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Médico-social

En Ehpad, tous acteurs pour retrouver sens du travail et cohésion

Rendre le personnel actif et autonome dans l’organisation des soins des résidents en intégrant l’amélioration des conditions de travail : tel est l’ambitieux projet lancé dans l’Ehpad de l’Hospitalité Saint-Thomas-de-Villeneuve, à Baguer-Morvan, en Bretagne. Avec des résultats positifs, tant sur la réduction de l’absentéisme que sur la satisfaction des équipes.

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24/10/2022
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Des résidents de l'Ehpad de l'Hospitalité Saint-Thomas-de-Villeneuve à Baguer-Morvan

« La dame que nous venons de croiser va fêter ses 101 ans le mois prochain. » L’aide-soignante qui nous accompagne dans les locaux en fait le constat depuis quelques années à l’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de l’Hospitalité Saint-Thomas-de-Villeneuve (HSTV) à Baguer-Morvan, en Ille-et-Vilaine : les personnes âgées restent chez elles de plus en plus tard, tant qu’elles le peuvent. En conséquence, les résidents accueillis sont de plus en plus âgés, avec une perte d’autonomie souvent importante, nécessitant de la part des soignants d’adapter leur accompagnement.

86 ans, c’est l’âge moyen, en augmentation constante, des résidents de l’Ehpad.

« C’est véritablement ce qui nous a amenés à repenser notre approche, témoigne Véronique Schneider, la directrice d’établissement. Nous avions un fort absentéisme, du turn-over. Le personnel était pris dans des automatismes de soins à la chaîne dans lesquels personne ne se retrouvait. D’où l’idée d’un projet visant à développer la qualité d’accompagnement et à améliorer les conditions de travail des salariés, en faisant de la qualité de vie au travail un élément d’attractivité. » Pour ce faire, la direction profite de l’arrivée d’une nouvelle coordinatrice des soins en novembre 2020.

Sa première mission est de rencontrer l’ensemble des professionnels, de les interroger sur le métier et la façon dont ils envisagent son évolution. La synthèse des entretiens fait ressortir quatre moments clés : la restauration, l’animation, les soins de confort et d’hygiène, et les temps de veille. Quatre moments sur lesquels travailler en commun. « Je voulais donner la main aux professionnels en leur permettant d’être créatifs et de les rendre auteurs de la prise en soin », reprend la directrice.

Travailler dans le confort

Pour avancer, l’établissement est accompagné par un organisme de formation. Lorsque l’on bouscule les habitudes, il faut prendre le temps. L’intervention a consisté à laisser tout le monde s’exprimer au cours d’ateliers d’1h30 environ, pour tout remettre à plat. Équipes de jour comme de nuit et représentants des différents métiers ont ainsi fait ressortir l’ensemble des besoins, hors du cadre imposé par une journée type, pour devenir acteurs des nouvelles organisations. « Tout est parti de l’expression des professionnels, dans le cadre d’un projet global étalé sur plusieurs mois, témoigne Éric Jean, contrôleur de sécurité à la Carsat Bretagne. Ensemble, ils ont cherché à donner plus de sens au travail. La direction a, quant à elle, accepté de déconstruire certaines représentations et de voir émerger des idées auxquelles elle n’aurait pas pensé. Des signaux d’accompagnement ont été donnés, avec l’achat de matériel, la mise en place de rails plafonniers dans toutes les chambres, et l’accès à des formations. »

Des aide-soignantes travaillant dans la chambre d'un résident

En parallèle, une urne était à disposition des résidents et des familles, qui ont notamment fait part d’un besoin de temps d’échange plus longs ou de mieux identifier leurs interlocuteurs. À chaque étage, des équipes ont été définies, avec des référents. « Tout le monde a donné son avis et c’est ce qui change la donne, estime Jean-François Gaberthon, un agent de soin arrivé dans la structure il y a un an. Je fais mon métier par vocation. Au quotidien, j’ai besoin d’y trouver un intérêt personnel. Travailler sur le confort – celui du résident bien sûr mais aussi des équipes – a permis de continuer à fonctionner en recréant des moments de complicité essentiels. »

Présenté aux représentants du personnel, ce retour d’expression est désormais dans les mains du management de proximité, chargé de le traduire de façon opérationnelle. Très clairement, le besoin d’un accompagnement à la carte est ressorti. Après deux ans de crise sanitaire, prendre les repas en commun le week-end comme en semaine a été identifié comme une nécessité. Pour cela, il faut revoir les effectifs, l’organisation, les plannings annuels. En cuisine, une proposition d’organisation plus linéaire sur la semaine a émergé, pour mieux anticiper le week-end. La taille du bâtiment donne la possibilité d’envisager plusieurs salons de repas, plutôt qu’une salle commune où se retrouvaient des résidents n’ayant pas tous le même niveau de dépendance ni les mêmes besoins.

Tester, valider, pérenniser

« La solution doit venir de la base, ce qui demande aussi à l’encadrement de faire ce pas de côté et sortir d’un cadre trop dirigiste », précise Véronique Schneider. Une nouvelle organisation a été testée, permettant aux aides-soignants de consacrer une journée pleine à l’accompagnement de résidents sur un travail d’animation : musique, lecture du journal, balade en bord de mer… Bref, retrouver un temps pour créer du lien. Pour cela, la directrice a négocié avec le département et l’ARS un renfort d’effectif.

« Ce projet a suscité beaucoup d’envies, mais également des craintes, qu’il faut accompagner. En matière d’animation, certains ont tout de suite proposé des activités, d’autres étaient plus en retrait, explique Évelyne Tirel, l’encadrante de l’unité Ehpad. On est là pour rassurer, tester des organisations sur une période définie et voir si du côté du personnel comme des résidents, chacun s’y retrouve. Auquel cas, on pérennise. » Autre exemple : éviter les horaires de coupe, où l’on commence tôt et on termine tard, avec une longue pause en milieu de journée. Une organisation qui n’est ni confortable, ni attractive. Ou encore travailler sur l’heure du coucher, à la demande des résidents, en associant équipes de jour et du soir.

Et les premiers résultats sont là : davantage de cohésion, des équipes qui se parlent… « On est passé de 15 % d’absentéisme en 2019 à 5 % en 2021, en pleine crise sanitaire », constate la directrice, qui mesure, lors des recrutements, l’importance donnée à l’ambiance de travail. « Chaque solution n’a pas vocation à être reproduite dans tous les établissements du groupe. Il faut tenir compte de la culture d’équipe. Mais on peut travailler sur ce qui a fonctionné ou non et sur les raisons pour lesquelles ça a fonctionné », affirme Johanne Mathat, la directrice de la communication de l’HSTV. Une réflexion est d’ailleurs lancée dans les établissements sur l’autonomie des équipes, en donnant à chacun la possibilité d’imaginer de nouveaux fonctionnements et de les tester.

IDENTITE

Nom : Hospitalité Saint-Thomas-de-Villeneuve (HSTV)

Localisation : Baguer-Morvan (Ille-et-Vilaine)

Activité : Ehpad. Le groupe HSTV est implanté principalement en Bretagne et dans le Sud de la France. Il comprend des établissements sanitaires, médico-sociaux et mixtes. À Baguer-Morvan se trouvent un Ehpad de 65 places, un dispositif Vivam de renforcement d’aide à domicile (20 usagers), une unité de soins de longue durée (30 lits), une unité soins de suite et réadaptation (30 lits).

Effectif : 125 salariés.

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