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Ehpad

Veille, actions et améliorations pour lutter contre les TMS

À Dieppe, en Seine-Maritime, l’Ehpad Jacques-Bonvoisin a mis en place une démarche structurée de prévention des troubles musculosquelettiques, avec l’accompagnement de la Carsat Normandie. Changements d’organisation, formations, achat d’équipements… Des actions qui portent leurs fruits.

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Corinne Soulay - 18/12/2023
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Deux salariées de l'Ehpad Jacques Bonvoisin en situation de travail à la lingerie.

Il est 10 heures à l’Ehpad Jacques-Bonvoisin de Dieppe, en Seine-Maritime. À la lingerie, les machines ont fini de tourner. Sandrine Catel, une lingère, récupère les vêtements propres des résidents qui seront ensuite séchés et pliés. Il y a quelques mois encore, l’opération était contraignante, avec de nombreuses flexions du tronc pour sortir le linge et des ports de charges lors du transport des paniers remplis.

Désormais, Sandrine s’y attelle presque sans effort : les machines à laver ont été surélevées et les opératrices disposent de chariots roulants à hauteur de hanche et de tables à hauteur variable pour y déposer le linge. Un réaménagement qui s’intègre dans un projet global mené dans l’établissement pour prévenir les troubles musculosquelettiques (TMS).

« Dans le cadre du programme TMS Pros, développé par l’Assurance maladie-risques professionnels, qui propose une démarche de prévention structurée autour des TMS à destination des entreprises, la Carsat Normandie a lancé une action régionale auprès de sept Ehpad de la fondation Partage et Vie, dont Jacques-Bonvoisin fait partie », explique Laurent Grenier, contrôleur de sécurité à la Carsat qui a coordonné l’action. À Dieppe, la mise en œuvre de cette démarche repose sur le binôme formé par Marie-Odile Vincent et Chloé Mille-Cossard, la directrice et l’ergothérapeute de l’établissement.

UNE ACTION RÉGIONALE COORDONNÉE

En 2019, sept Ehpad de la fondation Partage et Vie, dans la Manche et en Seine-Maritime, ont été ciblés TMS Pros par la Carsat Normandie. Pour les faire progresser sur le sujet, celle-ci a lancé une action régionale coordonnée. Concrètement, des animateurs prévention, capables d’analyser les situations de travail et de mettre en place une démarche structurée autour des TMS, ont été formés. Ergothérapeute, infirmière…, des profils divers qui ont joué un rôle moteur, à l’image de Julien Letenneur, psychomotricien et formateur d’acteurs Prap2S, qui a coordonné la démarche sur plusieurs établissements dans le nord Cotentin. Chaque établissement a défini ses actions en fonction des situations de travail prioritaires et, entre 2022 et 2023, cinq réunions ont été organisées, rassemblant ces animateurs, les directeurs d’établissements, Laurent Caradeuc, le responsable RH régional de la fondation, et Françoise Gauchard-Robin, la directrice territoriale Nord-Ouest, ainsi que les contrôleurs de sécurité de la Carsat suivant les établissements. « Cela a permis d’instaurer une dynamique positive, pointe Laurent Grenier, contrôleur de sécurité à la Carsat Normandie. Aujourd’hui, ces Ehpad sont au-dessous de la moyenne des Ehpad de Normandie en termes de fréquence et de gravité des accidents de travail. »

Dans un premier temps, il a fallu prioriser les actions à mettre en place. « Nous nous sommes penchées sur les situations de travail qui généraient le plus d’accidents, indique Marie-Odile Vincent. Outre l’entretien et la distribution du linge, l’installation des résidents à table – avec des chaises difficiles à manipuler –, leur toilette, la mobilisation au lit, mais aussi la distribution de médicaments avec des contraintes liées aux actions de tirer-pousser du chariot, posaient problème. » Ayant suivi pour l’occasion la formation d’acteurs Prap2S, Chloé Mille-Cossard a ensuite réalisé des études de postes, en impliquant les salariés concernés, et proposé des solutions.

