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Travaux en terrains amiantifères

Une unité mobile pour décontaminer

Terraco est une entreprise corse, amenée à intervenir fréquemment sur des terrains amiantifères. Pour décontaminer ses opérateurs en toute sécurité, elle a opté pour une unité mobile de décontamination spécifique, sur les conseils de la Carsat Sud-Est.

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Delphine Vaudoux - 18/12/2023
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Un salarié de l'entreprise Terraco en situation de travail.

Biguglia, une petite ville proche de Bastia. Au fond d’une zone pavillonnaire s’active une pelleteuse sur un chantier. Et qui dit intervention dans cette zone de Haute-Corse, dit possibilité de présence d’amiante. « Notre client a fait procéder à la campagne de prélèvements obligatoires avant le démarrage des travaux, explique Caroline Dalessio, encadrante technique amiante, chargée de qualité, sécurité, environnement (QSE) au sein de Terraco, l’entreprise en charge des travaux. Dès que l’on enlève l’enrobé, on se trouve en présence d’amiante naturel. » Terraco a donc installé une unité mobile de décontamination (UMD) pour les salariés qui travaillent sur ce site. Mais un tout nouveau modèle, conçu spécialement pour ce type de travaux.

« Nous intervenons pour Acqua Publica, dans le cadre d’un chantier de remplacement ponctuel du réseau de transfert alimentant en eau potable la ville de Bastia, nécessitant la pose de nouveaux tuyaux  », explique Pascal Guichou, conducteur de travaux et encadrant technique de Terraco. Les conduites de transfert d’eau potable passent au beau milieu des ruelles pour accéder aux habitations. Une zone dite « rouge », potentiellement contaminée par de l’amiante, a été délimitée sur 170 m linéaires. Trois opérateurs formés à ce type de travaux sont à l’œuvre pour réaliser une tranchée. Ils sont équipés de combinaisons jetables de type 5 munies de capuche, de masques à ventilation assistée avec moteur à la ceinture qu’ils ont eux-mêmes choisis. Les gants et les bottes ou chaussures de sécurité sont fermés hermétiquement à l’aide d’un scotch. Ils ont réalisé une première vacation ce matin, la deuxième est en cours.

La douceur de ce début d’automne, avec une température qui tourne autour de 20 °C, leur permet d’effectuer des vacations complètes. « Celles-ci sont de deux heures, suivies d’une demi-heure d’arrêt. Pour la pause méridienne, nous ajoutons une heure pour déjeuner », précise Caroline Dalessio. Les vacations ne doivent pas excéder les six heures quotidiennes, et leur durée décroît avec l’élévation de la température extérieure et la pénibilité de la tâche. « Si la température atteint les 34 °C, il n’y a pas de vacation possible », conclut la chargée de QSE.

Respecter le cahier des charges 

« Notre entreprise emploie une centaine de salariés et une quinzaine d’entre eux, formés aux travaux en zone amiantifère, traitent trois ou quatre chantiers simultanés, au contact de matériaux ou de sols amiantés. Pour ce faire, nous utilisons des unités mobiles de décontamination, remarque Pascal Guichou. Nous avions tendance à les louer, mais cela nous coûtait très cher. » Ces dernières années, l’activité amiantifère de Terraco se développant, les responsables se sont penchés sur l’achat d’UMD. L’entreprise n’intervenant qu’en Corse, Bruno Breyton-Perfetti, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, incite ses dirigeants à réfléchir à l’acquisition d’une unité mobile de décontamination spécifique aux terrains amiantifères.

« Cette proposition a reçu un accueil favorable, affirme le contrôleur de sécurité, d’autant que la Carsat pouvait les accompagner avec un contrat de prévention. » Seul problème, ce type d’unité n’existe pas sur le marché. S’ensuit la consultation, par Terraco, de plusieurs fabricants, avec un cahier des charges stipulant qu’il fallait éviter l’apport d’air neuf déjà contaminé, dans le compartiment propre, du fait de la nature de l’environnement du chantier en terrain amiantifère. « Mais aussi, il fallait que l’utilisation soit compatible en sites et en sols pollués lorsque la décontamination des travailleurs est requise, comme lors de pollution au plomb », poursuit Bruno Breyton-Perfetti qui accompagnera, avec Laurent Roubin, expert amiante de la Carsat SudEst, l’entreprise dans la conception et le suivi technique.

Des travailleurs de l'entreprise Terraco interviennent sur un chantier en terrain amiantifère.

Ainsi, les éléments de l’UMD doivent pouvoir supporter sa mise en surpression par rapport au milieu extérieur, et celle-ci devra décroître en cascade, depuis la zone propre vers la zone sale, mais avec une pression supérieure à celle du milieu extérieur dans toute l’UMD. De plus, dans la zone propre, l’air provenant de l’extérieur doit être filtré. C’est finalement l’entreprise CNSE, spécialisée dans la fabrication de bases vie et UMD, qui relève le défi. « Ça n’a pas été simple, il nous a fallu plusieurs mois pour parvenir au résultat », constate Laurent Chiappori, le directeur commercial de CNSE.

Terraco possède en tout quatre UMD, dont celle de fabrication spéciale, présente sur le chantier de Biguglia. Elle est vaste, avec ses 6 m de long, et possède les cinq compartiments nécessaires à la décontamination des opérateurs : un premier en zone sale où l’opérateur enlève ou aspire ses bottes, suivi d’un deuxième pour la première douche de 5 minutes habillé ; dans la zone intermédiaire, l’opérateur enlève les EPI, puis passe dans la zone propre pour prendre une douche corporelle de 5 minutes. Il bénéficie ensuite d’un vestiaire pour se rhabiller avant de sortir. L’alimentation électrique peut se faire par un groupe électrogène situé dans une zone de rangement de l’unité prévue à cet effet ou par branchement au réseau électrique. Quant à l’eau, elle peut provenir d’une cuve ou du réseau, selon la disposition des lieux.

15 salariés sur la centaine que compte l’entreprise ont été formés aux travaux en zone amiantifère et traitent trois à quatre chantiers simultanés au contact de matériaux ou de sols amiantés.

Mohammed Boutaib, un opérateur, vient de terminer sa vacation. Il sort de l’UMD et affiche un grand sourire : « C’est très agréable, il y a beaucoup de place pour se déshabiller et se rhabiller. » L’entretien quotidien de l’UMD est réalisé par le personnel de Terraco, et chaque année, l’extracteur et le réseau électrique feront l’objet d’un contrôle plus poussé. « Environ une fois par semaine, des mesures d’empoussièrement ont lieu dans la base vie, dans l’UMD, au niveau du personnel et dans l’environnement », précise Pascal Guichou.

Cette UMD d’un nouveau genre pourrait « également servir en sites et sols pollués, où la présence d’agents chimiques dangereux rend nécessaire la décontamination par douchage en sortie de zone de travail, complète Anita Romero-Hariot, experte d’assistance-conseil à l’INRS. Le risque de contamination de l’air extérieur sur ces terrains doit alors être spécifiquement pris en compte pour établir l’aéraulique dans les UMD ». En effet, le personnel devra pouvoir se décontaminer tout en respirant un air neuf, exempt de polluants.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Terraco

Activité : terrassement, voirie et réseau divers, travaux publics, gros œuvre, ouvrages d’art…

Lieu du chantier : Biguglia (Haute-Corse)

Chantier : renouvellement de l’assainissement, en terrain amiantifère

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