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Travaux publics

Construction d'une passe à poissons : un chantier atypique aux risques maîtrisés

Dans le cadre du rétablissement de la continuité écologique sur la Marne, un projet de construction d’une passe à poissons est en cours à Saint-Dizier, en Haute-Marne. Il s’agit d’un chantier de génie civil atypique, dont les risques ont été pris en compte dans l’organisation tout au long de l’opération.

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Céline Ravallec - 15/11/2023
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Vue d'un ouvrier sur le chantier de construction de la passe à poissons.

D’ici à quelques jours, fin novembre, après un peu plus d’un an de travaux, va se terminer la construction d’une passe à poissons, au niveau d’un barrage sur la Marne, à Saint-Dizier, en Haute-Marne. Cet ouvrage, de 2,80 m de large pour 65 m de long, va permettre la montaison des anguilles et autres poissons migrateurs de la rivière. Pour réaliser cet ouvrage de génie civil, il a fallu excaver 1 500 m3 de terre sur la rive droite du barrage. Au préalable, il a été nécessaire de sécuriser le périmètre de fouille. Du fait de la nature du sol, marno-calcaire, une technique de paroi en pieux sécants a été choisie. La nature du projet expose à des risques spécifiques : chutes de personnes aux abords des zones de creusement, ensevelissement ou anoxie au fond des mêmes zones, coactivité, noyade…

« D’après mes recherches, il s’agit d’une des premières passes à poissons construites avec cette technique en France », précise Hugues Falissard, ingénieur travaux chez Bouygues Travaux Publics (TP) région France et responsable travaux de cette opération. Cela a consisté à réaliser des pieux en béton, de 62 cm de diamètre suivant un entraxe – l’écart entre leurs centres respectifs – inférieur à leur diamètre. Ils sont ainsi alignés en s’imbriquant les uns aux autres, ce qui forme une paroi à la surface ondulée, parfaitement étanche pour effectuer ensuite les travaux de terrassement et de génie civil.

« C’est une opération très particulière, poursuit-il : aires de travail situées 8 m au-dessous du sol, largeur inférieure à 2,80 m en fond de fouille, présence de butons à mi-hauteur, de matériel et d’armatures en nombre, ainsi que d’engins de forte puissance, dont deux grues. » Jusqu’à 25 compagnons ont évolué sur une emprise très réduite. Pour éviter les chutes, des garde-corps ont été installés sur tout le périmètre de creusement. Un cheminement balisé a été aménagé pour séparer les flux et réduire les risques de collisions engins-piétons.

UNE PASSE À POISSONS POUR QUOI FAIRE ?

Lorsque les vannes du barrage sont abaissées, le niveau de la Marne monte de deux mètres en amont du barrage et une partie de ses eaux se déverse dans un canal voisin qui alimente le lac du Der. Cela créait jusqu’alors un obstacle empêchant les poissons positionnés en aval du barrage de remonter le courant de la Marne. Il a ainsi été décidé d’aménager en bordure du barrage une passe pour leur permettre, même vannes abaissées, de remonter le courant.

Le terrassement a été réalisé à l’aide d’une pelle de 23 m. « La pelle ne peut pas être positionnée n’importe où par rapport à la stabilité du sol, à la superficie à terrasser et à la présence d’obstacles tels que les butons, explique-t-il encore. Il a fallu organiser douze phases successives de terrassement. » La zone de stockage étant limitée, les livraisons de matériaux ont été organisées au fil des besoins. « Ici, on a une forte contrainte de place, l’espace est très restreint, avec peu d’espace de stockage », confirme Jaime Rodrigues Leiras, chef d’équipe. C’est pourquoiu fur et à mesure de l’avancement du chantier, les zones d’accès ont évolué.

« C’est le point de vigilance particulier sur ce chantier, souligne Hugues Falissard. Les plans de chantier ont été définis avec le bureau d’études et le service méthodes à chaque nouvelle phase de chantier. » Si l’emprise du chantier était réduite, l’espace de travail au sein de la passe à poissons l’était également et demandait là aussi une organisation rigoureuse. Certains voiles béton ont été préfabriqués en usine, ce qui a permis de réduire les tâches sur site, le temps de coffrage ainsi que les rotations de toupies à béton.

Standards sécurité pour tous 

Bouygues TP région France, qui est le mandataire des entreprises intervenantes, a posé ses propres règles en matière de sécurité. Certaines vont au-delà du Code du travail, notamment en matière de port d’équipements de protection individuelle ou d’interdiction d’utiliser des échelles. « Nous appliquons les standards sécurité Bouygues, poursuit Hugues Falissard. Une fois par semaine a lieu un audit interne. S’il en résulte des observations, nous avons 48 heures pour rectifier. » Chaque semaine sont aussi organisées une visite du chef de chantier et une autre du conducteur de travaux. Un briefing quotidien se tient chaque matin, durant lequel sont abordés l’organisation de la journée, les problèmes éventuels rencontrés la veille, et des rappels sur la sécurité. « Nous avons aussi un rôle pour faire appliquer aux sous-traitants nos règles internes, en mettant la sécurité à disposition de tous les acteurs », complète le responsable des travaux.

Vue d'un ouvrier en situation de travail sur le chantier de la passe à poissons.

La passe à poissons ne s’est pas limitée à la construction de deux parois. Pour assurer un bon fonctionnement de la structure, le volume excavé a été divisé en deux, avec la construction de voiles centraux en béton, pour aménager d’un côté un canal de débit d’attrait. Ce dispositif créera des remous à la sortie de la passe pour attirer les poissons. Ces voiles – de 7 m de haut – ont été coffrés sur site, sous des butons, à l’aide de modules de coffrage de différentes tailles. D’autres aménagements ont été réalisés en parallèle sur le site. Un batardeau et une vanne ont dû être démontés au début du projet, ce qui a nécessité un désamiantage préalable.

242 pieux sécants, de 62 cm de diamètre et de 10 à 12 m de hauteur, ont été posés pour les besoins de l’opération. Au total, 48 phases de travaux ont été nécessaires à la réalisation du projet.

Un regard recueillant les eaux du réseau pluvial, qui était auparavant situé sur l’emplacement de la passe, a dû être démoli et reconstruit un peu plus loin. Un pont de 9 m de large a été aménagé au-dessus de la passe pour permettre l’accès vers le barrage. Au terme de treize mois de travaux, et malgré sa complexité technique et ses contraintes d’organisation, le chantier s’est déroulé sans accroc. L’heure approche désormais pour les poissons locaux d’entamer leur migration.

FICHE D'IDENTITÉ

Projet : création d’une passe à poissons en vue du rétablissement de la continuité écologique au droit d’un barrage sur la rivière Marne

Maître d’ouvrage : Seine Grands Lacs

Maître d’œuvre : Ingérop

Groupement d’entreprises : Bouygues TP région France (mandataire), Equans France, Keller

Effectif : 10 à 25 compagnons selon les phases du chantier

Budget du projet : 2,56 millions d’euros

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