Moins de stress et de pression temporelle

Des investissements ont notamment été réalisés pour acquérir des équipements plus adaptées aux exigences de l’activité. Les chaises sont ainsi en passe d’être renouvelées au profit de modèles dotés de patins pour glisser plus facilement. Dans la salle commune du troisième étage où le déjeuner bat son plein, Laura Vauquelin et Clément Peltier, deux infirmiers, slaloment entre les tables. Pour distribuer les médicaments, ils bénéficient désormais d’un chariot motorisé, sur lequel est accroché un ordinateur, à hauteur d’yeux. « Le chariot est très facile à manœuvrer, c’est d’autant plus agréable le matin lorsqu’on doit faire des allers-retours dans les longs couloirs, souligne Laura. Et la distribution est simplifiée grâce à un logiciel qui indique toutes les posologies et permet une meilleure traçabilité. Avant on faisait ça sur papier, là c’est moins stressant. »

Une salarié de l'Ehpad Jacques Bonvoisin en situation de travail.

Des aides à la manutention, comme des verticalisateurs électriques ou des draps de glisse, sont aussi mis à la disposition des soignants pour les rehaussements au lit ou les transferts au fauteuil. Plus largement, l’objectif est d’amener le personnel à changer sa pratique et à réduire au maximum les portages délétères, fréquents dans ce secteur. « Tous ont suivi ou vont suivre la formation Montessori, qui part du principe qu’il ne faut pas faire “à la place” du résident, précise Marie-Odile Vincent. Tout ce qu’il est capable de réaliser, il le fait, ce qui participe au maintien de ses capacités. Pour le reste, on privilégie les aides techniques. »

Un exosquelette pour soulager le dos

Au deuxième étage, un résident doit justement se lever de son lit pour participer à une activité. Assise sur le rebord du matelas, une aide-soignante lui donne des consignes, étape par étape, pour qu’il utilise un guidon de transfert pivotant qui lui permettra de s’asseoir seul dans son fauteuil roulant. L’opération prendra plusieurs minutes… sans aucun portage. « Ici, les soignants sont déchargés de la contrainte temporelle, ils passent le temps nécessaire auprès des résidents, que ce soit pour réaliser une tâche – toilette, déplacement… – ou être au chevet d’une personne en fin de vie », insiste Marie-Odile Vincent. L’ensemble du personnel a également suivi une formation pour accompagner les chutes. « Lorsqu’un résident tombe, le réflexe est de le rattraper, quitte à se faire mal soi-même, insiste Chloé Mille-Cossard. Là, l’idée est d’accompagner la chute en protégeant la tête et la nuque, sans se mettre en danger. »

84 résidents , dont 28 atteints de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées, sont accueillis en unité de vie adaptée au sein de l’Ehpad Jacques-Bonvoisin.

Enfin, l’une des aides-soignantes bénéficie d’un exosquelette pour soulager son dos lors des toilettes du matin. « Ce dispositif n’est pas voué à être généralisé, remarque Marie-Odile Vincent. C’est une solution qui a été mise en place pour une personne précise, avec une pathologie spécifique, qui nécessitait une aide. Et elle n’a recours au harnais que si elle en éprouve le besoin. »

Alors que l’accompagnement de la Carsat pour cette action touche à sa fin, Marie-Odile Vincent se réjouit du chemin parcouru : « Entre 2021 et 2023, les accidents de travail sans arrêt sont passés de 30 à 10 et ceux avec arrêt de 8 à 3. Et cela se stabilise. » Mais pas question de s’arrêter là : l’établissement adopte une stratégie d’amélioration continue. Chloé Mille-Cossard poursuit son travail de veille sur le terrain pour repérer des situations à améliorer et des actions sont déjà prévues pour 2024 : des rails plafonniers vont être installés dans les chambres et l’ergothérapeute devrait bientôt former ses collaborateurs à la Prap2S, pour que chacun puisse devenir acteur de la prévention.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Ehpad Jacques-Bonvoisin (fondation Partage et Vie)

Lieu : Dieppe (Seine-Maritime)

Activité : accueil médicalisé de personnes âgées

Effectif : 70 salariés

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