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Cancérogénicité

Bien évaluer les dangers liés aux procédés de travail

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié une méthodologie destinée à évaluer la cancérogénicité des procédés de travail. Le point avec Dominique Brunet, cheffe de l’unité évaluation des valeurs de référence et des risques liés aux substances chimiques.

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Corinne Soulay - 16/10/2023
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Hotte d'aspiration des fumées de soudure dans l'atelier de maintenance.

Travail & Sécurité. Quel est le point de départ de votre travail sur la cancérogénicité des procédés de travail ?

Dominique Brunet. Nous avons été saisis par le ministère du Travail sur cette question. Aujourd’hui, il existe un arrêté qui fixe la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes. Pour la majeure partie, les procédés figurant dans cette liste sont issus de transpositions de directives européennes. Pour les substances et mélanges cancérogènes, les critères de cancérogénicité sont bien définis par le règlement européen CLP mais pour les procédés ou les circonstances d’exposition susceptibles de provoquer un cancer chez les travailleurs, ce n’est pas le cas. Il y avait donc un manque à combler. L’objectif était de définir des critères de classification et d’élaborer une méthodologie permettant de conclure à la cancérogénicité d’un procédé de travail, sur la base de conclusions argumentées et cohérentes scientifiquement. De plus, le ministère nous a aussi demandé d’anaylser le caractère cancérogène de quatre procédés pour, le cas échéant, préciser la liste de l’arrêté : les travaux exposant aux fumées de soudage, à la silice cristalline, aux cytostatiques et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Le lancement de ces expertises nous a permis de construire et d’affiner notre méthodologie.

En quoi consiste la méthodologie que vous avez mise au point ?

D. B. Dans un premier temps, nous avons cherché au niveau international quelles étaient les différentes organisations qui procédaient déjà à ce type de classification. En dehors du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), nous avons pu identifier deux institutions disposant d’une méthodologie scientifique et d’une expérience en la matière : le Conseil de santé des Pays-Bas et l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (Usepa). Notre méthodologie prévoit donc d’examiner en premier lieu si le procédé a déjà été classé par l’une de ces trois instances. Le cas échéant, on effectue une recherche bibliographique des travaux publiés postérieurement à cette classification par les organismes, qui peut permettre de complèter les différents organes touchés et de modifier le niveau de preuve associé. Si on ne dispose pas d’une évaluation préalable par l’un des organismes identifiés, il est  nécessaire de réaliser une évaluation spécifique. Cela implique alors la constitution d’un groupe de travail pluridisciplinaire, avec de nombreux experts aux domaines de compétences variés (épidémiologie, toxicologie, hygiène du travail…). Jusqu’à maintenant, ce cas ne s’est pas produit.

Quels sont vos premiers résultats ?

D. B. Sur les quatre procédés, nous recommandons d’ores et déjà que trois d’entre eux soient inclus dans la liste des procédés cancérogènes. Le quatrième – les travaux exposant aux HAP – est en cours d’expertise. Concernant les médicaments cytotoxiques, utilisés dans le cadre de traitement anti-cancéreux à usages humain et vétérinaire, nous avons pu préciser les circonstances d’exposition à prendre en compte – fabrication, conditionnement, préparation, transport et manipulation, administration, contamination de l’environnement de travail, gestion des déchets et des excrétions des personnes traitées – et 18 principes actifs concernés. Pour les fumées de soudage, le Circ concluait à leur caractère cancérogène pour l’homme, avec des preuves suffisantes pour les cancers du poumon et limitées pour les cancers du rein. Notre actualisation des données a permis de conclure à des preuves suffisantes pour le cancer du larynx et à des preuves limitées pour les cancers de la cavité buccale et nasosinusiens. Dans le cadre de ces travaux, nous avons aussi souligné la pertinence de mener une expertise globale ultérieure en lien avec les rayonnements UV, en incluant les sources naturelles et industrielles, et nous avons également recommandé que les travaux exposant aux fumées métalliques de procédés connexes – le brasage fort, l’oxycoupage, le gougeage… – soient ajoutés à la liste des procédés cancérogènes.

Quelle est la portée d’une inscription à cette liste ?

D. B. L’inscription des procédés à cet arrêté est importante car elle permet de mieux protéger les travailleurs exposés en renforçant les mesures d’évaluation et de prévention à mettre en oeuvre et en conduisant à un suivi médical individuel renforcé.

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