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Charpentier/couvreur

Participer individuellement pour gagner tous ensemble

À Joinville, en Haute-Marne, les Ateliers Buguet Fils réalisent des charpentes et des éléments de couverture qu’ils installent ensuite sur des chantiers conventionnels comme patrimoniaux. Malgré les réticences de certains collaborateurs en matière de prévention, l’entreprise a réussi à faire progresser la sécurité en impliquant les salariés dans les choix stratégiques.

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Damien Larroque - 23/05/2024
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Un salarié de l'entreprise Buguet en situation de travail.

En 1990, Nicolas Buguet reprend les rênes des Ateliers Buguet Fils, entreprise familiale de charpente et couverture installée en Haute-Marne. Son ambition : la développer et la moderniser. Il crée un bureau d’études en 2000 et, trois ans plus tard, acquiert un centre d’usinage numérique qui à l’époque était plutôt l’apanage des acteurs industriels du travail du bois. À partir de 2020, l’entreprise se spécialise dans le patrimoine mais la réussite manifeste de ce choix stratégique est ternie par les chiffres de sinistralité.

« J’avais beau mettre en œuvre les recommandations de l’OPPBTP, en matière de sécurité comme de formation, nous plafonnions en prévention, confie Nicolas Buguet. Les équipes n’adhéraient pas à ce qu’elles considéraient comme des contraintes. » Certains salariés ne portaient leurs casques que lors des visites de chantier par la direction et les bonnes pratiques étaient trop souvent oubliées au profit de supposés gains de temps. « J’ai parfois dû sévir, comme lorsque j’ai licencié un employé particulièrement réfractaire à la prévention, qui était par ailleurs un bon professionnel, regrette le dirigeant. Le tournant a eu lieu avec l’arrivée de mon fils Mathis, il y a deux ans. »

8 générations de la famille Buguet se sont succédé à la tête de l’entreprise.
En associant les collègues aux réflexions, les solutions retenues sont mieux comprises et acceptées », estime Mathis Buguet, le directeur technique. Pour instaurer le dialogue, il s’appuie sur un document qui recense les manquements à la sécurité au début de chaque intervention sur un bâtiment. S’ensuit une discussion pour trouver comment y remédier. Les fers de maçonnerie ne sont pas protégés ? Demander à l’entreprise responsable de rectifier le tir. Les pièces de charpentes traînent partout ? Réorganiser le stockage.

Impliquer les salariés

« Les solutions doivent en priorité venir des équipes, mais si elles n’en trouvent pas, nous leur en proposons, souligne Mathis Buguet. Une fois d’accord, nous signons le document et je reviens pour une contre-visite pour vérifier que tout est en place. » Cette volonté de ne pas imposer des décisions unilatéralement a fait progresser les bonnes pratiques. Ainsi, les échelles tendent à disparaître des chantiers. Même lorsqu’il s’agit de ne changer qu’une seule tuile, le reflexe est d’avoir recours à une nacelle ou un échafaudage.

L’entreprise implique aussi les salariés dans les orientations stratégiques par l’intermédiaire de trois commissions au cours desquelles ces derniers prennent part aux décisions. Celles-ci sont également l’occasion de remontées de terrain suivies d’actions de prévention. Il est notamment ressorti des échanges que le chariot qui alimentait le centre d’usinage présentait des risques. Plus stable, le nouveau modèle est en outre électrique, ce qui évite l’exposition des salariés aux fumées de diesel. Ceux-ci ont également exprimé leurs aspirations à mieux concilier vie professionnelle et vie privée en ayant plus de flexibilité sur leurs dates de congés et de RTT : une expérimentation est en cours avec des résultats encourageants.

Deux salariés de l'entreprise Buguet en situation de travail au centre d'usinage.

Autre dossier d’actualité, le renouvellement du centre d’usinage pour répondre à l’évolution de l’activité. En effet, les chantiers ont tendance à imposer de plus en plus de diversité dans les tailles et formes de pièces de charpente. Actuellement, seulement 30 % de la matière première passent par cette machine, le reste étant travaillé à la main. « En commission, nous analysons les différents modèles de centre d’usinage avec les besoins de l’atelier afin de faire le choix le plus judicieux en matière d’efficacité comme de prévention des risques », indique Sébastien Vuillemard, responsable du bureau d’études. Quant aux formations, en participant au cahier des charges transmis aux organismes qui les dispensent, les salariés sont davantage satisfaits par les enseignements qui correspondent mieux à la réalité de leurs tâches.

Comprendre les besoins et contraintes

Ce changement de paradigme managérial a libéré la parole au-delà de la tenue des réunions. Quand un salarié est confronté à un problème ou trouve une idée d’amélioration, il le fait savoir. Par exemple, un couvreur a rapporté l’existence d’un atelier mobile de fabrication de zinguerie pour éviter de retourner à l’atelier – avec le risque routier, le stress que cela implique – lorsque les éléments de toiture viennent à manquer.

Une seconde remontée terrain concerne la découpe d’isolant qui nécessite des allers-retours entre le poste de travail et la scie à ruban. « Le modèle mobile de cet outil que nous avons acquis va changer la donne, se félicite Gérald Millot, le chef d’atelier. Depuis la mise en place des commissions, les liens entre les équipes chantiers et production se sont resserrés. Nous comprenons mieux les besoins et les contraintes des uns et des autres. »

« C’est une approche intéressante qui a fait nettement progresser Buguet Fils en prévention », estime Régis Fenard, contrôleur de sécurité à la Carsat Nord-Est. Preuve de l’éclosion d’une culture de sécurité, lorsque Nicolas Buguet ou son fils se rendent sur un chantier, ils constatent que les consignes de sécurité sont appliquées. Ce qui est de bon augure pour le projet de réorganisation des ateliers dont chacun des aspects est soumis à l’intelligence collective à l’œuvre au sein de l’entreprise.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Les Ateliers Buguet Fils

Localisation : Joinville (Haute-Marne)

Activité : réalisation de charpentes et de couvertures patrimoniales et conventionnelles.

Effectif : 22 salariés

Chiffre d’affaires : 2 millions d’euros.

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