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Travail à la chaleur

Tour d’horizon des pays européens

Alors que les épisodes caniculaires sont de plus en plus fréquents, et que les syndicats européens demandent un encadrement du travail à la chaleur, Annarita Piazza, chargée d’études à Eurogip, s’est penchée sur la législation mise en place dans certains pays. Elle fait le point pour nous.

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Delphine Vaudoux - 16/10/2023
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Illustration d'un chantier de btp.

Travail & Sécurité. Vous êtes l’auteure, à Eurogip, d’une étude parue en juin 2023, intitulée « Travail par forte chaleur et canicule : quelles législations et actions de prévention à l’international ? ». En quoi consistait votre étude ?

Annarita Piazza. Je suis partie d’une question qui me paraissait assez simple : quels sont les pays qui ont fixé une température maximale pour travailler ? Et, au cours de mes recherches, je me suis aperçue que c’était un sujet complexe, et qu’on ne pouvait pas l’aborder seulement sous l’angle d’une température maximale applicable à l’ensemble de la population active. En effet, au-delà de la température de l’air, plusieurs types de facteurs – environnementaux, personnels ou liés à la nature du travail – influencent la tolérance à la chaleur : l’humidité et la vitesse de l’air, les rayonnements solaires et thermiques, l’intensité physique et la durée du travail, l’aptitude physique des travailleurs ou le port de vêtements et équipements de protection inviduelle (EPI)...

Comment prendre en compte ces facteurs ?

A. P. En ce qui concerne l’environnement de travail (température, humidité, rayonnement, vitesse de l’air), des indices ont été créés, combinant tous ces facteurs ou certains d’entre eux. On peut citer le WBGT (Wet-bulb globe temperature) – en français, « indice de température au thermomètre-globe mouillé », qui est un indice de température ressenti tenant compte des rayonnements –, la température effective corrigée, l’indice de chaleur (Heat Index) utilisé aux États-Unis, l’Humidex utilisé au Canada… Quelques rares pays ont légalement recours à ces indices, notamment au WBGT, apportant souvent des ajustements aux valeurs maximales en fonction de la charge de travail ou même du type de vêtements et EPI portés. Des outils en ligne existent pour aider l’employeur à évaluer le stress thermique de l’environnement de travail.

Si l’on s’en tient aux pays européens, quels sont ceux qui ont légiféré sur le sujet ?

A. P. Il faut tout d’abord rappeler qu’il n’existe pas de directive ni de règlement européen spécifique sur le sujet. Pour autant, réglementairement, tout employeur dans l’Union européenne est responsable de la santé sécurité de ses salariés et il doit procéder à une évaluation des risques, pour organiser et mener des activités de prévention. Dans cette étude, j’ai analysé la législation sur le travail à la chaleur dans treize pays de l’Union européenne. Un certain nombre d’entre eux (Espagne, Lettonie, Portugal, Autriche, Allemagne et Slovénie) font référence à des températures applicables uniquement aux locaux fermés. L’Allemagne, par exemple, a identifié trois seuils de température (26-30 °C, 30-35 °C, et plus de 35 °C) auxquels correspondent des solutions de prévention que l’employeur doit proposer : mettre de l’eau à disposition, installer un ventilateur, changer la personne de pièce pour travailler…

Pour ce qui est du travail à l’extérieur, dans les pays analysés, seuls l’Espagne, Chypre et la Belgique ont réglementé plus en détail ce sujet. En Espagne, selon une récente loi, en cas de conditions environnementales précises, les employeurs doivent prendre des mesures pour protéger les travailleurs comme réduire l’activité, éviter de travailler aux heures les plus chaudes, etc. À Chypre, un Code de pratique (qui peut être remplacé par des mesures équivalentes) propose des tableaux à entrées multiples tenant compte de la charge de travail, de la température et du taux d’humidité de l’air. Ces tableaux prévoient dans le détail une alternance entre temps de travail et de repos, en fonction de l’environnement et de la charge de travail. Enfin, la Belgique dispose de valeurs maximales exprimées selon l’indice WBGT et différenciées par charge de travail. En cas de dépassement des valeurs limites, des mesures de prévention sont prévues.

REPÈRES

L’Étude a été réalisée par Eurogip sur proposition de l’Assurance maladie-risques professionnels et de l’OPPBTP, entre décembre 2022 et avril 2023. Publiée en juin 2023, elle est disponible sur www.eurogip.fr.

Le cas de l’Autriche a retenu votre attention…

A. P. En effet, en Autriche, la chaleur est listée officiellement parmi les intempéries qui permettent le recours au régime de chômage-intempéries pour le secteur BTP. Ainsi, depuis 2013, à partir de 35 °C, seuil qui a été abaissé à 32,5 °C en 2019, les entreprises du BTP ont la possibilité de mettre leurs salariés au « chômage intempérie ». Au cours de l’été 2019, plus de 5 000 entreprises du secteur y ont eu recours.

Et au-delà des législations ?

A. P. Il existe, dans certaines conventions collectives, des dispositions plus spécifiques concernant le travail à la chaleur afin de réduire son impact sur les salariés. Elles constituent des outils très pertinents pour apporter des solutions concrètes au niveau sectoriel et/ou local.

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