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Verrerie

La transparence au cœur du métier

BMV Verre fabrique des verres trempés, feuilletés, émaillés, laqués… Dans cet univers industriel, où des plaques de verres plats pouvant atteindre 700 kg et 15 mm d’épaisseur sont déplacées, découpées, chauffées, trempées, ce sont les risques psychosociaux qui vont être à l’origine d’une réflexion touchant l’ensemble de la production.

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Delphine Vaudoux - 23/10/2023
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Deux salariés de l'entreprise BMV Verre en situation de travail.

C'est une histoire singulière, qui commence par un diagnostic RPS (risques psychosociaux) et débouche sur un plan d’action qui impacte tout le monde. Verres trempés, feuilletés, émaillés, laqués… BMV Verre est une entreprise spécialisée dans la transformation de verres plats sur mesure, pour des douches, des crédences de cuisine, des cloisons de bureaux ou encore des cabines d’engins de chantier. Créée en 1979 à Villeurbanne, dans le Rhône, puis installée en 1989 à Feyzin, l’entreprise a plusieurs fois changé de mains avant d’être rachetée en 2018 par Olivier Manisse, l’actuel PDG. Les risques professionnels classiquement rencontrés dans ce type d’activité sont les coupures, le port de charges, les collisions, les brûlures, les postures contraignantes… Mais, ici, ce sont les risques psychosociaux qui vont constituer le point de départ d’une importante démarche de prévention des risques professionnels.

Septembre 2021, un accident grave survient dans l’entreprise. « Nous sommes intervenus avec l’inspection du travail pour mener l’enquête, alors que l’entreprise était déjà en contact avec le service de prévention et de santé au travail, explique Flora Gadiolet, contrôleuse de sécurité de la Carsat Rhône-Alpes qui suivait alors l’entreprise. Rapidement, le contexte nous paraît compliqué. » Les trois organismes dressent le même constat : manque de transparence et de dialogue social, problèmes de communication et très fort taux d’absentéisme (jusqu’à 40 % des effectifs). Une somme d’indicateurs qui mènent inévitablement à se pencher sur les RPS. « La situation n’était plus tenable pour moi, il fallait tout remettre à plat », renchérit le PDG.

Sur les conseils de la contrôleuse de sécurité, celui-ci sollicite l’intervention d’un tiers. « Nous avons consulté des cabinets de consultants RPS référencés par la Carsat, explique Olivier Manisse. Nous avons opté pour celui qui avait les préférences des représentants du personnel. » L’intervenante – une psychologue clinicienne – réalise  une heure d’entretien individuel avec chaque salarié volontaire, soit la quasi-totalité des 35 membres de l’effectif. Dans un deuxième temps, l’intervenante rencontre les personnes en groupe. « Les entretiens en face à face ont leur intérêt, poursuit Flora Gadiolet. De même que ceux en groupe, au cours desquels on va peut-être dire moins de choses, mais des arbitrages y sont réalisés et des priorités ressortent. »

Pendant cette période de diagnostic, en janvier 2022, Vincent Triniol rejoint l’entreprise comme responsable QSE (qualité, sécurité, environnement) pour piloter le projet RPS. « L’intervenante a créé un climat de confiance, relate ce dernier. Même des personnes réticentes au départ ont participé aux entretiens. » Les restitutions mettent en évidence le manque de communication, des problèmes de visibilité sur la production ou encore de charge de travail, de qualité ou de croisement (ou plutôt de non-croisement) entre les équipes. Un plan d’action en groupe de travail voit le jour, de même que le recrutement d’une DRH en temps partagé.

Une machine essentielle remplacée

« L’entreprise était organisée un peu comme un regroupement d’artisans spécialisés », souligne le dirigeant. Le plan d’actions se structure autour d’un groupe, qui assure le pilotage et le suivi, et de six sous-groupes. Peu ou prou, toutes les personnes volontaires peuvent faire partie d’un groupe, que ce soit en maintenance, communication, qualité… avec un savant mélange des activités, des âges et de l’ancienneté. La Carsat continue d’accompagner l’entreprise, en la personne d’Adeline Vernay. « Il fallait d’abord s’assurer que le plan d’action correspondait au diagnostic posé pour ensuite trouver comment mesurer l’effet des actions et garantir leur pérennité. » Parmi les sujets qui ont émergé, on peut citer l’autonomie dans la tâche, la conformité des machines, la conduite du changement, les contraintes et rythmes de travail…

Un salarié de l'entreprise BMV Verre en situation de travail.

Une machine essentielle, celle par qui passe près de 80 % de la production, apparaît comme la source de nombreux problèmes. Un peu dépassée, souvent en panne, elle trône à l’entrée de l’atelier de 3 000 m2. Des dizaines de plateaux de verres sont stockés verticalement à proximité. Tous ceux qui devront avoir une forme rectangulaire passent dans cette machine qui rend les bords non coupants. « Nous travaillons souvent dans l’urgence, pour des demandes sur mesure. Il nous faut donc du matériel en bon état », remarque le dirigeant. Le moindre couac de la machine a des répercussions sur l’ensemble de la production. Son remplacement était donc devenu urgent. La décision d’achat, malgré son coût (500 000 €), est prise en juillet 2022. Une fois la commande passée, il faudra attendre un an pour sa livraison qui s’accompagnera de la formation de quatre personnes.

Le dialogue est quotidien

Côté qualité, à son arrivée, Vincent Triniol a entièrement repris en main ce sujet et fixé des normes cohérentes pour limiter les retours clients. Une défauthèque est désormais disponible, avec photos à l’appui.  « Définir ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas permet à chacun de trouver du sens à son travail », insiste Adeline Vernay. De plus, toutes les machines vont être contrôlées afin de vérifier leur conformité. Les horaires ont aussi été revus, facilités par un renouvellement important des salariés : alors que tous les horaires existaient jusqu’à présent, seuls deux sont désormais proposés aux nouveaux embauchés avec des plages facilitant la rencontre et les échanges entre les équipes du matin et du soir.

20 % d’absentéisme à peine ont été comptabilisés en moyenne sur les premiers mois de l’année 2023 contre un taux de 40 % en 2021.

Des réunions quotidiennes sont organisées avec la maintenance, la production, la direction, la qualité, avec affichage à la clé. « Ce qui est intéressant, c’est que la production est maintenant consultée par les commerciaux pour les délais, c’est un vrai progrès pour mieux appréhender la charge de travail », note la contrôleuse de sécurité. L’absentéisme a diminué, le dialogue est quotidien, des embauches ont eu lieu pour fluidifier la production, améliorer la maintenance… Le gros du travail est en cours, mais il y a des signes qui ne trompent pas, selon la contrôleuse de sécurité : des salariés diffusent les postes ouverts autour d’eux. « Certains nous ont même amené des affaires », s’enthousiasme Vincent Triniol. « Je suis impressionnée par la qualité de ce plan d’action », remarque Flora Gadiolet. Parti des risques psychosociaux, il devrait s’étendre à toute l’organisation de l’entreprise, notamment sous l’effet de la volonté de l’ensemble des salariés. Reste à trouver les bons indicateurs afin de s’assurer de son suivi et de sa pérennité. C’est l’affaire de Simon Boisset, en stage QSE (qualité, sécurité, environnement) et qui va poursuivre avec un an en alternance. « Le sujet est tellement riche et passionnant ! », déclare-t-il.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : BMV Verre

Lieu : Feyzin (Rhône)

Activité : transformation de verres plats, pour des projets sur mesure

Effectif : 35 salariés

Chiffre d'affaires (2022) : près de 4 millions d’euros

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