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Les établissements et services d’aide par le travail (Esat)

Un atelier de pierres réorganisé pour améliorer les conditions de travail

L’Esat de Magnac-sur-Touvre, en Charente, a cherché à améliorer les conditions de travail des travailleurs handicapés au sein de son atelier de pierres reconstituées. Avec l’aide de la Carsat Centre Ouest, des aménagements et une réorganisation de l’espace ont permis de progresser dans la prise en compte de plusieurs risques.

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Céline Ravallec - 02/11/2022
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Des bénéficiaires de l'Esat Magnac.

« C’est bizarre, aujourd’hui vous travaillez mieux que d’habitude ! » José Certal, moniteur à l’atelier de pierres reconstituées de l’Esat Magnac, situé à Magnac-sur-Touvre, en Charente, charrie gentiment son équipe en notre présence. Autour de trois tables vibrantes, Marie-Christine, Martine et Camille, d’un côté, font face à David et Michaël (certaines personnes n’ont pas souhaité donner leur nom). Tous sont affairés à couler du mortier dans des moules qui, après séchage, vont donner forme à des dalles en pierres reconstituées. Achetées par des artisans ou des particuliers, elles serviront de dallage pour des terrasses ou des piscines. Un ballet rondement mené se déroule sous nos yeux, de façon continue.

65 personnes handicapées travaillent ici dans les différents ateliers que propose l’Esat : cuisine, montage électrotechnique, pierres reconstituées, cartonnage, prestations diverses… Au total, l’Adapei compte cinq Esat et un atelier adapté sur le département de la Charente.

Des bacs remplis de mortier sont successivement acheminés sur un chariot roulant auprès des trois tables. Après mise à hauteur des bacs, les travailleurs y prélèvent le mortier avec leur truelle et le versent dans les moules. Les tables vibrantes sont actionnées pour étaler de façon homogène la matière fraîchement disposée. Chacun égalise la surface avec sa truelle, retire le surplus. Une fois le mortier bien en place, ils portent à deux chaque moule pour le positionner sur un rack où il va rester à sécher durant 24 heures. L’opération est renouvelée toute la matinée.

Un Esat est une entreprise comme les autres

Cet atelier, dont l’activité a vu le jour à l’initiative d’un moniteur à la fin des années 1990, a fait l’objet de divers aménagements ces dernières années pour améliorer la sécurité et les conditions de travail des travailleurs handicapés. « Lors de ma première visite, en 2018, j’ai constaté qu’il y avait une bonne marge de progression », résume avec un sourire Jean-Sébastien Béjard, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre Ouest. Troubles musculosquelettiques, risque chimique, bruit ont été parmi les premiers risques identifiés. « Un Esat est une entreprise comme les autres, même si elle accueille un public particulier. Il y avait des choses à faire et, comme nous ne pouvions pas proposer d’aide financière du fait de l’effectif trop important de l’Adapei (NDLR : l’Adapei regroupe cinq établissements charentais), nous avons apporté notre expertise et nos conseils techniques dans la prise en compte des risques présents, ainsi qu’un accompagnement dans la démarche », poursuit-il.

2 travailleurs handicapés sont élus pour siéger à la CSSCT (ex-CHSCT), une fois par trimestre. L’occasion d’inclure et de mieux prendre en compte la parole de leurs collègues sur leurs conditions de travail.

L’intervention du centre interrégional de mesures physiques a permis de hiérarchiser les priorités avec l’entreprise. Deux actions ont été menées en parallèle : l’exposition aux poussières et l’éclairage. Ce second sujet est allé au-delà du seul atelier de pierres reconstituées. Il a en effet été aussi déployé dans les ateliers voisins de sous-traitance, où sont réalisées de nombreuses activités manuelles reposant sur la précision et la minutie. « Au final, ils sont allés au-delà de ce que nous avions proposé, au cartonnage et au montage électrotechnique, tout l’atelier a été équipé de leds », observe le contrôleur de sécurité.

Dehors mais abrité

À l’atelier pierres, les matières premières (sables, argiles) étaient stockées à l’extérieur et transportées jusqu’à la bétonnière dans des seaux. La présence de cette dernière dans l’atelier, sous un cône d’aspiration qui n’était plus fonctionnel, exposait à l’inhalation de poussières de silice et à des niveaux sonores supérieurs aux seuils limites. Une des premières actions a été de déplacer la bétonnière pour la positionner à l’extérieur de l’atelier, sous un appentis. Dès lors, l’exposition sonore a considérablement diminué pour l’ensemble des salariés, tout comme l’exposition aux poussières, même si de la poussière est encore émise lors du démoulage des dalles.

