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Nouvelles technologies

Une prévention réelle pour des dispositifs virtuels

La réalité virtuelle et la réalité augmentée connaissent une utilisation croissante, depuis plusieurs années, dans des domaines professionnels très variés. Peu de données existent toutefois sur les risques professionnels associés à l’utilisation de ces technologies émergentes.

5 minutes de lecture
Katia Delaval - 21/07/2022
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Un homme immergé dans un environnement virtuel.

Santé, formation, gestion des stocks, maintenance... des secteurs variés ont introduit la réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA) dans certaines de leurs activités et un nombre croissant d’entreprises y ont recours. Dans le cas de la RV, l’utilisateur est en immersion dans un décor virtuel, dans lequel il peut se projeter. Il interagit avec ce monde de synthèse en 3D, entièrement généré par un ordinateur, grâce à des dispositifs assurant une immersion totale : des visiocasques (c’est-à-dire des dispositifs d’affichage, portés sur la tête et dotés d’un écran d’affichage), le plus souvent, ou des salles immersives constituées d’écrans sur les murs, le sol et le plafond. La RA permet quant à elle d’intégrer des éléments virtuels dans l’environnement de travail du salarié, dans le but de lui apporter des informations complémentaires, générées en temps réel par des moyens informatiques. Ces informations, le plus souvent sous forme visuelle, sont délivrées par des casques, des lunettes connectées, des smartphones, des tablettes…

Bien qu’impliquant le virtuel, ces technologies émergentes sont utilisées dans des conditions de travail bien réelles. Dans le cadre professionnel, elles sont principalement mobilisées pour la formation, la santé et la gestion des stocks, selon le sondage réalisé en 2019 pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). En matière de formation ou de prévention des risques professionnels, la RV présente certains atouts. Par exemple, pour reproduire des situations rares sans mettre en danger l’utilisateur ou le former à certains gestes en toute sécurité. En conception, elle permet de faire intervenir physiquement l’opérateur dans l’utilisation future d’outils et de postes de travail, et d’identifier ainsi certains risques liés à de nouvelles situations de travail.

Concernant la RA, elle peut être utilisée pour guider un opérateur à distance en lui apportant des informations complémentaires, diminuant ainsi le risque d’erreurs potentiellement sources d’accident. Dans ce domaine, c’est l’utilisation des lunettes connectées qui a le vent en poupe. « La RA se développe dans la logistique et la maintenance principalement, ainsi que dans les activités de contrôle, constate Patrice Marchal, responsable d’études à l’INRS. La crise sanitaire, en favorisant le travail à distance, semble avoir accéléré cette tendance. »

Malgré des applications intéressantes, ces technologies émergentes ne sont pas sans présenter des risques potentiels pour la santé des travailleurs, en particulier ceux qui seraient amenés à en faire une utilisation régulière : fatigue visuelle, stress, fatigue physique… De même, leur incidence sur les risques d’accident n’est pas non plus négligeable. Des pistes de prévention commencent toutefois à se dessiner. L’Anses en particulier a récemment publié un état des lieux exhaustif des connaissances en la matière, dans le cadre professionnel et pour les particuliers.

La cybercinétose, risque le mieux caractérisé de la réalité virtuelle

L’exposition à la RV peut perturber le système sensoriel et occasionner troubles visuels, nausées, vertiges, sueurs, pâleur, pertes d’équilibre… Des symptômes proches du mal des transports, regroupés sous le terme de « cybercinétose », qui concerneraient 30 à 50 % des utilisateurs de la RV. Ils peuvent apparaître chez les personnes qui y sont sensibles dès les premières minutes d’utilisation et jusqu’à plusieurs heures après, voire plusieurs jours. Sont concernées notamment les femmes enceintes, les personnes épileptiques, souffrant du mal des transports, présentant des troubles de l’équilibre ou sujettes aux migraines… pour lesquelles l’Anses déconseille l’usage de cette technologie. L’agence recommande d’arrêter l’utilisation de la RV dès l’apparition de ces symptômes chez tout individu. Différentes mesures permettent par ailleurs de limiter leur survenue.

En outre, la RV modifie les capacités sensorielles, motrices et perceptives de l’utilisateur, ce qui peut altérer son habileté manuelle ou sa capacité à orienter son corps, pendant plusieurs heures après l’exposition. « Le corps fournit un effort important pour s’adapter au monde virtuel avec lequel il interagit, ce qui peut occasionner une certaine fatigue, souligne Dina Attia, coordinatrice scientifique du rapport d’expertise de l’Anses. Il est donc important de prévoir un temps de repos d’une heure ou deux avant de reprendre une activité nécessitant une forte concentration comme la conduite de sa voiture. » L’utilisation d’outils et de machines, présentant des risques pour l’opérateur ou les personnes présentes dans son environnement de travail, est également à éviter après l’exposition afin d’éviter des accidents.

LIMITER LA CYBERCINÉTOSE

La survenue de la cybercinétose peut être limitée par : 
 

  • Des mesures organisationnelles : limiter et contrôler le temps d'exposition à la RV en prévoyant des durées d'exposition courtes (par exemple de 10 à 20 minutes consécutives maximum) et proposer des pauses régulières entre les sessions. Plus la durée d'exposition est longue, plus les symptômes sont susceptibles de persister. Il est préférable d'exposer progressivement les utilisateurs à la RV et d'évaluer leur ressenti après chaque session ;
     
  • Des choix technologiques : choisir des graphismes de RV peu détaillés et faiblement réalistes, et dont le contenu est assez statitque ;
     
  • Une position du participant qui demande peu de contrôle postural : la position assise par exemple est préférable à la position debout.

Difficile de rester concentré en réalité augmentée

Concernant la RA, les données sont encore plus rares. L’afflux d’informations peut-il occasionner une surcharge mentale ou être la cause d’accidents ? « Afficher des informations devant l'un des yeux, ou les deux, du porteur de lunettes connectées peut altérer son champ de vision, précise Aurélien Lux, responsable d’études à l’INRS. Par ailleurs, il pourrait se concentrer plus sur les informations reçues que sur son environnement réel. Ce qui pourrait avoir pour conséquence une augmentation du risque de choc, de collision ou de chute. Nous menons actuellement une étude pour déterminer les risques liés au port de lunettes connectées lors des déplacements à pied. »

Un schéma de dispositif de réalité augmentée.

Ainsi, quatre technologies sont chacune testées par 20 participants, dont les déplacements et trajectoires sont analysés sur un parcours pour en évaluer les modifications éventuelles : lunettes monoculaires ou binoculaires, casque ou encore petit écran ajouté sur des lunettes : Autre volet de l’étude : déterminer les freins et les leviers à l’utilisation de cette technologie et évaluer l’impact perçu par ses utilisateurs sur leur santé physique (troubles musculosquelettiques notamment) et mentale. Dans cet objectif, deux types de questionnaires sont en cours de déploiement dans des entreprises testant cette technologie : « L’un pour le porteur des lunettes connectées, et l’autre pour celui qui le guide à distance et l’assiste depuis son ordinateur », détaille Marjorie Pierrette, responsable d’études à l’INRS. Un exemple d’étude dont les résultats contribueront à établir des recommandations pour l’utilisation, voire la conception, de ces équipements afin d’en optimiser la sécurité.

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