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Amiante

L’affaire est dans le sac

Avenue de la République, à Montchanin, le bâtiment de la Ligue de Bourgogne de football, datant de 1965, a fière allure. Il va bientôt accueillir les objets et machines de la réserve de l’écomusée du Creusot-Montceau. Mais, avant, il doit subir des opérations de désamiantage. L’occasion de tester une machine prototype visant à faciliter l’évacuation des déchets amiantés.

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Delphine Vaudoux - 23/10/2023
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Deux salariés en zone amiantée.

Transformer le bâtiment de la Ligue de Bourgogne de football – qui comprenait notamment des terrains de sport intérieurs – en un espace destiné à accueillir, à Montchanin, en Saône-et-Loire, la réserve de l’écomusée de la communauté urbaine Le Creusot-Montceau n’est pas une mince affaire. Un travail de longue haleine qui a commencé par la destruction d’une bonne partie des murs et équipements intérieurs, des deux étages d’environ 1 000 m2 chacun. Et qui nécessite le désamiantage de conduits, faux plafonds, colle de faïence, joints… Une opération réalisée par l’entreprise Proamiante qui en profite pour tester un prototype visant à faciliter la décontamination et la sortie des déchets amiantés.

Dans ce bâtiment nu, parfaitement nettoyé, le chantier de désamiantage est au premier étage. Pour l’heure, « il s’agit de retirer de la faïence qui a été posée avec de la colle amiantée », explique Constant Malot, qui travaille depuis plus de dix ans dans le secteur de l’amiante et a mis au point le prototype. Par chance, le lieu est vaste et l’entreprise a la place pour installer à gauche l’installation de décontamination du personnel, au milieu la machine prototype de décontamination des déchets et, à droite, le sas matériel. Le chantier est déjà bien avancé, et est classé en niveau 2 d’empoussièrement. Kevin Dorier et Alain Kazimierski, les deux opérateurs, s’équipent pour entrer en zone de travail, alors que deux techniciens d’ITGA - une entreprise spécialisée dans les prélévements et analyses - placent des pompes de prélèvement d’air pour procéder à des analyses d’empoussièrement. « C’est une obligation, remarque Mathieu Sivignon, contrôleur de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. Tout ce qui touche à l’amiante a un cadre juridique très strict. »

6 tonnes de déchets en moyenne sont manipulées par le sasman sur une journée de travail.

Avant d’entrer en zone de travail, les opérateurs contrôlent leurs équipements, vérifient leur étanchéité… Et c’est parti pour une vacation de deux heures. Ils commencent par évacuer de la zone contaminée des sacs de déchets préparés lors de la précédente vacation. Plutôt que de les faire passer par le sas matériel, ils testent l’Evacam, le prototype de la société Costeck Concept. Une première pour eux ainsi que pour Bruno Tagifolau, l’encadrant de chantier qui occupe le poste de sasman et reste à l’extérieur de la zone contaminée.

À travers la bulle qui permet de communiquer et de se voir entre les deux zones, l’encadrant demande aux opérateurs de mettre en marche la machine située à la jonction de la zone confinée. Alain Kazimierski, qui se trouve en zone contaminée, dépose alors un premier sac fermé sur le convoyeur. Celui-ci le conduit jusqu’à une couronne d’arrosage qui permet le lavage – en circuit fermé – à 360 ° du sac rempli de déchets. Une cellule de détection stoppe le convoyeur pour éviter l’empilement de sacs pleins dans la machine. Le sasman actionne alors le redémarrage afin d’amener les sacs lavés dans un second emballage situé en bout de ligne. Bruno Tagifolau se charge alors de fermer ce dernier à l’aide d’un adhésif.

Un salariés de l'entreprise sort les sachets de déchets amiantés lavés.

« Plutôt que de fermer chaque sac un par un, le sasman pourrait ensacher plusieurs sacs à la suite, et ne fermer le double ensachage qu’à la fin » , remarque le contrôleur de sécurité. Aussitôt proposé, aussitôt testé. Le convoyeur de sortie est rapproché du prototype pour permettre aux sacs lavés de tomber directement, tel un boudin, dans le big bag final. « C’est vrai que cela m’évite de fermer chaque sac, de me pencher à chaque opération… », constate Bruno qui propose de nous montrer comment il opère lors de chantiers classiques, avec un sas de décontamination servant au matériel et aux déchets.

Dans la zone contaminée, les sacs sont préparés puis déposés fermés dans le premier compartiment où un opérateur les récupère pour les passer un par un à la douchette, avant de les réemballer et de les placer dans le compartiment intermédiaire pour y être récupérés par le sasman qui les dépose dans le big bag. « J’ai travaillé sur des chantiers de désamiantage, explique Constant Malot, et c’est un travail pénible, du fait de l’équipement, des charges portées. D’où l’idée de cette machine pour faciliter l’évacuation des déchets. J’ai réfléchi plusieurs mois et élaboré un cahier des charges pour faire réaliser ce prototype. »

Un prototype perfectible

Le prototype semble satisfaire les opérateurs : « Je peux préparer les déchets debout, grâce au convoyeur. Je me casse moins le dos… j’arrive à sortir les sacs seul, sans qu’il y ait besoin d’une personne supplémentaire pour les doucher et j’ai l’impression que ça va plus vite », déclare Alain Kazimierski. « Après pas loin de deux heures d’utilisation, je ne vois pas de défaut. J’avoue que, pour ma part, je suis favorable à tout ce qui peut me soulager », avance Kevin Dorier. Quant au sasman, il insiste sur le gain de temps. Mais également sur le fait que la taille du convoyeur oblige à préparer des sacs moins volumineux, donc moins lourds.

« Tout ce qui touche à l’amiante a un cadre juridique très strict. »

Mathieu Sivignon estime que c’est une belle innovation. « C’est une machine qui réduit les contraintes posturales, avance-t-il, le port de charge et les reprises qui sont nombreuses en configuration classique. Les sacs sont mieux lavés qu’à la douchette. Restent quelques points perfectibles comme la hauteur du convoyeur ou la possibilité, comme on vient de le tester, d’envoyer les sacs en “boudins“, directement dans les big bags. » De plus, cette machine ne convient qu’aux chantiers ayant des déchets de taille réduite. Elle doit aussi être amenée au plus près de l’activité, ce qui n’est pas toujours possible. Certes, elle est montée sur roulettes, mais pèse tout de même 340 kg… Dans le bâtiment de Montchanin, elle a pu être acheminée par la rampe réservée aux personnes à mobilité réduite.

Pour Constant Malot, sa mise au point a été un travail de longue haleine. « Maintenant que nous en sommes arrivés là, je vais aller jusqu’au bout du projet, lance-t-il dans un sourire. On va la faire tester sur un autre chantier, par une autre société, puis procéder à des ajustements afin de la commercialiser, en 2024 j’espère. »

FICHE D'IDENTITÉ

Chantier : réhabilitation de l’ancien bâtiment de la ligue de football pour l’installation des réserves de l’écomusée de la communauté urbaine Le Creusot-Montceau

Lieu : Montchanin (Saône-et-Loire)

Activité : désamiantage du bâtiment réalisé par l’entreprise Proamiante

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