Afin de limiter les courants d’air pour les quatre travailleurs intervenant autour de la bétonnière, il a rapidement été demandé de fermer l’appentis de chaque côté. L’établissement a fait appel à un autre Esat de l’Adapei Charente pour concevoir et installer la porte coulissante. « Toute la logistique a été revue pour qu’il y ait le moins de mouvements possible », commente Nathalie Denier, la directrice de l’Esat.

UN ESAT QUI SE DÉVELOPPE

La moyenne d’âges des travailleurs au sein de l’Esat de Magnac est d’environ 40 ans, répartis suivant trois grandes classes d’âges : 1/3 a entre 20 et 30 ans, 1/3 a entre 30 et 45 ans, 1/3 a plus de 45 ans. La plus ancienne travailleuse a actuellement 61 ans, et a fait sa carrière à l’Adapei Charente. 

Des activités de soutien sont développées, comme dans beaucoup d’établissements homologues, telles que : sport, développement de savoirs de base, participation au fonctionnement de l’Esat, soutien psychologique ou paramédical, inclusion dans le réseau social de la cité... Une chargée de parcours professionnels a pour mission de développer des parcours d’inclusion des travailleurs dans le milieu ordinaire.

Des rencontres pour promouvoir les compétences des personnes ont eu lieu lors du Duoday, journée de rencontres qui se tient durant la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, ce qui a permis quelques embauches, notamment en restauration et en charcuterie.

D’autres aménagements ont également vu le jour, certains à la demande de la Carsat. Des vestiaires hommes et femmes, avec une zone propre et une zone sale distinctes ont été aménagés. « Là aussi, l’établissement est allé largement au-delà de ce que l’on demandait, malgré ses moyens financiers limités », poursuit le contrôleur de sécurité. Un aspirateur avec filtre Hepa – qui avait temporairement « voyagé » au sein de l’Esat – a été remis en service avec une place de rangement attribuée. Cela a permis de supprimer le balayage qui remettait en suspension des poussières déposées au sol.

Un bénéficiaire de l'Esat Magnac nettoie une bétonnière.

Un groupe d’expression avec les travailleurs de l’atelier pierres reconstituées a été constitué. « Il en ressort qu’ils parlent beaucoup de technique, de production, de qualité, par exemple lorsque le sable est mouillé, constate Catherine Sillon, cheffe médicosociale. Les sujets de sécurité ne sont pas les premiers abordés, même si c’est un public exigeant, cohérent, qui ne déroge pas aux règles une fois qu’elles sont établies. » À l’image de Nadège, travailleuse handicapée dont le premier réflexe en venant à notre rencontre est de vérifier que nous sommes bien équipés de chaussures de sécurité.

4 embauches en milieu ordinaire de travailleurs handicapés ont eu lieu ces trois dernières années. Le résultat d’une préoccupation de l’établissement de travailler sur les parcours professionnels et sur l’inclusion des travailleurs handicapés dans le milieu ordinaire.

Elle travaillait encore récemment à l’atelier pierres et est désormais à l’atelier sous-traitance : « Il y avait trop de bruit, c’était pénible pour moi, décrit-elle. Et ça ne m’intéressait plus. J’ai demandé à changer. Aujourd’hui, selon les commandes, j’alterne entre plusieurs tâches : conditionnement de ceintures en carton pour camemberts, de savons, fabrication de nuanciers de stores, conditionnement de pièces. » Car l’établissement encourage la polyvalence des personnes intéressées et capables de le faire.

Nadège présente également la particularité d’être une des deux élus usagers présents à la CSSCT de l’établissement. « Je suis très contente, ça permet de parler avec les collègues de leur sécurité. » « Avoir des élus à la CSSCT permet de les faire participer, de les rendre acteurs de leur prévention, commente Florence Boucherie, cheffe de service production. Ça facilite les échanges, libère la parole. Il y a également des réunions de groupe les vendredis, pour parler des problèmes rencontrés au quotidien. Par exemple, en ce moment, on renouvelle les masques FFP3, qui ne sont pas confortables pour certains. La sécurité c’est vraiment important pour eux. »

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