Elle a cependant tenu à participer à un dernier CSE, en décembre 2021 : « J’ai été impressionnée par ce que j’ai vu. Ils sont partis de zéro, de la définition des RPS, d’un CSE déchiré. Et ce que j’ai observé en décembre tenait du divin, car tous les membres avaient un objectif commun : donner du sens à leur travail pour que l’enfant soit au mieux. » Elle rend hommage au travail de Mme Audubert. « Elle était en souffrance, elle s’est formée, a appris et avancé, la tête haute. Elle a parfaitement joué son rôle de leader. » Frédérique Caumontat revient également sur la direction qui doit être en capacité d’écouter, de comprendre et d’accepter de se remettre en question – comme chacun – ainsi que de se faire accompagner dans ces moments pour prendre du recul et adopter le bon positionnement.

Un cadre souligne l’importance de ne pas engluer les salariés dans leurs fonctions. « Nous ne sommes pas les gardiens d’enfants insupportables. Nous devons avoir envie et, pour cela, nous devons être formés et trouver du sens à notre travail. » Mais attention cependant, tous reconnaissent la fragilité des progrès et l’importance d’être vigilants pour que cette belle histoire perdure… afin que Gabriel n’identifie qu’un seul risque, celui de trop s’attacher aux pensionnaires. n

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : maison d’enfants à caractère social (Mecs) François-Constant
Activité : accueil pour des séjours de durée variable de jeunes placés au titre de la protection de l’enfance dont les familles sont en difficulté et ne peuvent, seules ou avec le recours de proches, assumer la charge et l’éducation de leurs enfants
Lieu : Libourne (Gironde)
Effectif : 115 personnes réparties sur 6 sites. Près de 80 jeunes accueillis

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