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Troubles musculosquelettiques

Une démarche collective d’analyse des postes de travail

Quelles sont les situations à risque de TMS ? Quels sont les besoins ? Comment agir ? À Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées, le concepteur d’équipements pour réseaux électriques Ensto s’est interrogé dans le cadre d’une démarche collective d’analyse des postes de travail. Avec, à la clé, la mise en place de solutions adaptées au métier.

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01/09/2022
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Un opérateur utilise le bras manipulateur avec une pince adaptée pour déplacer les transformateurs

Quel que soit le lieu où l’on se trouve, ces équipements se fondent dans le paysage. Associés aux parafoudres, ils sont généralement fixés en partie supérieure des poteaux électriques qui jalonnent nos campagnes et nos bords de route. Appelés Auguste, ces organes télécommandés qui ressemblent à de gros interrupteurs sont utilisés pour protéger et exploiter des réseaux moyenne tension. Et c’est notamment dans l’usine du groupe Ensto, à Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées, qu’ils sont fabriqués. Depuis plus de 60 ans, l’entreprise, désormais filiale d’un groupe finlandais, propose ses solutions aux gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité.

L’usine de Bagnères-de-Bigorre travaille à 80 % pour l’export et à 0 % pour le marché français avec Enedis. Elle est divisée en trois unités de production : les interrupteurs aériens, les parafoudres et la logistique. Confrontée aux manipulations de charges lourdes et aux gestes répétitifs, l’entreprise a créé en 2018 un groupe Prap (prévention des risques liés à l’activité physique), associant le responsable sécurité, des opérateurs, des techniciens de maintenance et des membres du service méthodes. « Cela a marqué le début d’une démarche collective d’analyse des postes de travail. Le diagnostic des situations rencontrées a ainsi fait ressortir les besoins et priorités d’aménagements », évoque Fabrice Dortet-Halet, le responsable du service méthodes et maintenance, également chargé de sécurité du site.

Réduire les manutentions lourdes 

« Lors d’une visite d’intervention, j’ai alerté l’entreprise sur ses chiffres de sinistralité et notamment le nombre de maladies professionnelles déclarées au titre du tableau 57 du régime général, à savoir les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, relate Didier Durrieu, contrôleur de sécurité à la Carsat Midi-Pyrénées. Malgré une situation liée à un historique de regroupements et de rachats, j’ai perçu une volonté forte d’évolution, portée par la direction. Nous les avons accompagnés, avec un contrat de prévention, dans la mise en place de solutions qui répondaient directement aux besoins exprimés par les salariés. » Lors des réunions du comité social et économique (CSE), un échange constructif, auquel la médecin du travail prend également part, s’établit. Cela se concrétise par l’achat de trois bras de manipulation assistés et leur mise en fonction sur trois postes présentant de fortes contraintes physiques.

Chaque semaine, il arrive plusieurs palettes de cuves d’Auguste. Un opérateur positionne ces lourdes pièces d’inox sur le marbre de contrôle et le retourne. Précédemment, il y avait quatre poteaux, un gros palan et l’opération n’était pas freinée. « Mon rôle est de vérifier que le matériel qui entre en production est conforme. Faciliter la rotation de la cuve était primordial, explique Ismael Lopez, le responsable du contrôle d’entrée. Avec le bras manipulateur à ventouse, je déplace les plus grandes cuves, qui font 60 kg, sans aucun effort physique. Un travail tout en délicatesse, presque du bout des doigts. » Environ 1 000 cuves par an entrent en production, avec une tendance à la hausse.

Plus loin, un deuxième bras manipulateur est utilisé au poste de préparation des cuves : là où l’on s’occupe de l’ébarbage des angles, de l’installation de la valve de remplissage, mais aussi des prises de tension. « Nous avons conçu un petit accessoire maison, une pince qui s’adapte sur le bras et permet de manipuler les transformateurs pour les poser sur une table élévatrice », ajoute Éric Abadie, affecté au poste et membre du groupe Prap. Le troisième bras sert à déplacer les plus gros parafoudres (2 m de haut et près de 36 kg) fabriqués dans l’usine.

Un salarié devant la machine d'ébavurage automatique

Nous voici justement du côté de l’atelier de fabrication des parafoudres. Les petits modèles, appelés H24, sont les plus courants, avec 30 000 pièces produites dans l’année pour Enedis. « J’en embobine jusqu’à 140 sur 8 heures, nous explique Mathieu Arramond, l’un des opérateurs polyvalents travaillant dans l’atelier. Je place les varistances les unes derrière les autres et à chaque extrémité, des cimblots en inox. Puis je les mets en pression et les relie avec un ruban adhésif. » Il positionne et roule ensuite de la fibre avec un ruban et passe le barreau à David Arcé, son collègue, le seul ici à travailler sur un poste fixe.

« Le parafoudre est injecté en résine époxy, puis il faut enlever un joint de chaque côté. Avant, je positionnais le barreau sur un socle et travaillais avec une rape. Quand on voit défiler 140 pièces par jour, qui font quelques kilos chacune, ça finit par faire », assure ce dernier. Mais cette année, tout a changé. Une machine d’ébavurage automatique, conçue en interne, lui facilite la tâche. Elle est dotée d’un dispositif de captage des poussières au travers de filtres, avec rejet de l’air à l’extérieur. La pièce est ensuite montée par un autre opérateur : mise en place d’une chemise en silicone, dépose de mastic puis positionnement d’un collier de serrage et d’une calotte haute et basse.

Le chiffre

3 500 m2 de superficie du site sont consacrés au process de l’injection, du bobinage, de la soudure, de la passivation, et de l’assemblage.

« Les parafoudres sont placés sur un convoyeur à rouleau – ce qui évite de remplir et de déplacer des chariots qui encombrent l’espace – et je les récupère de l’autre côté de la cloison pour procéder au contrôle visuel et au test électrique », complète Youcef Marsal, affecté aujourd’hui à la finition. « Nous réfléchissons à l’aménagement du poste de contrôle avec un cobot manipulateur, pour réduire les gestes répétitifs », ajoute Fabrice Dortet-Halet. Dans un autre atelier, où sont conçus différents parafoudres, un dispositif de captage des poussières de fil de verre, issues du bobinage, a également été ajouté, avec rejet de l’air extérieur après filtration.

« Ce que l’on cherche à faire, partout, c’est cibler le besoin des opérateurs, identifier les postes où l’on force plus, précise Nicolas Dupont, soudeur et membre du groupe Prap. Cette méthode de travail, dans laquelle les opérateurs sont partie prenante des choix, fait que tout le monde s’y intéresse. Même si cela engendre des changements dans l’organisation, les gens adhèrent. »

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Ensto

Activité : concepteur d’équipements pour les réseaux électriques aériens, les réseaux câblés souterrains, la qualité de l’énergie et l’automatisation du réseau

Lieu : Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées)

Effectif : 1 400 salariés au niveau du groupe, 200 en France, dont 70 à Bagnères-de-Bigorre

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