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Ergonomie

L’individuel bénéficie au collectif

Ce sont les douleurs à l’épaule d’un salarié de l’entreprise Mopalait qui sont à l’origine d’une intervention d’un ergonome du service de prévention et de santé au travail d’Aurillac, dans le Cantal. De fil en aiguille, c’est l’ensemble de l’effectif de l’entreprise de fabrication et vente de produits du terroir qui a pu bénéficier de conseils et d’améliorations de ses conditions de travail.

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Delphine Vaudoux - 05/12/2022
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Opératrice dans l'entreprise Mopalait

Sous la verrière de la halle du marché aux fromages, en plein cœur d’Aurillac, dans le Cantal, l’entreprise Mopalait, connue sous le nom de Fromagerie Morin, a installé une boutique et son atelier. À quelques centaines de mètres de là, des bureaux d’un côté de la rue, l’entrepôt en face… ces locaux dispersés, liés à l’histoire de cette entreprise, ne facilitent pas la démarche de prévention des risques professionnels. « Il y a quinze ans, j’ai repris l’entreprise familiale, créée par mes parents, explique Marie-Christine Morin, PDG de la société Mopalait. Nous réalisons de la vente au détail de fromages et de produits auvergnats, de la fabrication de produits du terroir, de type truffade, aligot, pounti, bourriol…, et de la vente de produits du terroir aux professionnels. »

Il y a trois ans, le responsable du dépôt se plaint de douleurs à l’épaule lors d’une visite médicale. Il se fait opérer et à son retour au travail, le médecin du travail fait appel à la coordinatrice du service de maintien dans l’emploi qui demande une étude de poste. « C’est à ce moment-là que je suis intervenu, remarque Anthony Crozat, ergonome à l’ACISMT 15, le service de prévention et de santé au travail d’Aurillac. Après discussion avec Mme Morin, nous avons décidé de réaliser un diagnostic des situations de travail de l’entreprise dans le cadre de la subvention TMS Pros Action proposée par l’Assurance maladie-risques professionneles. » Il observe notamment le salarié chargé de la réception et de la découpe de meules de fromages.

35 à 45 meules

de fromages de 45 kg pièce sont réceptionnées et découpées chaque semaine.

Immédiatement, des solutions apparaissent, comme l’achat – avec l’aide de la Carsat Auvergne – d’un transpalette électrique compact pour déplacer les palettes et aller jusque dans les chambres froides. S’ensuit dans la foulée une réflexion sur la découpe des meules. « On en reçoit entre 35 et 45 par semaine et elles pèsent chacune 35 kg, explique Marie-Christine Morin. Ça fait beaucoup de manipulations et la découpe au fil sollicite énormément l’épaule. On a pensé travailler à partir de demi-meules pour soulager le salarié. »

Mais la meule, une fois découpée, se détériore rapidement et cette solution irait à l’encontre de la qualité du produit. Une autre solution est avancée : acheter une trancheuse électrique sur mesure… Or ce matériel n’existe pas sur le marché. Ce qui n’arrête pas la PDG qui propose à une entreprise locale de réaliser un prototype. « Nous avons procédé à des essais, reprend la dirigeante. Ils se sont avérés concluants… et je pense que d’ici trois mois, nous aurons notre machine à découper adaptée. » D’autres points sont en cours d’étude pour soulager le travail au dépôt, comme le remplacement des caisses pour transporter les fromages afin de réduire l’écartement des bras.

Un atelier remodelé 

Au cours des discussions avec l’ergonome, l’augmentation de la charge de travail dans l’atelier où sont fabriqués les produits du terroir a été abordée. Marie-Christine Morin vient en effet d’embaucher un directeur commercial dont le travail porte ses fruits : les commandes affluent et la production doit suivre, tout en veillant à la santé des salariés. L’atelier est un espace contraint de 100 m2, où œuvrent cinq personnes. « Anthony Crozat est venu observer notre activité, se souvient Julie Tartarin, la responsable d’atelier. Il est arrivé à 5 h du matin et a passé toute la journée avec nous. » Il a fait une restitution à Marie-Christine Morin qui en a discuté avec toute l’équipe. Des changements organisationnels et de matériels ont été décidés, en s’appuyant sur la marche en avant des produits.

Opérateur de l'entreprise Mopalait

Tout d’abord, six chariots ont été acquis pour déplacer les lourds seaux de pâte à bourriols d’une dizaine de kilos chacun et qui étaient, jusqu’à présent, transportés à la main. Un peu plus loin, Gwendoline Presneau et Laëtitia Delcros tapissent après cuisson les crèpes de sarrazin de leurs multiples garnitures : bleu, cantal et magret, cantal et jambon de pays, ou encore chèvre-miel et tomates confites… Installées devant des tables en inox, leur permettant de travailler à la bonne hauteur, elles ont à leur disposition les ingrédients qui sont rangés dans les frigos situés sous le plan de travail.

Chaque jour, elles garnissent près de 250 bourriols qu’il faut ensuite filmer pour la vente en boutique, ou ranger dans des plats pour la grande distribution. « Avant, on faisait sans arrêt des allers et retours au frigo qui était dans une autre pièce. Là, c’est nettement mieux avec les frigos sous nos postes. D’autant que l’on a aussi déplacé le film car il nous obligeait à lever très haut les bras », remarque l’une d’entre elles. « Ces aménagements améliorent les conditions de travail, mais également la qualité des produits car ils sortent moins longtemps des frigos et subissent moins de manipulations », remarque Yann Brosson, contrôleur de sécurité à la Carsat Auvergne.

Aller plus loin 

À la cuisson, Rémy Lac présente un four tout neuf, autonettoyant : « Ce four nous permet d’enfourner directement les rayonnages avec les plaques dessus. On ne manipule plus les tartes une par une et on peut en mettre 40 par fournée contre 16 auparavant… » « Cet investissement participe à l’amélioration globale de la situation de travail en diminuant les risques de troubles musculosquelettiques, de brûlure et l’exposition au risque chimique, et en faisant gagner du temps aux salariés », complète l’ergonome. Pour ce qui est de la cuisson des bourriols, les améliorations s’avèrent plus complexes : « Elle nécessite des poêles en cuivre qui pèsent environ 3 kg chacune, gage de qualité… C’est donc difficile de les remplacer », poursuit le cuisinier, Julien Montoury.

Ces aménagements – dont une partie a bénéficié de l’aide financière de la Carsat dans le cadre de TMS Pros Action – ont permis de réduire les douleurs perçues aux épaules et les tendinites des salariés. « Au-delà du financement du matériel, la démarche TMS Pros a permis à l’entreprise d’initier une démarche de prévention plus globale », insiste Yann Brosson. En effet, les réflexions en cours vont alimenter un vaste projet de déménagement, visant à réunir sur un même site de 1 600 m2 toutes les activités : « J’examine les plans et les possibilités d’aménagement, en ayant en tête la marche en avant, la production et la santé de mes salariés, remarque Marie-Christine Morin. J’ai bon espoir de le voir aboutir d’ici à deux ans. »

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Mopalait (Fromagerie Morin)
Activité : fabrication de produits du terroir (fromages et produits auvergnats), vente au détail et aux professionnels
Lieu : Aurillac (Cantal)
Effectif : 29 salariés
Chiffre d’affaires : 4 millions d’euros

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