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Une journée avec

Un diagnostiqueur amiante

Sur les routes à longueur d’année, Thierry Ornaque intervient à la demande de donneurs d’ordres sur les chaussées. Sa mission : analyser les couches composant les enrobés afin d’identifier une éventuelle présence d’amiante, en mettant en œuvre un mode opératoire sous-section 4.

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Delphine Vaudoux - 17/01/2023
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Thierry Ornaque, diagnostiqueur amiante
  • 8 h 00

    Profiter des premières lueurs du jour

    Alors que le soleil se lève, nous nous retrouvons sur la RD 156, dans l’Allier, au point GPS envoyé par Thierry Ornaque, fondateur de Geocapa, et diagnostiqueur. Un rendez-vous fixé au lever du jour « pour ne pas ajouter le risque du travail dans l’obscurité à tous ceux existants… ». C’est le troisième jour que Thierry Ornaque réalise des carottages sur cette départementale, car une ligne à haute tension de 225 000 volts doit être enterrée pour relier le complexe RTE tout proche à un important site industriel de la région. À chaque fois que le tracé coupe la route, le diagnostiqueur doit analyser l’enrobé qui recouvre la chaussée afin de déceler une éventuelle présence d’amiante et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Thierry Ornaque ne perd pas de temps : il positionne son véhicule et sa remorque sur la route, et délimite un périmètre de sécurité avec des cônes. « Je veux ainsi être une contrainte pour les automobilistes et les obliger à ralentir. » Aujourd’hui, il s’agit d’une petite journée de carottages : après en avoir réalisé une cinquantaine en deux jours, il lui en reste une dizaine. « Nous terminons par les points A, B, C, D, E… car je ne voulais pas vous faire venir sur des routes trop passantes. » Il est comme ça, Thierry, focalisé sur la sécurité. Le premier carottage de la journée effectué, on passe déjà au suivant, en poursuivant la conversation.

    Mis en place de la signalisation sur la chaussée
  • 8 h 34

    Bien préparé, bien équipé

    Nous progressons de quelques centaines de mètres. À nouveau il installe ses cônes, les quatre gyrophares illuminent le petit jour et le panneau dit AK 5 avec triflash indique un chantier mobile. « Quand je suis en ville, je mets aussi en marche un décompte lumineux pour éviter de me faire insulter par des automobilistes impatients, raconte-t-il. Il m’arrive aussi de devoir mettre en place une circulation alternée quand les routes sont vraiment trop étroites. » Il effectue 80 000 km par an et réalise en moyenne 6 000 carottages. Le risque routier est de loin le premier risque auquel il est exposé. « Mon objectif : ne pas être distrait… c’est pour cette raison que je prépare bien les interventions. Mes meilleurs amis sont Google Earth et Street View ! » Il est équipé de bottes de sécurité, de gants anticoupure protégeant également des HAP, d’un gilet et d’un pantalon réfléchissants ainsi que d’un demi-masque à cartouche P3.

  • 8 h 48

    Un gel pour capter les potentielles fibres d'amiantes

    Quelques mètres plus loin... Jean-Philippe Gutscher, de l’entreprise Easygel Protect, a apporté un seau de gel, destiné à capter les potentielles fibres d’amiante. Son objectif : avoir des retours terrain sur son produit. Thierry Ornaque applique sur la chaussée deux grosses truelles de gel et procède au carottage. « On voit bien que les poussières – qui peuvent être de silice ou d’amiante – sont captées par le gel, c’est appréciable. Le gel est bien compact », commente Christophe Degeorge, contrôleur de sécurité de la Carsat Auvergne. En revanche, le chantier est moins propre à l’issue de l’intervention car le diagnostiqueur doit rincer la carotteuse à l’eau pour décoller le gel. « Si on pouvait injecter le gel par la carotteuse, ce serait parfait », remarque-t-il.

