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Une journée avec

Un binôme en insertion

Éric et Marie travaillent chez Ondaine Agro, une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) qui récupère les invendus de boulangeries pour les transformer et les revendre à des agriculteurs. Il y a quelques années, cet établissement a été accompagné par la Carsat Rhône-Alpes afin d’améliorer les conditions de travail de ses salariés.

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Delphine Vaudoux - 20/03/2023
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Éric et Marie en trajet lors de leur tournée d'enlèvement d'invendus.
  • 7 h 00

    L'heure du briefing

    Le Chambon-Feugerolles, dans la Loire, dans les locaux d’Ondaine Agro, un atelier chantier d’insertion. Sébastien Ravel, encadrant technique, briefe trois binômes en charge des tournées de ramassage de pains invendus. « Nos salariés partent toujours à deux, on ne sait jamais ce qui peut arriver », précise Thierry Bruyère, le directeur. L’objectif de cette structure est de (re)mettre au travail des personnes qui s’en sont éloignées. On part avec le binôme constitué d’Éric Colas et Marie Labulu qui, pour l’occasion, feront une petite tournée. « Je suis arrivé il y a deux ans et demi, après avoir longtemps été en intérim, raconte Éric Colas. Un jour, on m’a fait comprendre que j’étais trop vieux et on ne m’a plus donné de boulot… et maintenant je suis là. »

    Éric et Marie assistent au brief matinal avant leur départ pour leur tournée de ramassage.
  • 7 h 32

    Suivre le plan de circulation

    Direction le sous-sol d’un centre commercial où règne une intense activité. C’est un gros « client », où chaque jour un binôme vient récupérer les invendus de la grande surface. Dès leur arrivée, le cariste de la grande surface décharge la « box jaune » vide, apportée par le binôme, et charge celle remplie de pains de la veille. « D’autres livreurs patientent derrière nous, il faut qu’on y aille », explique Éric, tout en sortant du sous-sol suivant le plan de circulation établi par l’hypermarché. Direction Sorbiers, à quelques kilomètres.

  • 7 h 52

    L'importance de la traçabilité

    Au Moulin de Sorbiers, le boulanger aide Éric et Marie à charger les sacs. « Tu notes, Marie, demande Éric. Neuf sacs. C’est pour la traçabilité. » On repart pour une boulangerie, à La Talaudière, où le binôme récupère douze sacs d’invendus avant de revenir chez Ondaine Agro.

    Éric et Marie chargent des sacs chez un boulanger lors de leur tournée d'enlèvement d'invendus.
  • 8 h 55

    Un programme bien établi

    Petite pause café. « Je fais le programme des binômes le mardi pour la semaine suivante. Il n’y a ni binôme constitué, ni véhicule attribué. Chacun doit en prendre soin », explique Sébastien Ravel. Ondaine Agro possède quatre camionnettes pour les tournées. À leur arrivée, les sacs sont contrôlés visuellement. « S’il y a du pain moisi ou du jambon par exemple, souligne Éric, ça va au compost. »

