À Menton, il n’y a non seulement les citrons, mais il y a aussi l’Esat Léo-Mazon. Créé en 1977 et membre du réseau Esatitude de l’Adapei AM, l’établissement accompagne 127 personnes qui exercent toutes une activité professionnelle dans des conditions de travail aménagées. Véritable petite ville dans la ville, disposant d’un foyer hébergeant 48 personnes accompagnées, les activités sont réparties sur deux bâtiments et plusieurs niveaux avec, dans un premier édifice, l’atelier de confiserie et la biscuiterie auquel est accolée la cuisine pour l’activité de restauration collective sur site. Le second bâtiment accueille quant à lui les activités de conditionnement sur deux étages : la station de tri des citrons de Menton, l’atelier de broderie, et un atelier de conditionnement dont une partie, fermée, est réservée pour celui des huiles essentielles.
Le matériel nécessaire à l’entretien des espaces verts y est également entreposé. « C’est le secteur d’activité le plus important avec 40 à 45 travailleurs impliqués et 9 salariés encadrants, explique Julien Dallet, responsable espaces verts. Mais ce pour quoi notre établissement est le plus connu, c’est certainement pour tout le travail que nous réalisons autour du citron. » Et pour cause, l’Esat est tout simplement le plus gros producteur de citrons de Menton avec, suivant les années entre quatre et huit tonnes produites, grâce à 200 arbres répartis dans deux vergers.
L’ADAPEI AM, QU’EST-CE QUE C’EST ?
L’Esat Léo-Mazon appartient au réseau Esatitude de l’Association départementale des parents amis de personnes handicapées mentales des Alpes-Maritimes (Adapei AM). Cette association à but non lucratif a été fondée le 22 avril 1955, conformément aux dispositions de la loi de 1901, à l’initiative de parents d’enfants atteints de handicap mental. Affiliée à l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), l’Adapei AM représente un total de 1 918 places financées pour 901 travailleurs en Esat, 850 salariés encadrants et 46 établissements et services (Esat, foyers d’hébergement et de vie, structures d’accueil handicap…).
L’établissement sert également de centre de tri pour environ 37 tonnes de citrons par an, sur les 60 tonnes de citrons de Menton qui bénéficient d’une Indication géographique protégée (IGP). Pour trier et calibrer une telle quantité d’agrumes, l’Esat s’est doté d’une trieuse automatique dont Sébastien Palagonia, moniteur, vante les mérites : « Auparavant, nous utilisions un simple gabarit en bois, source de perte de temps et de fatigue pour les préposés au tri puisque cela impliquait des gestes assez répétitifs. Maintenant, la machine pèse et trie automatiquement le citron en fonction du calibre, et les opérateurs peuvent ainsi se concentrer sur le contrôle à l’œil de son aspect global. »
L’atelier de confiserie et biscuiterie a également été équipé de nouvelles machines pour faciliter le quotidien des quatre travailleurs qui œuvrent chaque jour à la préparation de petits gâteaux, pâtes de fruits ou encore liqueurs au citron. « Nous avons investi dans un nouveau laminoir, explique Jean-Jacques Vuattoux, moniteur en pâtisserie, qui permet d’abaisser la pâte automatiquement. L’opérateur doit juste, à chaque laminage, ajuster la jauge de finesse de la pâte qui a été bloquée afin de ne pas dépasser une certaine limite par mégarde. »
Du verger à la cuisine
Tout a été organisé au sein de l’atelier sur le principe de marche en avant, pour faciliter le travail et diminuer les risques : sol antidérapant pour prévenir les glissades, four rotatif qui évite la manipulation des plaques de biscuits lors de leur cuisson, machine à remplissage et scellage automatique des pots de confiture qui évite les débordements et protège des risques de troubles musculosquelettiques (TMS)… « Nous restons un atelier pédagogique mais nos recettes rencontrent un vrai succès et la hausse de la demande nous fait glisser vers une production de plus en plus industrielle », précise Agnès Ségala, chargée de communication de l’Adapei AM.
