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Les salariés intérimaires

Des partenariats pour apprendre à travailler ensemble

Lorsque agences d’emploi et entreprises utilisatrices se connaissent bien et ont appris à travailler ensemble, la mise en place d’une réflexion commune sur la sécurité est facilitée. À l’image de ce qui a été mis sur pied par l’entreprise Cofel avec Crit, l’une des agences d’intérim avec laquelle celle-ci collabore depuis longtemps.

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Céline Ravallec - 02/06/2023
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Un intérimaire échange avec le responsable QHSE de l'entreprise Cofel.

Vesoul, sa chanson, sa Motte, son bassin industriel… et ses missions d’intérim bien préparées. C’est dans la préfecture de la Haute-Saône qu’est basé l’un des sites de Cofel Industries, entreprise spécialisée dans la fabrication de matelas et sommiers. Dans cette usine de 26 000 m2 ouverte en 1958 sont fabriqués chaque année environ 210 000 matelas et 100 000 sommiers, commercialisés sous la marque Mérinos. Manutentions manuelles des produits finis, gestes physiques répétitifs (assemblage des sommiers, agrafage des lattes en bois qui forment les sommiers), piétinement aux postes, risque machines, coactivité engins-piétons... Les risques liés à l’activité sont divers.

Du fait d’une activité saisonnière, l’entreprise fait appel, à certaines périodes, à des intérimaires pour ajuster son effectif, de 130 salariés permanents, au volume de production. C’est là qu’intervient Crit, l’une des agences d’emploi (AE) avec laquelle travaille régulièrement l’établissement. Les deux acteurs se connaissent très bien, ayant depuis longtemps l’habitude de travailler ensemble. « Nous effectuons depuis plusieurs années un gros travail d’échanges et de partenariat, souligne Magali Philippe, responsable de l’agence Crit de Vesoul. Un travail qui s’est inscrit dans la durée. Les échanges sont très réguliers, pour ne pas dire quotidiens. » Ainsi, tous les recruteurs de l’agence connaissent bien Cofel, son activité, ses postes, ses contraintes, au point de devancer parfois ses demandes lorsqu’un profil correspondant à ses potentiels besoins se présente.

PREVENTION INTERIM

La Carsat Bourgogne-Franche Comté a dévelopé un outil pour évaluer et améliorer les pratiques en matière de prévention des risques professionnels des travailleurs intérimaires. Cet outil est disponible en ligne.

Partir sur de bonnes bases

« Certaines choses se mettent en place facilement lors de la préparation de la délégation d’intérim parce qu’il y a eu un gros travail en amont », observe Fabien Bonnici, responsable régional performance et conformité chez Crit. « Dès que Crit embauche un nouveau collaborateur en interne, susceptible donc de nous fournir de la main-d’œuvre temporaire, notre priorité est de l’accueillir pour une visite de notre site, explique Anaïs Sartorio, directrice des ressources humaines chez Cofel. C’est beaucoup plus concret. En prévision des futurs recrutements, ça leur permet de bien connaître nos différents postes et notre environnement de travail. »

Assurer aux permanents de l’AE une bonne connaissance de l’activité et des spécificités de l’entreprise utilisatrice (EU) est un prérequis pour partir sur de bonnes bases. « C’est un fonctionnement à l’image de ce qui a été mis en place dans le cadre du plan d’action régional Intérim, remarque Fabrice Baretti, contrôleur de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté : AE et EU se mettent autour de la table et adoptent des décisions de fonctionnement communes. »

Outre une bonne connaissance préalable des postes et une définition précise des besoins, l’accueil et l’intégration chez Cofel d’un salarié font l’objet d’une attention particulière. Tout nouvel arrivant – tous passent par l’intérim – a un premier échange de 20 à 30 minutes avec le chef de secteur sur le poste de travail et découvre son environnement de travail direct. « Nous projetons également un film qui récapitule les règles de sécurité du groupe, explique Marc Lamboley, responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) du site. Puis un accueil sécurité se tient au poste durant 15 à 20 minutes, au cours duquel sont présentés les différentes zones à risques, les dispositifs de sécurité, les sauveteurs secouristes du travail du secteur, les panneaux d’information… »

Un salarié de l'entreprise Cofel travaille avec une intérimaire.

