Elles sont parfois plus que centenaires. Largement répandues dans la première moitié du XXe siècle, les cuves vinicoles en béton sont encore largement présentes dans les chais. Très peu sensibles aux variations thermiques, elles servent à la vinification et au stockage. En revanche, si elles sont faites pour durer longtemps, elles ont besoin régulièrement d’un bon lifting : il faut alors refaire leur revêtement intérieur. Le groupe Qualiplast, présent dans le sud de la France, est spécialisé dans cette activité de niche, qui n’est pas sans risques, qu’ils soient chimiques, de chute ou liés aux manutentions… Avec ses 44 salariés, l’entreprise, constituée de quatre entités, intervient essentiellement sur les cuves en béton et métalliques, mais aussi dans l’application de résine pour les sols.
Rendez-vous à Massillargues, dans la coopérative viticole des maîtres chais du Gard. Le chantier de rénovation d’une cuve en béton a débuté il y a quelques semaines. « Cette cuve fuyait, explique Dominique Richard, cofondateur et gérant de la société chargée du chantier. Il arrive aussi que nous intervenions lorsqu’elles donnent un mauvais goût au vin… » Devant la cuve 32bis, Corentin Birolini, technico-commercial et SAV, est constamment en liaison avec les deux stratifieurs qui sont à l’intérieur. et qui renforcent la cuve en appliquant de la fibre de verre. Lui reste à l’extérieur, pour la manutention des produits, la ventilation et la surveillance.
Avant cela, la cuve a subi un sablage pour enlever le revêtement dégradé. « J’ai assisté à des opérations de sablage, explique Béatrice Bezet, contrôleuse de sécurité à la Carsat Languedoc-Roussillon. Elles sont très sollicitantes pour les opérateurs, surtout quand les cuves sont à l’étage. » Il faut apporter le sable jusqu’à la cuve, le projeter dans ce lieu clos, puis l’évacuer alors qu’il est devenu un déchet. Les manipulations sont nombreuses et les opérateurs interviennent protégés par des équipements de protection individuelle (EPI) : combinaison, gants, cagoule ventilée…
Intervention en binôme
« On cherche d’autres process pour cette opération de décapage, remarque Patrick Vaché, responsable hygiène, sécurité, environnement. On a notamment testé une grenailleuse. » Cette autre technique consiste à projeter des billes d’acier qui sont ensuite aspirées et récupérées pour être réutilisées plus de 50 fois. Un vrai plus, selon la contrôleuse de sécurité qui apprécie la réutilisation des billes d’acier et surtout la large diminution des manutentions qui en découle pour les opérateurs. En revanche, sa mise en œuvre, qui nécessite l’installation d’une cabine pour réaliser les opérations, demande de la place et du temps, et ne serait adaptée qu’à des chantiers conséquents.
Toutes les opérations dans les cuves se font au moins à deux personnes. L’une reste à l’extérieur tandis que la deuxième va en zone confinée. L’orifice pour pénétrer dans la cuve est d’ailleurs particulièrement étroit. « C’est sûr qu’il ne faut pas être trop costaud ni claustrophobe », s’amuse Corentin Birolini. Et l’entreprise n’y envoie pas le premier venu.
REPÈRES
Le process de rénovation des cuves vinicoles en béton s’effectue en plusieurs étapes. D’abord, un abrasif est projeté sur les supports pour décaper et ouvrir la porosité des surfaces, puis il faut appliquer des micromortiers résineux pour obtenir une surface plane. La troisième étape consiste à renforcer le revêtement époxydique avec un tissu de verre, avant d’appliquer le revêtement alimentaire sur l’ensemble de la cuve.
Déjà, tout nouvel arrivant suit un accueil sur les risques chimiques et les chutes de hauteur notamment, et reçoit un kit EPI. Puis, selon ses activités, d’autres formations suivront : travail en hauteur, montage d’échafaudage, risques électriques, utilisation des engins de levage et… travail en milieu confiné.
« Tant que la personne n’a pas suivi cette dernière formation, elle n’entre pas dans la cuve. Et avant qu’elle y pénètre, on a pris le temps de s’assurer qu’elle n’avait pas d’allergie connue, et qu’elle n’était pas sujette au vertige ou claustrophobe », insiste Patrick Vaché, qui précise que tous les salariés de Qualiplast en CDI sont aussi sauveteurs secouristes au travail. « La formation est un volet extrêmement important dans cette entreprise, qui y consacre un budget conséquent », complète Béatrice Bezet.
Une activité saisonnière
Dans la cave vinicole de Lézan, à quelques kilomètres de là, a lieu le chantier de préparation de la projection à chaud du revêtement alimentaire, à 70°C et à une pression de 200 bars. La cave comprend 149 cuves, dont une majorité en béton. Les plus anciennes datent de 1923. La plupart ont déjà été rénovées dans les années 1980, mais leur état nécessite une nouvelle intervention. « On les remet à neuf à raison de 3 à 4 tous les ans, explique Dominique Richard. C’est une activité très saisonnière, car on intervient après que les cuves ont été vidées et détartrées, et avant les vendanges. »

La résine projetée a été mise au point par le laboratoire de recherche et développement (R&D) du groupe. « Nous sommes les seuls à réaliser nous-mêmes nos formulations, souligne Russell Tayouo, passionné par son métier d’ingénieur R&D. On cherche en permanence à les améliorer et notamment à substituer les produits CMR (NDLR : cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction). » Et les résultats sont là. « Ils sont passés de l’emploi de CMR à des agents chimiques dangereux », précise Béatrice Bezet. L’entreprise participe également à un consortium qui lui permet de proposer désormais des résines exemptes de bisphénol A. « Tous les produits utilisés sont adaptés au contact alimentaire, poursuit l’ingénieur. De plus, des tests sont effectués pour montrer que nos revêtements n’ont pas d’incidence organoleptique sur les vins. »
Le groupe Qualiplast n’hésite pas à faire régulièrement appel à la Carsat Languedoc-Roussillon afin d’être accompagné et conseillé. Et quand Patrick Vaché mentionne les exosquelettes pour savoir si cela peut être une solution pour soulager certains opérateurs, Béatrice Bezet prévient : « Il faut en tester plusieurs et les comparer objectivement. » Un conseil qui devrait être entendu par l’entreprise qui n’a de cesse de progresser dans la prévention des risques professionnels.
IDENTITE
Nom : groupe Qualiplast
Lieu : Lézan (Gard)
Activité : formulation de résines et rénovation de cuves en béton, ainsi que de sols, de façades…
Effectif : 44 personnes (+ des saisonniers)
Chiffre d’affaires : 17 millions d’euros pour plus de 400 clients