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Les salariés intérimaires

BTP : la montée en compétence est permanente

En région Occitanie, tous les intérimaires affectés aux chantiers de gros œuvre doivent être en mesure de présenter un certificat de compétence au travail en hauteur (CCTH). Un dispositif qui leur permet d’arriver avec une meilleure compréhension des risques. Rencontre avec l’entreprise BFC Bâtiment sur un chantier de construction d’immeubles de logements à Montpellier.

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Grégory Brasseur - 02/06/2023
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Illustration d'un certificat de compétences au travail en hauteur

C’est un chantier plutôt traditionnel, avec un programme de huit mois et demi de gros œuvre pour la construction d’une résidence de 79 logements à Montpellier, dans l’Hérault. L’entreprise BFC Bâtiment, en charge de cette intervention, y a affecté une vingtaine de personnes, parmi lesquelles 30 % d’intérimaires. « On doit faire face à un réel problème d’embauche. Nous avons recours à l’intérim car beaucoup s’y sentent bien », nous confie Sérafin Texeira, le chef de chantier. « As-tu ton CCTH ? », demande-t-il à l’un des intérimaires, Mohamed Ait Baali, maçon finisseur, un poste-clé qui requiert notamment une grande autonomie décisionnaire. Le jeune homme lui tend son papier.

Le certificat de compétence au travail en hauteur (CCTH) gros œuvre est délivré par un organisme partenaire de la Carsat. Mohamed Ait Baali l’a obtenu en 2018, au terme d’une formation de trois jours donnant lieu à une évaluation théorique et pratique. « J’y ai appris beaucoup de choses sur les risques de chutes de hauteur et le travail dans l’environnement des banches, assure-t-il. Aujourd’hui, si une entreprise me propose un échafaudage qui présente un problème de conformité, je saurai le dire. »

En Occitanie, tous les intérimaires des métiers du gros œuvre doivent être titulaires du CCTH. Une exigence de la Carsat. « Ils s’adaptent plus rapidement au poste de travail et aux procédures de sécurité. Tout le monde est plus serein. Les entreprises d’intérim le savent : chez nous, sans le CCTH, ils ne sont pas reçus sur chantier », affirme Louis Ascione, conducteur de travaux chez BFC Bâtiment. « La qualité des intérimaires compte autant que pour n’importe quel salarié. Quand la mission prend fin et que ça se passe bien, on essaie de les affecter à un autre chantier », poursuit Sérafin Texeira.

Un dispositif décliné par métier

Dans cette région, l’idée d’une formation spécifique à la sécurité pour les intérimaires a émergé en 2014, quand l’un d’eux, un bancheur, est tombé de quatre mètres de haut sur un chantier. S’il en est miraculeusement sorti indemne, l’accident a été révélateur d’une faille. Affecté à un poste de bancheur, l’intérimaire n’avait aucune qualification particulière pour ce travail et venait de quitter une mission en tant que boulanger. « Ce problème autour de la délégation des intérimaires sur les chantiers nous a conduits à agir. Après avoir constitué un groupe de travail inter CTR (les comités techniques régionaux - CTR - sont des structures strictement paritaires composées de représentants des organisations profesionnelles de salariés et d'employeurs) avec les représentants du bâtiment et des travaux publics et des activités d’intérim, nous avons invité les organisations professionnelles à nous rejoindre, relate Pascal Sinczak, ingénieur-conseil à la Carsat Languedoc-Roussillon. En 2017, avec Prism’emploi, la Fédération française du bâtiment Languedoc-Roussillon et d’autres acteurs du réseau prévention que sont l’OPPBTP et la Dreets, nous avons élaboré le dispositif CCTH qui a été décliné par métier. »

REMISE À JOUR RÉGULIÈRE

Lors de la formation au CCTH, pendant trois jours (trois modules d’une journée), les intérimaires, par groupe de dix environ, sont accueillis avec mise à disposition d’un plateau technique. La formation alterne entre présentations théoriques (avec supports écrits, audio et vidéo) et mises en pratique. L’agence d’emploi peut demander la présence d’un traducteur et les formations peuvent être regroupées en fonction de la langue parlée par les participants, lorsqu’ils ne maîtrisent pas bien le français. Tous les cinq ans, elles doivent être renouvelées. Ces sessions se déroulent sur trois jours, ce qui permet de mélanger les profils – ceux qui ont déjà été formés et les nouveaux – et de se confronter aux évolutions techniques et aux nouveaux matériels utilisés. Le coût global de la formation étalé sur cinq ans est estimé à 700 euros tout compris pour un manœuvre, 900 euros pour un personnel plus qualifié. À l’issue de la formation, 97 % des personnes obtiennent leur CCTH.