Aucun nouvel arrivant ne se retrouve seul sur un poste, il y a toujours des collègues pour accompagner, expliquer, mettre en garde si besoin. Un audit propre à Cofel a également lieu à J+5 puis J+15 pour évaluer la bonne application des mesures de prévention « Dans les 15 jours qui suivent le début de la mission, nous échangeons avec l’intérimaire pour voir comment se passe la mission, et la sécurité est bien évidemment abordée au cours de cet entretien », note de son côté Magali Philippe.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Julie Peltier, intérimaire

© Fabrice Dimier pour l'INRS/2023 
« Avant je travaillais dans la grande distribution mais, suite à un rachat, j’ai décidé de changer de secteur d’activité. Je ne connaissais pas l’industrie, et je me suis dit pourquoi pas ? J’ai commencé ici par un poste à l’assemblage, où on travaille par équipe de quatre. Puis j’ai eu une formation à l’affichage, où là on travaille en tandem. Puis j’ai suivi une formation de quelques semaines sur la machine côté bandes : il y a plusieurs semaines d’observation et, quand on se sent à l’aise, on se lance. Aujourd’hui, je suis à la GB2 qui sert à fabriquer les plateaux (face été/face hiver) des matelas. C’est hyper technique, mais très intéressant. Tous les jours, on assimile de nouvelles infos. Et il faut toujours anticiper, anticiper, anticiper… »

Fidéliser

« En matière d’accidentologie, il n’y a pas d’écart entre le personnel intérimaire et le personnel salarié au sein de notre usine, constate Kévin Roux, directeur de l’établissement. Les accidents surviennent peu en début de mission, mais plutôt après le premier mois, quand les salariés commencent à prendre confiance, et ne se rendent plus suffisamment compte qu’ils évoluent dans un environnement industriel. » Les machines, c’est justement la grande passion de Julie Peltier, qui a fêté un an d’intérim dans l’entreprise le 20 avril dernier, et découvert plusieurs postes depuis son arrivée. « On reçoit les informations sécurité de la part de l’entreprise et de la part de l’agence, c’est très complet », témoigne-t-elle.

À l’autre bout du bâtiment, William Porchaire, en intérim depuis un an et demi au poste de cariste, et ponctuellement aux manutentions en bout de chaîne, semble lui aussi satisfait. « Le premier jour, j’ai été accueilli par Madame Sartorio. Nous avons visité l’usine puis mon poste. Quand on conduit un chariot, on apprend vite à faire attention à ce qui se passe autour de nous. » Du fait des tensions sur le marché de l’emploi, Cofel cherche à fidéliser les intérimaires qui apportent satisfaction, en vue même dans certains cas de leur proposer un CDI dans l’entreprise au terme des missions. Ainsi, pour pallier les départs en retraite, quatorze intérimaires ont été embauchés comme salariés permanents en 2022, et six sur le premier trimestre 2023.

PLAN D’ACTION RÉGIONAL INTÉRIM

La Carsat Bourgogne-Franche-Comté a mené depuis 2018 un plan d’action régional (PAR) Intérim. « Notre objectif était de faire progresser une cible d’établissements en améliorant le partage d’informations et la coordination entre les AE et les EU, témoigne Gabriel Sellam, ingénieur-conseil à la Caisse régionale et pilote du PAR. Pour cela, nous avons incité les agences d’emploi et les entreprises utilisatrices à dépasser la logique commerciale qui fonde leur relation et à faire de la santé et sécurité au travail un véritable enjeu partagé. Nous avions en effet constaté que le manque de partage d’informations et la méconnaissance des besoins réciproques étaient en cause dans la survenue de nombreux accidents du travail. » Une forte augmentation de la sinistralité avait été observée au sein de la population intérimaire entre 2014 et 2017 en Bourgogne-Franche-Comté : si, sur cette période, le nombre d’intérimaires avait augmenté de 30 %, le nombre d’accidents du travail avait lui augmenté de 50 %.

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