Mais surtout ces machines permettent aux différents travailleurs d’être le plus autonome possible sur leur poste comme le reconnaît Jean-Jacques Vuattoux : « Les équipes font tout ici de A à Z, quel que soit le produit que nous réalisons. Moi qui ai passé quinze ans en pâtisserie traditionnelle auparavant, franchement je trouve qu’il y a plus de sérieux et d’engagement ici. » Et ce n’est pas l’enthousiasme de Sandrine Barelli qui contredira son moniteur. Cette dernière, tout en utilisant une remplisseuse automatique, explique : « Je n’ai qu’à mettre les quatre bouteilles les unes à la suite des autres et la machine remplit parfaitement, c’est rapide et efficace. » Dans une logique d’amélioration continue, la cuisine va bientôt recevoir une nouvelle sertisseuse pour bouteilles afin d’optimiser cette opération qui reste chronophage pour l’équipe, la machine actuelle ne permettant de sertir qu’une bouteille à la fois.
Adapter l’outil au travailleur
« Nous sommes convaincus que rien n’est inaccessible à nos travailleurs, à condition que ces derniers soient accompagnés pour monter en compétence et que les outils de production soient adaptés », détaille avec fierté Hervé Zanghi, directeur adjoint de l’Esat. Cette attention particulière se rencontre ainsi à chaque poste des différents domaines d’activité. Même les plus complexes, comme au conditionnement des huiles essentielles où la remplisseuse, encoffrée avec système d’aspiration dédié, est calibrée en amont afin que le travailleur puisse simplement remplir chaque petit flacon avec le bon mélange. « C’est assez remarquable, note Laurent Cammal, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est, puisqu’adapter le travail à l’homme est un des grands principes généraux de prévention. Ici, cela sert non seulement à améliorer les conditions de travail, mais aussi, à rendre le travail accessible à tous. »
Une démarche similaire a été initiée sur l’entretien des espaces verts, sous l’impulsion de Julien Dallet, visant notamment à développer l’outillage électrique. Si les outils s’avèrent un peu plus coûteux à l’achat, notamment en raison du prix des batteries, le responsable ne tarit pas d’éloges à leur propos : « Que cela soit pour une débroussailleuse, une tondeuse ou une souffleuse, les outils électriques sont simples à prendre en main et à utiliser, efficaces car il n’y a plus les ratés du moteur thermique, plus légers, moins bruyants, sans dégagement de fumées, il n’y a plus de manipulation d’essence… »
ACCOMPAGNER DANS ET HORS DE L’ÉTABLISSEMENT
La mission des encadrants de l’Esat ne s’arrête pas aux portes de l’établissement. En témoigne l’engagement de Julien Dallet, le responsable espaces verts, qui a fait renforcer la sécurisation du terrain d’une résidence adjacente afin que son équipe puisse y travailler en toute sécurité : « Il y avait un risque de chute très important qu’aucun employeur ”normal” n’aurait toléré. Ce n’est pas parce que nous sommes un Esat que nous acceptons de travailler dans des conditions dégradées. Nos équipes sont des professionnels à part entière, dont la rigueur et le sérieux sont d’ailleurs très souvent appréciées par nos commanditaires, qu’ils soient des particuliers ou des collectivités. »
Suivant le même principe, l’Esat a fait l’acquisition de deux petits véhicules d’entretien sans permis. Les travailleurs qui le souhaitent peuvent ainsi profiter d’une formation auprès d’une auto-école partenaire et devenir totalement autonomes sur la réalisation de certains chantiers d’entretien d’espaces verts : « Nous sommes vraiment très heureux de pouvoir leur offrir cette opportunité, indique Julien Dallet, et pour l’instant lorsque nous avons mis quelqu’un en responsabilité, nous n’avons jamais été déçus. Si le moniteur s’occupe de lister les tâches à réaliser et le suivi des travaux, nous avons désormais des binômes qui partent en autonomie avec les véhicules sur la zone de chantier. C’est vraiment satisfaisant pour tout le monde. »