À l’époque, le Fonds d’assurance formation du travail temporaire mobilise 300 000 euros pour lancer le dispositif. Lors de la première vague, 2 000 intérimaires sont ainsi formés. « L’action a été intégrée dans le plan régional santé au travail Occitanie 20162020 et reconduite dans le suivant », reprend Pascal Sinczak. L’expérimentation a débuté avec le gros œuvre, puis a été élargie en 2020 et 2021 à d’autres corps d’état : charpentiers couvreurs, intervenants sur revêtements extérieurs (façades, isolation, peinture…), étancheurs.

En 2023, cela concernera aussi les menuisiers, serruriers, les travaux sur revêtements intérieurs, les thermiciens et plombiers intervenant en toiture et les autres opérateurs des chantiers du bâtiment. « On passera bientôt le cap des 10 000 intérimaires formés par l’un des dix organismes partenaires, affirme Olivier Springard, contrôleur de sécurité à la Carsat. Aujourd’hui, sur les chantiers de gros œuvre de la région, si un intérimaire n’est pas titulaire du CCTH, l’entreprise d’intérim et l’entreprise utilisatrice risquent l’injonction. »

Un accueil plus simple et une ouverture à la prévention

« C’est un gain en compétence. Les intérimaires sont valorisés et acquièrent des notions de sécurité qu’ils peuvent appliquer directement », estime Constance Naudy, responsable d’une agence Appel intérim. Depuis la mise en place du CCTH, elle a d’ailleurs enregistré une diminution de 15 à 17 % des accidents du travail sur ses chantiers. Du côté de l’entreprise utilisatrice, le chef de chantier a lui aussi tout intérêt à recevoir des intérimaires mieux formés. « Lors de l’accueil et de la formation au poste, cela permet de se concentrer sur la vie du chantier. Ils ont déjà reçu une sensibilisation à la sécurité et, lorsque l’on présente le livret illustré, ils comprennent mieux les choses », affirme Louis Ascione. Dans un milieu où la pression liée aux délais est parfois forte, ce supplément de sérénité n’est pas un luxe.

Un intérimaire sur un chantier en situation de travail en hauteur.

Raphaël Rodriguez, directeur des opérations pour le Crédit Agricole immobilier, maître d’ouvrage sur le chantier, est également totalement en phase avec le dispositif : « Nous menons une politique de visites de chantiers régulières, avec la conviction que la vigilance doit être la même pour tous. » « Il faut que tous les acteurs soient impliqués, du maître d’ouvrage à l’encadrement de chantier – qui doit avoir l’œil et la réactivité nécessaires – jusqu’aux opérateurs, salariés de l’entreprise ou intérimaires, martèle Pascal Sinczak. Par le passé, nous avons travaillé sur les formations des encadrants et des permanents sur les chantiers. Avec cette action visant les intérimaires, l’objectif est plus que jamais de continuer à déployer une culture de prévention. Pour qu’elle soit partagée, il faut un langage commun. »

Sur les chantiers d’Occitanie, la typologie des accidents graves et mortels est bien connue : 30 % sont des chutes de hauteur, 30 % sont liés aux équipements, 30 % à la stabilité des structures et aux chutes d’équipements de travail et 10 % aux autres situations. « On sait où doivent se concentrer les efforts », conclut le préventeur, convaincu qu’un déploiement du dispositif CCTH au niveau national aurait tout son sens.

UN CERTIFICAT POUR PLUS DE COMPÉTENCES

Le programme du CCTH gros oeuvre comprend un rappel sur les basiques de la prévention des risques professionnels. Les intérimaires qui suivent la formation apprennent à utiliser les échafaudages fixes selon la recommandation R408 de la Caisse nationale d’assurance maladie ; monter, démonter et utiliser les échafaudages roulants selon la R457 ; utiliser des plates-formes de travail en encorbellement selon la R464 et les harnais antichute selon la R431 ; mettre en oeuvre des banches en sécurité selon la R399 ; et poser et déposer en sécurité des équipements de protections collectives temporaires. Cette formation délivrée par un organisme de formation partenaire donne lieu à l’attribution d’un CCTH reconnu par la Carsat, en application des recommandations citées.

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