REPÈRES
> Installé à Alès, sur 9 200 m2, le groupe Harmony emploie, au total, 95 salariés, pour un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros.
Le groupe Harmony, à Alès, fabrique des meubles, sièges et espaces de travail destinés aux bureaux, open space, flex-office, espace informel ou de détente… Les conditions de travail de ses salariés tout comme celles de ses clients constituent une préoccupation de chaque instant.
Sitôt la porte d’entrée franchie, on pénètre dans un lieu où tout est feutré, cosy, presque sans bruit. Certains travaillent en open space, d’autres espaces ont été pensés pour travailler à deux, à quatre, ou pour s’isoler. Là, un babyfoot, ici, une table de ping-pong. Quand on demande à la personne qui nous accueille si nous sommes au bon endroit, elle nous répond : « Oui, c’est bien le siège social du groupe Harmony. C’est aussi pour nous l’occasion de montrer notre savoir-faire. »
L’entreprise, installée à Alès, dans le Gard, est spécialisée dans la fabrication de mobilier et l’aménagement de bureaux. Avec pour maîtres-mots, la qualité de vie au travail de ses salariés et l’accompagnement de ses clients dans leurs projets. Fondée en 1989, l’entreprise est restée familiale et comprend trois entités : Codefab qui travaille le bois ; DML orientée sur la fabrication d’éléments tapissés, parfois phoniques, et le montage de sièges de bureau ; et, enfin, Allure, récemment créée et spécialisée dans l’aménagement de bureaux.
Direction l’atelier bois. Jusqu’en 2017, seules deux personnes y travaillaient. Aujourd’hui, elles sont neuf et des machines à commande numérique ont fait leur apparition. La matière première, le mélaminé, arrive sous forme de panneaux de 2,80 x 2 m, particulièrement lourds. « De l’ordre de 2 tonnes par palette et 650 kg/m3. C’est plus lourd que certains bois massifs », remarque Jean-Pierre Dressaire, animateur QSE (qualité, sécurité, environnement).
Pour les déplacer, et notamment les déposer sur la table où ils seront sciés, les panneaux étaient auparavant approchés de la machine à l’aide d’un chariot élévateur, puis l’opérateur les poussait pour les positionner sur la scie. Pas vraiment ergonomique, et cela avait en outre tendance à rayer les panneaux. Un préventeur du service de santé au travail a réalisé un diagnostic qui a débouché sur l’acquisition d’un préhenseur pneumatique à ventouses afin de réduire les risques de TMS, avec l’aide de la Carsat Languedoc-Roussillon.
« C’est déjà un gros progrès, remarque Thomas Hermal, contrôleur de sécurité à la Carsat Languedoc-Roussillon. Mais une fois découpés, les panneaux, certes plus petits et donc moins lourds, sont repris à la main par l’opérateur. C’est dommage. » William Verrot, le responsable d’atelier, conscient de cette difficulté, n’a pour le moment pas trouvé de solution satisfaisante. Cependant, des propositions d’amélioration de l’environnement de travail sont en cours d’analyse, en partenariat avec des sociétés spécialisées.
Ciblé par le programme Risques chimiques Pros, l’atelier a pu bénéficier d’une aide de la Carsat pour l’aspiration des poussières de bois. Toutes les machines de l’atelier bénéficient désormais d’une aspiration à la source, asservie à un système centralisé par des registres pneumatiques. Situé à l’extérieur du bâtiment, le groupe aspirant filtrant est protégé contre les explosions par un évent. Il est découplé du réseau et de la benne de récupération des poussières par des dispositifs de protection. Pour ce faire, l’entreprise a été conseillée par Christophe Cussac, contrôleur de sécurité au centre de mesures physiques de la Carsat, notamment sur le choix de l’aspiration et de la filtration des poussières de bois.
De l’autre côté de l’allée, deux machines à commande numérique permettent de faire toutes les découpes de bureaux, étagères ou panneaux phoniques. Pour éviter les heurts avec l’opérateur, chacune est équipée d’un système de détection : l’une d’un bumper qui s’arrête lorsqu’il rencontre une personne, l’autre d’un tapis de détection stoppant la machine lorsqu’une personne s’en approche trop et marche sur le tapis.
Pierre Larnicol, développeur programmeur, saisit un panneau qu’il positionne sur l’une des machines à commande numérique. « Il n’est pas très lourd, donc je peux le déplacer seul, explique-t-il. Mais on réfléchit à des aides comme des manipulateurs à ventouses, ou des palans… Pour trouver le bon matériel, il faut veiller à rédiger un bon cahier des charges qui liste l’ensemble des usages car sinon, on ne l’utilisera pas. Et comme ici, les panneaux peuvent avoir des poids très différents, il faut que l’on trouve quelque chose de modulable, de pratique. » Partout, des convoyeurs à rouleaux ont été installés pour déplacer les produits découpés sans les porter, ainsi que des rails au sol afin de déplacer les convoyeurs en transversal. « Il faut être vigilants car on peut buter dessus, avertit l’animateur QSE. On a réduit le risque de TMS mais les rails présentent un risque de chute de plain-pied, d’où le marquage au sol. »
Un problème persiste : les zones de stockage et de travail s’avèrent insuffisantes compte tenu de la croissance de l’entreprise. « On a comme projet d’agrandir ou de déplacer des ateliers », confirme Jean-Pierre Dressaire. « Les dirigeants ont bien repéré des points d’amélioration, complète le contrôleur de sécurité. Mais il faut d’abord identifier les flux, définir les futurs investissements pour positionner au mieux les machines et les ateliers... »
Non loin, Pierre Larnicol met en marche la plaqueuse de chant. Il peut aussi avoir des missions de maintenance premier niveau, polyvalence oblige. Il dépose des panneaux sur des tables équipées de microbilles afin de faciliter leurs déplacements et de les positionner correctement. Explication de l’intéressé : « De l’air est insufflé sous les microbilles. Pour éviter d’abîmer les panneaux quand ils arrivent trop vite, on a ajouté sur certaines tables des peignes sur les bords pour les ralentir. »
Changement d’atelier. On arrive à l’assemblage des sièges. Nicolas Maloche procède au collage de la mousse sur un premier support. « Avant, je devais porter un masque à cartouche, travailler sous cette hotte assez bruyante, et m’appliquer de la pommade sur les mains », précise l’opérateur. Jean-Pierre Dressaire revient quelques mois en arrière : « À ce poste, on utilisait de la colle solvantée. Elle dégageait des COV (NDLR : composés organiques volatils), on avait dû mettre une hotte et on était en zone Atex. » L’organisation du poste n’était pas satisfaisante, selon Thomas Hermal et Christophe Cussac, car « le captage du polluant n’était pas suffisamment efficace et obligeait l’opérateur à porter des EPI. La priorité devait être la substitution des produits dangereux ». Des essais de colle à eau ont été réalisés en 2012, d’autres en 2013, mais ils se sont avérés non concluants car les éléments ne tenaient pas et de la condensation se créait.