  • 9 h 10

    Trier en toute sécurité

    Éric rapproche la camionnette, Julien vient prêter main-forte pour la vider. « On se met toujours à trois, ça va plus vite », remarque Éric. La balance indique 128 kg pour les sacs des deux boulangeries, 136 kg (-44 kg de tare) pour la box jaune, manipulée à l’aide d’un chariot. Éric et Marie passent au tri, pour enlever les plastiques et papiers des invendus des grandes surfaces, et rompre les pains trop longs pour la déchiqueteuse. « Nous avons rencontré M. Bruyère en 2018, à l’occasion d’une matinée employeur organisée par la Carsat. Il voulait progresser en prévention des risques professionnels… il partait de loin », souligne Bérengère Meunier, contrôleuse de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Photos à l’appui, elle nous montre la situation d’alors : pas de box jaunes s’ouvrant latéralement, mais des caddies et des cartons un peu partout ; la ligne de tri n’existait pas, le tri se faisait sur une planche posée sur des palettes. Bérengère Meunier incite le directeur à réaliser une analyse des situations de travail et des entretiens hors poste avec les salariés. Après avoir constitué un groupe de travail et échangé avec d’autres structures équivalentes, des solutions ont été identifiées.  Aujourd’hui, un tapis convoyeur, alimenté par trois personnes, apporte le pain jusqu’à la déchiqueteuse. Les morceaux de pain obtenus sont mis dans des clayettes. « La couche de pain ne doit pas être trop épaisse pour qu’il puisse sécher facilement », explique Marie. Sous le convoyeur et la déchiqueteuse, des miettes s’accumulent, obligeant un salarié à balayer fréquemment. Un problème qui pourrait être résolu en positionnant un bac dessous, selon la contrôleuse de sécurité. Les clayettes sont empilées par douze au fur et à mesure de leur préparation sur un plateau muni de roulettes, permettant de les déplacer jusqu’au séchoir qui tourne la nuit. « Il ne faut pas empiler les clayettes trop haut pour ne pas travailler les bras en l’air, remarque Éric Colas. On a d’ailleurs tracé un repère sur le mur pour que chacun puisse voir la hauteur à ne pas dépasser. » « On accueille un public qui a parfois du mal avec l’écrit, explique Thierry Bruyère. On met beaucoup de consignes visuelles et on répète que les chaussures de sécurité sont obligatoires et que les bouchons d’oreilles doivent être portés quand le broyeur fonctionne. On va aussi proposer des casques antibruit, pour qu’ils soient acceptés plus facilement. Enfin, lors de déplacements de nuit, comme en ce moment pour les tournées, les gilets fluorescents sont obligatoires. » Une fois sec, le pain est broyé pour faire de la panure, un poste que le directeur souhaite revoir entièrement. « Pour l’alimenter, les opérateurs ont les bras un peu haut, insiste la contrôleuse. Cela devra être pris en compte lors de votre étude de poste ainsi que le bruit. » Thierry Bruyère a déjà une petite idée de la solution, avec un convoyeur pour alimenter un nouveau broyeur encoffré. « Vous devez faire participer les opérateurs, poursuit Bérengère Meunier, pour faire remonter d’autres problèmes et trouver ensemble des solutions. »

    Éric décharge la camionnette pleine de la collecte du jour dans le local.
  • 10 h 36

    Un produit fini de qualité

    Éric charge à l’aide d’un chariot élévateur deux big bags remplis de panure dans une camionnette un peu plus large que la précédente. Il possédait déjà son Caces avant d’arriver chez Ondaine Agro – l’établissement propose aux personnes en insertion de le passer si cela s’intègre dans leur projet professionnel. Direction l’élevage porcin de Rémi Escoffier, à Saint-Ferréol-d’Auroure, par une petite route sinueuse. « N’importe qui ne peut pas conduire cette camionnette, remarque Éric Colas. On ne met pas de débutant sur ce trajet. » L’agriculteur l’attend. C’est lui qui décharge la camionnette, à l’aide d’un tracteur muni d’une fourche. Éric lui laisse le bon de livraison mentionnant deux big bags de 440 kg et 370 kg. L’éleveur est livré trois fois par semaine par Ondaine Agro, soit en panure, soit en pain qui, mélangé à du petit lait, lui sert à engraisser ses porcs. « Je travaille avec Ondaine Agro quasiment depuis sa création, en 2014. Les pains sont bien triés, ils ne sont pas moisis, et ne contiennent pas d’éléments qui seraient nocifs pour mes porcs. De plus, tous les produits sont tracés. » Retour au Chambon-Feugerolles, où Éric et Marie achèveront leur journée. Tous les salariés en contrat d’insertion sont à temps partiel, pour revenir en douceur dans le monde du travail. « On est parfois obligés de réduire leur temps de travail de 30 h/semaine à 20 h, car c’est trop dur », remarque Thierry Bruyère qui ne manque pas d’idées pour la suite, et qui souhaite garder une structure où l’humain a toute sa place. 

    Éric sur la ligne de tri.

    ONDAINE AGRO EN CHIFFRES

    • Création en 2014
    • 6 permanents, 40 personnes en insertion (pour des périodes de 4 mois renouvelables)
    • 110 points de collecte, 10 grandes surfaces et une boulangerie industrielle
    • 380 tonnes d’invendus de boulangerie récoltées par an
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