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Santé et aide à la personne

Avec la polyexposition, le risque d’accident est jusqu’à quatre fois plus grand

Une étude de l’INRS, menée sur le secteur de la santé et de l’aide à la personne, révèle qu’une exposition simultanée à des contraintes physiques et psychosociales augmente fortement le risque d’accident du travail chez ses travailleurs. L’éclairage de Régis Colin, responsable d’études à l’INRS et auteur de cette recherche.

2 minutes de lecture
Corinne Soulay - 27/04/2023
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Un salarié marche dans un couloir sombre.

Travail & Sécurité. Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à la relation entre polyexposition aux facteurs de risques physiques et psychosociaux et accidents du travail ?

Régis Colin. Après un état des lieux de la littérature, nous nous sommes rendu compte que nous manquions d’études épidémiologiques longitudinales sur le sujet. Soit les travaux ont une approche monorisque, soit ils sont une « photographie » sans suivi dans le temps et ils n’abordent pas la question de la causalité. Nous nous sommes basés sur les données de la 7e édition de l’enquête « Conditions de travail », menée par la Dares. Car, pour la première fois, celles-ci ont été recueillies en panel en 2013, puis en 2016, pour les mêmes salariés. Nous disposions à la fois d’une caractérisation fine des facteurs de risques physiques et psychosociaux et d’un suivi. Par ailleurs, nous avons pu les associer aux données de sinistralité de l’Assurance maladie, ce qui constituait donc un corpus consistant.

POUR EN SAVOIR PLUS

Rendez-vous au colloque INRS « Organisation du travail et risques psychosociaux : les apports de la recherche », le 27 juin 2023.
Inscriptions : rps.inrs.fr

Quelle méthodologie avez-vous utilisée ?

R. C. Nous nous sommes focalisés sur 4 400 travailleurs – 80 % de femmes – du secteur de la santé et de l’aide à la personne car, contrairement aux autres secteurs qui ont vu leur nombre d’accidents du travail et leur taux de fréquence baisser depuis les années 2000, pour ces travailleurs ces indicateurs ont évolué à la hausse. Six groupes de facteurs de risques physiques ont été pris en compte : les postures contraignantes et inconfortables, le port de charges lourdes, les vibrations et secousses, le bruit, les difficultés liées à la tâche et celles liées à l’environnement de travail considéré comme néfaste (température plus ou moins élevée…). Et, pour les risques psychosociaux (RPS), nous nous sommes appuyés sur les six grandes familles de facteurs de risques définies par Gollac en 2011 : l’intensité du travail, les exigences émotionnelles, le manque d’autonomie, les rapports sociaux au travail dégradés, les conflits de valeur et l’insécurité de la situation de travail.

Quels sont vos résultats ?

R. C. D’abord, si on observe chaque dimension indépendamment les unes des autres, parmi les six facteurs de risques physiques, seuls deux – le bruit et les vibrations – ne sont pas associés à un surrisque d’accident du travail. Même chose pour les RPS : seules deux catégories – l’intensité du travail et les conflits de valeur – ne sont pas associées à un surrisque. Toutes les autres le sont. Concernant la polyexposition, l’analyse nous a montré que, dans le secteur de la santé et du soin, une exposition simultanée à des contraintes physiques et psychosociales augmentait de manière significative la survenue d’accident du travail. Il n’y a pas d’un côté les RPS et de l’autre les risques physiques, mais bien un effet cocktail. En particulier, le fait d’être soumis conjointement à une forte exposition aux risques physiques et à une forte exposition aux RPS multiplie par quatre le risque de survenue d’accident du travail par rapport à une personne non exposée. Ce phénomène de potentialisation montre qu’il est important de ne pas considérer uniquement les facteurs de risques physiques – comme c’est encore souvent le cas – pour analyser la survenue des accidents du travail, mais également de prendre en compte, de la même manière, les facteurs psychosociaux. Il faut aussi poursuivre les études sur l’impact des RPS.

Peut-on en tirer d’autres pistes ?

R. C. Nous avons identifié des points communs dans les catégories exposées à plusieurs facteurs de risques physiques et psychosociaux ayant les taux d’accidents du travail les plus élevés, notamment sur des aspects organisationnels. Ces travailleurs ne pouvaient pas modifier leurs horaires par arrangement avec leurs collègues en cas d’imprévu, ils avaient connaissance de leur emploi du temps très tardivement, étaient soumis à un contrôle horaire et occupaient des emplois qui nécessitaient de travailler régulièrement, voire quotidiennement, au-delà de l’heure prévue. Ils avaient en outre des difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle… Par ailleurs, nous avons observé un déficit de prévention. Autant de leviers sur lesquels on pourrait agir pour réduire les facteurs de RPS et, par ricochet, la survenue d’accidents du travail.

Envisagez-vous d’étudier d’autres secteurs ?

R. C. L’enquête de la Dares ne traite pas seulement du secteur de la santé et de l’aide à la personne. L’idée est de poursuivre l’exploitation des données en ciblant d’autres activités, notamment l’hôtellerie-restauration, les domaines de production (chantiers…) et, éventuellement, les travailleurs de l’administratif, sous réserve d’avoir une puissance statistique suffisante. À plus long terme, notre objectif est de nous pencher sur l’impact de cette polyexposition dans les populations d’intérimaires.

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