D’autres essais ont eu lieu en 2016, avec de la colle « hotmelt », c’est-à-dire à prise rapide. Là encore, cette solution n’est pas retenue, la colle prenant trop rapidement, interdisant le repositionnement. L’année dernière, de nouveaux essais ont eu lieu, avec une colle de type hotmelt « nouvelle génération », avec une prise moins rapide et une application facile. « Elle se présente sous forme de pains que l’on chauffe à une température plus basse, entre 150 et 170 °C, explique l’opérateur. La composition de cette nouvelle colle, sans CMR (NDLR : cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction), me permet de travailler sans masque, sans gants, avec pour seul EPI des lunettes. »
Les assises passent ensuite entre les mains adroites de l’opératrice du poste C GEX, Karina Capolungo. Elle déroule et positionne un film de colle qu’elle applique sur le tissu qu’elle plaque sur l’assise, avant de l’agrafer. Tout autour de son poste de travail et sous la table, de la mousse acoustique réduit de 4 dB(A) le niveau sonore.
La phase suivante est l’assemblage des différents composants qui permettra à l’opérateur de faire le montage final du siège. Victor Bruge s’active autour d’une grande table blanche dotée de trous servant pour le montage. « On a positionné plusieurs fois les trous, testé des solutions… avant d’aboutir à cette table percée, explique-t-il. Ces trous sont positionnés pour que les accoudoirs s’encastrent parfaitement lorsque je travaille sur un siège et servent aussi de détrompeur (poka yoke). Cela réduit également les postures contraignantes. » Cette table, étudiée et réalisée en interne, est dotée de renforts en mousse pour que les opérateurs ne se blessent pas lorsqu’ils prennent appui dessus.
Juste derrière cet atelier, Éva Dougnac, une tapissière, recouvre des fauteuils clubs de tissu. « On peut avoir des produits très différents, qui vont des panneaux phoniques aux banquettes en passant par des fauteuils, explique la jeune femme. À chaque poste de tapissier, on dispose d’une table élévatrice. J’apprécie, surtout lorsque je travaille sur des modèles compliqués, nécessitant beaucoup de gestes. »
Les habillages des fauteuils, panneaux et banquettes sont réalisés dans l’atelier couture. Les sept postes sont alignés, dans une vaste pièce où est positionnée la table de découpe à commande numérique. Elle permet de tailler tout type de tissu, de mousse ou de plexiglas. Le plafond ainsi qu’un mur bénéficient d’un traitement acoustique.
L’atelier couture va être entièrement réorganisé. Un plan des futures implantations a été affiché pour informer les couturières et leur permettre de réagir. « Nous avons été associées aux différentes discussions, assure l’une d’entre elles. Les machines étant bruyantes, on a demandé un autre traitement acoustique, mais on veut toujours pouvoir se voir de part et d’autre de la pièce. » « Avant, les couturières se faisaient face. Ce sont elles qui ont demandé à ne plus être ainsi, car elles estimaient perdre du temps dans cette configuration », remarque Manuella Dénécé, la responsable de l’atelier sièges.
> Installé à Alès, sur 9 200 m2, le groupe Harmony emploie, au total, 95 salariés, pour un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros.
Côté risques psychosociaux et qualité de vie au travail, la prévention est aussi de mise. Tous les trois mois, un baromètre de suivi du personnel, anonyme, est réalisé. Quatre questions sont posées sur l’ambiance de travail, la charge de travail, l’adéquation profil/compétences, et le fait de recommander l’entreprise pour venir y travailler. Une fois par an, un questionnaire plus poussé, de 30 questions très ciblées s’appuyant sur les facteurs de risque du rapport Gollac, est envoyé au personnel. Jusqu’à présent, le taux de satisfaction atteint les 90 %.
Une fois les différents éléments prêts et regroupés par commandes, le préparateur de commande identifie les composants énumérés sur le bon de préparation afin de tout recentraliser sur la même zone. À l’issue de cette opération, il prépare sa palette, effectue un double contrôle puis finalise son colis grâce à un cerclage et un filmage automatiques qui réduisent les postures contraignantes.
Au total, en 2021, 43 000 sièges, 27 000 bureaux et 7 000 panneaux acoustiques ont été fabriqués. « On a besoin d’embaucher, on cherche à s’agrandir, tout en réfléchissant à l’amélioration des conditions de travail des salariés », conclut Jean-Pierre Dressaire. n