    Dépose d'un gel sur la chaussée.
  • 9 h 05

    Une remorque tout-en-un

    Le point GPS est dans un virage. Avant tout chantier, Thierry Ornaque propose au donneur d’ordres un plan de carottage, au mètre près. Il a analysé le tracé de la future ligne à haute tension et, avec l’aide d’un logiciel maison, il a positionné les carottages : « Si c’est trop dangereux, comme ici dans un virage, et que l’enrobé est identique juste à côté, je ne me mets pas en danger et procède au carottage à quelques mètres, en prévenant le donneur d’ordres. » Cette fois, ce sera un carottage sans gel.
    Le diagnostiqueur a conçu et équipé lui-même sa remorque. Elle contient tout le matériel dont il a besoin : la carotteuse, une réserve d’eau, l’aspirateur à filtre Hepa 2 relié à un astucieux système de cyclone pour retenir les poussières, le seau à bitume… « La carotteuse envoie de l’eau lorsqu’elle perce et bénéficie d’une aspiration à la source. Elle pèse 50-60 kg, explique-t-il… si je devais la rentrer et la sortir à chaque intervention, ce serait de la folie. Pour limiter les ports de charge et les vibrations, car elle a un couple très important pour s’enfoncer facilement dans des sols parfois très durs, elle est fixée à la remorque, ce qui fait que je ne la rentre jamais dans mon véhicule. »

  • 9 h 33

    Un carottage rapide

    Le diagnostiqueur se positionne volontairement un peu sur le carrefour, pour signaler sa présence, à l’angle de la route de Doyet et de la route des Soupirs. Le carottage effectué, il ne s’éternise pas.

    Thierry Ornaque réalise un carottage.
  • 9 h 47

    Une situation de travail isolé maîtrisée

    On s’arrête à proximité d’un cimetière. « Quand j’ai besoin de reprendre de l’eau, il peut m’arriver de me servir dans les cimetières », poursuit-il. Il prend systématiquement des photos des lieux, qu’il relie à ses points GPS. Au-dessus de sa remorque, il nous montre un petit boîtier noir. « C’est un vrai GPS, qui n’est pas dépendant du réseau téléphonique… heureusement car je suis souvent dans des lieux loin de tout. »
    D’ailleurs, il s’est aussi aménagé un van, pour être totalement indépendant lorsqu’il intervient dans des coins trop reculés. Étant en situation de travail isolé, il a sur son portable une application qui se déclenche, en appelant le 112, en cas d’immobilité prolongée ou de situation inhabituelle.

  • 10 h 01

    Reboucher et nettoyer la chaussée

    Dernier trou de la journée. Une fois la carotte réalisée, elle est photographiée puis mise dans un sac plastique, que Thierry Ornaque a pris soin d’identifier au préalable, lors de la préparation de son chantier. À chaque intervention, il prend soin de refermer le trou réalisé dans la chaussée. « Tout doit être propre. Je n’interviens pas lorsqu’il gèle pour ne pas risquer de détériorer la chaussée. »

    REPÈRES

    Après avoir travaillé chez Bureau Veritas et Qualiconsult, Thierry Ornaque a créé son entreprise en 2005, en se spécialisant dès le début sur « l’avant-travaux ». Il est également CSPS (coordinateur sécurité et protection de la santé) et a suivi la formation Catec afin de pouvoir intervenir en milieu confiné.

  • 10 h 13

    Des échantillons envoyés en laboratoire pour analyse

    Fin des opérations de carottage sur la départementale 156. Thierry Ornaque nous montre le plan d’intervention sur son logiciel. Tous les points ont changé de couleur. S’il le souhaite, son donneur d’ordres peut suivre « en direct » les plus de 60 interventions réalisées ces trois derniers jours. Après un débrief autour d’un café pour les besoins du reportage, direction la région parisienne où il passera les carottes à l’étuve afin de séparer les couches et de préparer le travail du laboratoire en charge de l’analyse. « Une fois le rapport du laboratoire reçu, je le relis et mentionne l’absence d’amiante par la couleur verte, la présence d’HAP sans amiante par la couleur orange, et le rouge indique amiante avec ou sans HAP également. » Il lui reste 5 h 30 de route.

    Echantillon de carottage dans un sac.
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